Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 10 juin 2021, M. et Mme E..., représentés par Me Guérault, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions du 18 août 2020 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, jusqu'au réexamen de leur droit au séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision du 18 août 2020 refusant à Mme E... le renouvellement de son titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et procèdent d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme E..., ressortissants d'Albanie respectivement nés le 10 avril 1951 et le 27 août 1950, sont entrés en France en novembre 2016. Mme E... a obtenu la délivrance d'une carte de séjour temporaire valable du 5 septembre 2018 au 4 septembre 2019 en raison de son état de santé et son époux a été admis au séjour en qualité d'accompagnant pour la même période. Par des décisions du 18 août 2020, le préfet du Rhône a toutefois refusé de renouveler leurs titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits d'office. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 2 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, s'il peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions rappelées ci-dessus, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Pour refuser à Mme E... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Rhône s'est approprié les termes d'un avis du 20 janvier 2020 du collège de médecins de l'OFII estimant que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut néanmoins effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque. Pour remettre en cause cet avis, la requérante produit un certificat médical du 1er septembre 2020 du Dr F... qui confirme seulement la gravité des conséquences d'un défaut de soins, un certificat médical du 13 mars 2020 du Dr D... indiquant que l'état de santé de la requérante ne lui permet pas de se déplacer en-dehors du territoire français mais n'est pas suffisamment circonstancié pour remettre en cause l'avis du collège de médecins sur ce point, un certificat médical du même médecin du 17 septembre 2020 faisant seulement état de la nécessité d'une prise en charge hospitalière à vie 3 fois par semaine, et un certificat médical du 6 novembre 2017 du Dr B... estimant que les traitements ne sont pas accessibles dans le pays d'origine de Mme E..., qui est toutefois antérieur à la délivrance du titre de séjour dont la requérante demandait le renouvellement et ne remet donc pas en cause l'avis du 20 janvier 2020. En se bornant à contester la pertinence d'un document datant de 2014 produit en première instance par le préfet du Rhône dans le but de démontrer l'existence d'un centre d'hémodialyse public en Albanie, Mme E... ne remet pas davantage sérieusement en cause l'avis du collège de médecins de 2020, et ne démontre en particulier pas que l'existence de listes d'attente, relevée par le document de 2014, serait toujours d'actualité en 2020. Par ailleurs, Mme E..., qui a quitté son ancien domicile albanais pour la France en 2016, ne justifie pas être dans l'impossibilité de s'établir, à son retour, à proximité d'un centre d'hémodialyse, de sorte qu'est sans incidence la circonstance que le centre hospitalier le plus proche de son ancien domicile ne proposerait pas cette prise en charge. Mme E... ne peut, de même, se prévaloir de ses faibles ressources pour soutenir qu'elle ne pourrait financer les trajets à destination d'un autre centre hospitalier. Si Mme E... invoque enfin le coût des traitements, elle ne conteste pas que le traitement de l'insuffisance rénale est entièrement couvert par l'assurance maladie albanaise. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision du préfet du Rhône de ne pas renouveler son titre de séjour serait intervenue en méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. et Mme E... reprennent en appel le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'un refus de séjour et d'une mesure d'éloignement sur leurs situations personnelles. Il y a toutefois lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent en conséquence être également rejetées.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. et Mme E... la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et à Mme G... épouse E... ainsi qu'au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 février 2022.
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N° 21LY01931