Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n°2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme G..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... se disant D... I..., ressortissant de la République démocratique du Congo, déclare être entré en France à la fin de l'année 2016 et être arrivé à Clermont-Ferrand en mai 2017. Affirmant être mineur, il a été pris en charge durant quelques semaines par le département du Puy-de-Dôme au titre de l'aide sociale à l'enfance. Après ouverture d'une enquête par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, la consultation du fichier VISABIO a conduit à remettre en cause l'identité et l'âge de l'intéressé. Par arrêté du 22 juin 2017, le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... se disant D... I... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de ClermontFerrand a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". En vertu de l'article 1er du décret susvisé n° 20151740 du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état-civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.
4. En l'espèce, M. A... se disant M. D... I... produit en appel un jugement du tribunal pour enfants H... du 4 août 2017 concernant l'enfant D... I... né à Kinshasa le 10 octobre 2000, un acte de naissance ainsi qu'une copie intégrale d'acte de naissance légalisée par l'ambassade de la République Démocratique du Congo en France le 20 mars 2018. Le préfet du Puy-de-Dôme ne conteste pas l'authenticité des nouveaux documents produits et n'a pas présenté d'observations à la suite de l'arrêt avant-dire-droit rendu par la Cour le 15 janvier 2020. Les documents produits par M. A... se disant M. D... I... permettent de remettre en cause les mentions portées dans le fichier Visabio et opposées à l'appelant par le préfet du Puy-de-Dôme, l'identifiant, sur la base de ses empreintes digitales, et avec une photographie d'identité concordante, comme étant M. E... C... né le 9 novembre 1988 à Maquela do Zombo, de nationalité angolaise. Ils sont en outre compatibles avec le test osseux pratiqué par le service d'imagerie médicale du CHU de Clermont-Ferrand qui a permis d'évaluer son âge osseux à dix-neuf ans. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l'état civil de l'appelant est bien celui dont il se prévaut et qu'il était mineur à la date de la mesure d'éloignement prise à son encontre le 22 juin 2017 par le préfet du Puy-de-Dôme, cette qualité faisant obstacle à son éloignement en vertu des dispositions du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède que la décision du 22 juin 2017 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a fait obligation à M. D... I... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, celle du même jour fixant le pays de destination.
Sur les frais liés au litige :
6. M. D... I... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me F..., son avocate, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 22 juin 2017 du préfet du Puy-de-Dôme pris à l'encontre de M. D... I... est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à Me F..., avocate de M. D... I..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... I... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... D..., à Me F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme B..., présidente assesseure,
Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.
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N°18LY00876
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