I°) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 décembre 2017 et 19 février 2018, sous le n° 17LY04182, le préfet de la Loire demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 novembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme D....
Il soutient que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a jugé que sa décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2018, Mme D..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon n'a commis aucune erreur d'appréciation en retenant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 janvier 2018.
Par une ordonnance du 21 février 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 mars 2018.
II°) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 décembre 2017 et 19 février 2018, sous le n° 17LY04184, le préfet de la Loire demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 novembre 2017.
Il soutient qu'il existe un moyen sérieux d'annulation du jugement ainsi que de rejet des conclusions de première instance de Mme D....
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2018, Mme D..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête du préfet du Rhône et à ce qu'une somme de 600 euros soit mise à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet de la Loire qui n'a pas exécuté le jugement de première instance et que c'est à bon droit que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a retenu, comme motif d'annulation des décisions préfectorales, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 janvier 2018.
Par une ordonnance du 21 février 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lesieux.
1. Considérant que MmeD..., née le 22 mars 1987, de nationalité albanaise, est entrée irrégulièrement en France le 18 octobre 2015 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 juin 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 6 mars 2017 ; que par décisions du 7 juillet 2017, le préfet de la Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en désignant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office ; que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a, par un jugement du 14 novembre 2017, annulé ces décisions et enjoint au préfet de la Loire de délivrer, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer la situation de Mme D... dans un délai de deux mois ; que par sa requête n° 17LY04182, le préfet de la Loire relève appel de ce jugement et demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution par sa requête n° 17LY04184 ;
2. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces requêtes relatives au même jugement pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur la requête n° 17LY04182 :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le premier juge :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...est entrée irrégulièrement en France le 18 octobre 2015, accompagnée de son concubin, EmirA..., et de son père, Agron ; que sa demande d'asile ainsi que celle de son compagnon, fondées sur leurs craintes de subir des persécutions de la part de la famille de M. A...en raison de l'origine égyptienne de Mme D..., ont été rejetées en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 6 mars 2017 ; que la demande d'asile de son père a également été rejetée en dernier lieu par un arrêt du même jour de la Cour nationale du droit d'asile ; que si Mme D... soutient qu'elle a donné naissance en France à un enfant le 22 janvier 2016, qu'elle dit élever seule, qu'elle maîtrise le français, s'investit dans le milieu associatif et dispose de promesses d'embauche pour quelques heures de ménage, elle est cependant entrée récemment en France à l'âge de 28 ans et ne peut se prévaloir de la présence sur le territoire national que de son fils en bas âge, de son père et du père de son enfant qui ne justifient d'aucun droit au séjour ; que dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que cette décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet de la Loire est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a retenu ce moyen, pour annuler l'arrêté attaqué ;
5. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Sur les autres moyens :
6. Considérant, en premier lieu, que la décision portant obligation de quitter le territoire français vise les stipulations et dispositions utiles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, en particulier le 6° du I de l'article L. 511-1 de ce code, sur lequel elle se fonde ; qu'elle mentionne que Mme D... est entrée en France le 18 octobre 2015, à l'âge de 28 ans, que sa demande d'asile a été rejetée successivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 juin 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 6 mars 2017, qu'elle ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France ancrée dans la durée et qu'elle ne démontre pas être dénuée d'attaches dans son pays d'origine ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, dès lors, être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort ni des pièces du dossier, ni de la décision contestée que le préfet de la Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier et complet de la situation de Mme D... ;
8. Considérant, en dernier lieu, que si Mme D... demande l'annulation de la décision fixant le pays de destination en cas d'éloignement forcé, elle n'invoque aucun moyen à son encontre ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 7 juillet 2017 et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation ;
Sur la requête n° 17LY04184 :
10. Considérant que le présent arrêt statue sur l'appel présenté contre le jugement n° 1705317 du 14 novembre 2017 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon ; que les conclusions de la requête n° 17LY04184 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont, dès lors, devenues sans objet ;
Sur les frais liés au litige au titre des deux instances :
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de Mme D... tendant à ce que des sommes, à verser à son conseil, soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17LY04184.
Article 2 : Le jugement n° 1705317 du tribunal administratif de Lyon du 14 novembre 2017 est annulé.
Article 3 : La demande de première instance présentée par Mme D... et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et à Mme C...D....
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
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Nos 17LY04182-17LY04184