Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 16 août 2018 et un mémoire enregistré le 18 novembre 2019, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, la SCI Château de Rosières, M. B..., M. et Mme G..., M. E... et M. I..., représentés par Me Monamy, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 3 mai 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 8 avril 2015 par lesquels le préfet de la région Bourgogne a délivré à la société Eole Res trois permis de construire dix-sept éoliennes et cinq structures de livraison sur le territoire des communes de Montigny-Mornay-Villeneuve-sur-Vingeanne, de Pouilly-sur-Vingeanne et I...-sur-Vingeanne, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé contre ces arrêtés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Res une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable, dès lors qu'ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre les permis de construire contestés ;
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- le préfet de la région Bourgogne n'était pas compétent pour signer les permis litigieux, celui-ci s'étant irrégulièrement substitué aux préfets compétents ;
- le projet architectural est insuffisant quant à l'emplacement des postes de livraison et à leur aspect extérieur et quant au volet paysager de l'étude d'impact, en méconnaissance des articles R. 431-8 et suivants du code de l'urbanisme ;
- les demandes de permis de construire auraient dû être mises à la disposition du public en application des dispositions de l'article L. 120-1-1 du code de l'environnement ;
- les arrêtés attaqués ont été pris dans des conditions incompatibles avec les objectifs de la directive 85/337/CE du 27 juin 1985, reprise par la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011, dès lors que le préfet n'a pas mis à la disposition du public les demandes de permis de construire et l'étude d'impact ;
- les arrêtés attaqués ont été accordés en méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
- les arrêtés attaqués ont été accordés en méconnaissance de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 juin 2019, la société Res, représentée par Me C..., avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres la somme de 1 000 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle expose que :
- la demande de première instance n'était pas recevable, à défaut pour les requérants de justifier d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- les photomontages dont ils se prévalent ne peuvent être retenus ;
- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il expose que :
- la demande de première instance n'était pas recevable, à défaut pour les requérants de justifier l'avoir notifiée conformément à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- la demande de première instance n'était pas recevable, en ce qu'elle émane de personnes physiques qui ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;
- il s'en rapporte aux écritures du préfet de la Côte-d'Or produites en première instance.
Par ordonnance du 21 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le décret n° 2011-984 du 23 août 2011 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... H..., première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me C... représentant la société Res ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêtés du 8 avril 2015, le préfet de la région Bourgogne a délivré à la société Eole Res, depuis devenue société Res, des permis de construire autorisant l'implantation de dix-sept éoliennes et cinq postes de livraison répartis sur le territoire des communes de Montigny-Momay-Villeneuve-sur-Vingeanne, de Pouilly-sur-Vingeanne et I...-sur-Vingeanne. L'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres relèvent appel du jugement du 3 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés, ainsi qu'à celle de la décision de rejet implicitement née du silence conservé sur leur recours gracieux du 5 juin 2015.
Sur la régularité du jugement :
2. En vertu de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il résulte du jugement attaqué, en particulier de son paragraphe 12, que les premiers juges ont mentionné l'ensemble des considérations de droit et de fait pour lesquelles ils ont écarté le moyen tiré de l'insuffisance du projet architectural au regard des exigences de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme, y compris quant aux mentions du dossier relatives à l'aspect extérieur des postes de livraison. Il en est de même du moyen tiré de l'atteinte portée par le projet au paysage naturel, aux points 44 et 49 du jugement, les premiers juges n'étant pas tenus de justifier plus précisément les motifs pour lesquels ils ont estimé que les photomontages produits par les requérants ne présentaient pas de garanties de fiabilité suffisantes. Contrairement à ce que prétendent les requérants, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre au détail de l'argumentation de la demande dont il était saisi, a ainsi suffisamment motivé son jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la compétence du préfet de région :
4. Aux terme du quatrième alinéa de l'article 2 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet de région peut également évoquer, par arrêté, et pour une durée limitée, tout ou partie d'une compétence à des fins de coordination régionale. Dans ce cas, il prend les décisions correspondantes en lieu et place des préfets de département ".
5. En application de ces dispositions, le préfet de la région Bourgogne a, par un arrêté du 1er juillet 2013, décidé d'exercer la compétence pour statuer, en lieu et place des préfets de la Côte-d'Or, de la Nièvre, de la Saône-et-Loire et de l'Yonne, sur les demandes de permis de construire des aérogénérateurs et leurs annexes. Cet arrêté, dont la période d'application est limitée, a été pris, selon ses propres termes " en vue d'assurer à l'échelon régional la cohérence de l'implantation des aérogénérateurs " et afin de " garantir à l'échelle des quatre départements de la région Bourgogne, (...) l'harmonisation de l'instruction des dossiers de demande de permis de construire et des décisions accordant ou refusant les permis de construire portant sur les aérogénérateurs et leurs annexes, (...) ". Si ce même arrêté fait référence au schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie de Bourgogne, approuvé le 26 juin 2012, il n'en constitue pas une mesure d'application. Par suite, la circonstance que ce schéma régional du climat a été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 3 novembre 2016 est sans influence sur la légalité de l'arrêté du 1er juillet 2013, qui n'excède pas, par ailleurs, les limites de la compétence que tient le préfet de la région Bourgogne en vertu des dispositions précitées de l'article 2 du décret du 29 avril 2004. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des arrêtés litigieux doit être écarté.
En ce qui concerne le dossier de demande :
6. Aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 (...) ". L'article R. 431-7 du même code prévoit que : " Sont joints à la demande de permis de construire : (...) b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12 ". L'article R. 431-9 de ce code prévoit en outre que : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu ". Enfin, son article R. 431-10 dispose que : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".
7. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
S'agissant des postes de livraison :
8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-18 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date des permis en litige : " A moins que le bâtiment à construire ne jouxte la limite parcellaire, la distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres ".
9. Il ressort des pièces du dossier, notamment des dossiers de demande des permis de construire en litige, que si les plans de masse qu'ils comportaient étaient établis à une échelle élevée de 1/3500e, ces plans mentionnaient également certaines cotations, notamment les distances séparant les éoliennes de certaines limites parcellaires. Les requérants ne démontrent pas que ces cotations étaient insuffisantes pour s'assurer du respect des dispositions précitées, ni, au demeurant, que l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à ces mêmes dispositions aurait été faussée.
10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le formulaire " cerfa " portant demande de permis de construire précise, en son paragraphe 5.2., outre les dimensions des structures de livraison, que celles-ci seront recouvertes d'un " crépi couleur gris clair RAL n° 7030 " avec une " toiture béton ". Si le dossier de demande renvoie par ailleurs, s'agissant du traitement de ces bâtiments, à son volet paysager, celui-ci ne comporte qu'une description générale de ces installations accompagnée d'une photographie d'un préfabriqué de couleur verte qui ne constitue qu'une illustration de ce type d'installation et n'est pas présentée comme le traitement qui sera effectivement retenu pour le projet en cause. Ce volet étant muet à cet égard, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il existerait une imprécision, ni même une contradiction au sein du dossier de demande quant au traitement qui sera apporté à ces installations.
11. En troisième lieu, et comme indiqué ci-dessus, le dossier de demande décrit les dimensions de postes de livraison, leur implantation et le traitement qui leur sera appliqué. Celui-ci comporte en outre des documents graphiques qui, s'ils ne représentent pas précisément ces postes de livraison, permettent d'apprécier l'insertion du projet, dans son ensemble, dans son environnement. Dans ces conditions, et ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, l'absence de photomontage représentant les postes de livraison, au demeurant de faibles dimensions par comparaison à l'ensemble du projet, ne faisait pas obstacle à ce que l'autorité administrative puisse apprécier l'insertion de ce projet dans son environnement.
S'agissant du volet paysager :
12. Il ressort des pièces du dossier que le volet paysager de la demande de permis de construire était constitué d'une étude patrimoniale et paysagère de 300 pages environ, comprenant une description de l'état initial du site, une présentation du projet sous l'angle paysager et une évaluation de ses effets sur le paysage et le patrimoine, assorties de nombreuses cartographies, photographies et photomontages, dont la méthode d'élaboration n'est pas remise en cause. Si l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres se prévalent des avis défavorables émis par les services en charge de l'architecture et du patrimoine des préfectures de la Côte-d'Or, de la Haute-Saône et de la Haute-Marne, ces avis remettent essentiellement en cause, en se fondant sur les cartes et les photomontages qu'elle comporte, les conclusions de l'étude quant à l'impact du projet, non son caractère complet et sincère. Contrairement à ce que mentionnent certains de ces avis, l'étude n'apparaît pas imprécise quant à l'impact du projet dans l'aire d'étude éloignée.
13. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'insuffisance des dossiers de demande de permis de construire doivent être écartés.
En ce qui concerne la participation du public :
14. D'une part, aux termes de l'article L. 120-1-1 du code de l'environnement : " (...) le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement qui n'appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquels elles doivent, le cas échéant en fonction des seuils et critères, être soumise à participation du public. (...) ". Aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'environnement : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. (...) ". L'article L. 123-2 de ce code prévoit que : " I.- Font l'objet d'une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre préalablement à leur autorisation, leur approbation ou leur adoption : / 1° Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une étude d'impact en application de l'article L. 122-1 à l'exception : (...) - des demandes de permis de construire et de permis d'aménager portant sur des projets de travaux, de construction ou d'aménagement donnant lieu à la réalisation d'une étude d'impact après un examen au cas par cas effectué par l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. Les dossiers de demande pour ces permis sont soumis à une procédure de mise à disposition du public selon les modalités prévues aux II et III de l'article L. 120-1-1 ".
Enfin, selon l'article L. 122-1 du code de l'environnement, alors applicable : " I.- Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. / Ces projets sont soumis à étude d'impact en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement (...) ".
15. Eu égard à l'objet de l'enquête publique tel qu'il est défini par les dispositions ci-dessus reproduites de l'article L. 123-1 du code de l'environnement, ces différentes dispositions législatives constituent, au sens de l'article L. 120-1-1 du code précité, des dispositions particulières prévoyant les cas dans lesquels les décisions qu'elles énumèrent doivent, le cas échéant en fonction de seuils et critères, être soumises à participation du public.
16. Le 1° du I de l'article L. 123-2 du code de l'environnement prévoit que les dossiers de demande de permis de construire, portant sur des projets donnant lieu à la réalisation d'une étude d'impact après un examen au cas par cas, sont soumis à une procédure de mise à disposition du public selon les modalités prévues aux II et III de l'article L. 120-1-1 de ce code. Toutefois, en vertu de l'article R. 122-2 du code de l'environnement, auquel renvoie l'article L. 122-1, et du tableau qui lui est annexé, dans sa version issue du décret du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements, alors applicable, la réalisation d'une étude d'impact est systématiquement exigée pour les installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation d'exploiter dans le cadre de l'instruction de cette autorisation. Tel est, notamment, le cas des installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent et regroupant un ou plusieurs aérogénérateurs, dont un au moins doté d'un mât d'une hauteur supérieure ou égale à 50 mètres, mentionnées dans la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, annexée à l'article R. 511-9 du code de l'environnement, dans sa version issue du décret du 23 août 2011 modifiant la nomenclature des installations classées, alors applicable. Par conséquent, les dispositions de l'article L. 120-1-1 du code de l'environnement ne s'appliquent pas aux permis de construire relatifs à de telles installations.
17. En l'espèce, les éoliennes projetées, d'une hauteur supérieure à 50 mètres, sont soumises à autorisation au titre de la législation sur les installations classées. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des formalités prévues par l'article L. 120-1-1 du code de l'environnement ne peut être utilement soulevé à l'encontre des permis de construire en litige.
18. D'autre part, aux termes de l'article 2 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 : " 1. Les Etats membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l'octroi de l'autorisation, les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d'autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l'article 4. / 2. L'évaluation des incidences sur l'environnement peut être intégrée dans les procédures existantes d'autorisation des projets dans les Etats membres ou, à défaut, dans d'autres procédures ou dans celles à établir pour répondre aux objectifs de la présente directive ". Aux termes de l'article 4 de cette directive : " 1. Sous réserve de l'article 2, paragraphe 4, les projets énumérés à l'annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10. / 2. Sous réserve de l'article 2, paragraphe 4, pour les projets énumérés à l'annexe II, les Etats membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les Etats membres procèdent à cette détermination : / a) sur la base d'un examen cas par cas ; / ou / b) sur la base des seuils ou critères fixés par l'État membre. (...) / 3. Pour l'examen cas par cas ou la fixation des seuils ou critères en application du paragraphe 2, il est tenu compte des critères de sélection pertinents fixés à l'annexe III. (...) ". Aux termes de l'article 6 de cette directive : " (...) 2. A un stade précoce des procédures décisionnelles en matière d'environnement visées à l'article 2, paragraphe 2, et au plus tard dès que ces informations peuvent raisonnablement être fournies, les informations suivantes sont communiquées au public par des avis au public ou d'autres moyens appropriés tels que les moyens de communication électroniques lorsqu'ils sont disponibles : / a) la demande d'autorisation ; / b) le fait que le projet fait l'objet d'une procédure d'évaluation des incidences sur l'environnement et que, le cas échéant, l'article 7 est applicable ; / c) les coordonnées des autorités compétentes pour prendre la décision, de celles auprès desquelles peuvent être obtenus des renseignements pertinents, de celles auxquelles des observations ou questions peuvent être adressées ainsi que des précisions sur les délais de transmission des observations ou des questions ; / d) la nature des décisions possibles ou, lorsqu'il existe, le projet de décision ; / e) une indication concernant la disponibilité des informations recueillies en vertu de l'article 5 ; / f) une indication de la date à laquelle et du lieu où les renseignements pertinents seront mis à la disposition du public et des moyens par lesquels ils le seront ; / g) les modalités précises de la participation du public prévues au titre du paragraphe 5 du présent article. (...) / 4. A un stade précoce de la procédure, le public concerné se voit donner des possibilités effectives de participer au processus décisionnel en matière d'environnement visé à l'article 2, paragraphe 2, et, à cet effet, il est habilité à adresser des observations et des avis, lorsque toutes les options sont envisageables, à l'autorité ou aux autorités compétentes avant que la décision concernant la demande d'autorisation ne soit prise ; / 5. Les modalités précises de l'information du public (par exemple, affichage dans un certain rayon ou publication dans la presse locale) et de la consultation du public concerné (par exemple, par écrit ou par enquête publique) sont déterminées par les Etats membres (...) ".
19. S'il résulte de ces dispositions qu'un projet soumis à une évaluation de ses incidences sur l'environnement doit faire l'objet d'une procédure d'information et de participation du public préalablement à la délivrance de l'autorisation permettant sa mise en oeuvre, elles n'exigent pas, dans le cas où cette mise en oeuvre est subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations, que chacune de ces autorisations soit précédée d'une procédure d'information et de participation du public. Il ne résulte pas non plus de ces dispositions que, dans le cas où la mise en oeuvre du projet est subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations, lesdites formalités doivent nécessairement précéder la délivrance de la première de ces autorisations.
20. Comme indiqué précédemment, les éoliennes d'une hauteur supérieure à 50 mètres, notamment celles projetées, sont soumises à autorisation au titre de la législation sur les installations classées et sont précédées d'une procédure d'information et de participation du public. Dès lors, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le droit national n'est pas compatible avec les objectifs de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011, en ce qu'il ne soumet pas les demandes de permis de construire des éoliennes à la consultation préalable du public. Pour la même raison, ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que le préfet a méconnu les exigences de cette directive en n'organisant pas, préalablement à la délivrance des permis de construire en litige, une procédure d'information comportant la mise à la disposition du public des demandes de permis de construire.
En ce qui concerne la violation de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme :
21. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
22. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions accompagnant la délivrance de ce permis de construire, il appartient à l'autorité administrative compétente d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu, de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Ces dispositions excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés.
23. Il ressort des pièces du dossier que le projet autorisé prévoit l'implantation de dix-sept aérogénérateurs d'une hauteur, pale haute, de 180 mètres au nord-est du département de la Côte-d'Or, sur le territoire des communes de Montigny-Momay-Villeneuve-sur-Vingeanne, de Pouilly-sur-Vingeanne et I...-sur-Vingeanne. Si l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres font valoir que la vallée de la Vingeanne est reconnue comme " site paysager majeur " en raison de la richesse de ses paysages et de son patrimoine historique, il est constant que le projet ne sera pas implanté dans cette vallée mais à l'est de celle-ci, sur une vaste plaine agricole, qui ne présente pas d'enjeux forts en termes paysagers et patrimoniaux. Il résulte des photomontages illustrant le volet paysager des dossiers de demande des permis de construire, dont le réalisme n'a pas été remis en cause, notamment par les avis défavorables émis par les services en charge de l'architecture et du patrimoine des préfectures de la Côte-d'Or, de la Haute-Saône et de la Haute-Marne, que l'impact visuel du projet sera en grande partie minoré par le relief, légèrement vallonné, et les boisements qui ponctuent le paysage environnant et masquent en grande partie les mâts des machines, notamment depuis la vallée de la Vingeanne et les villages qui la composent. Il ressort du photomontage qui lui est consacré dans cette étude que cet effet de masque, combiné à l'éloignement des éoliennes, limitera également l'impact de la co-visibilité du projet et du château de Rosières, sans effets de surplomb ni d'écrasement. Il en est de même, ainsi qu'il résulte également des photomontages produits par l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres, de l'abbaye de Theuley, la visibilité du projet étant au demeurant limitée à son porche. Par ailleurs, il n'est pas établi que le château I...-sur-Vingeanne bénéficie d'une protection particulière. Enfin, si les appelants invoquent le risque de saturation visuelle lié à la présence d'un grand nombre de parc éoliens dans le secteur, notamment les parcs d'Ecoulottes, de Beaumont-sur-Vingeanne et de Mirebellois, et d'autres parcs en projet, il n'est pas contesté que certains de ces parcs n'étaient pas encore autorisés au jour des permis en litige. Par ailleurs, le risque de saturation des paysages apparaît limité, au vu des photomontages réalisés pour l'étude d'impact pour illustrer les effets cumulés dont il résulte que l'implantation des éoliennes permet aux parcs de s'inscrire dans une même perspective ou d'être suffisamment espacés pour éviter un tel effet et dès lors que les photomontages produits par l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres n'évoquent un tel risque que dans un axe transversal Sud-Ouest/nord-Est bien particulier et limité aux seuls secteurs élevés. Dans ces conditions, et nonobstant les avis défavorables émis par les services en charge de l'architecture et du patrimoine des préfectures de la Côte-d'Or, de la Haute-Saône et de la Haute-Marne à l'égard de ce projet, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en délivrant les permis de construire litigieux, le préfet aurait manifestement méconnu l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme :
24. Aux termes de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement ".
25. S'agissant de l'atteinte portée aux chiroptères, il résulte des pièces du dossier que le projet est implanté dans une zone caractérisée par la présence d'une grande diversité de chiroptères et présentant de forts enjeux en raison notamment de la présence d'espèces d'intérêt communautaire, s'expliquant par la proximité de l'étang de Theuley situé en zone Natura 2000 et constituant une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF). Toutefois, il n'est nullement soutenu que les enregistrements réalisés pour la réalisation de l'étude d'impact n'auraient pas permis de détecter l'ensemble des espèces présentes sur le site. Il résulte de cette étude, que les espèces à enjeux communautaires sont peu sensibles aux installations éoliennes, à la différence des espèces communes. L'étude d'impact conclut ainsi à l'existence d'un risque faible de mortalité pour des espèces communes et à un risque marginal pour les autres, grâce aux choix faits quant à l'implantation, aux modèles d'aérogénérateurs et au système de régulation de l'éolienne T 13. L'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres ne sauraient utilement soutenir que les permis en litige ne reprennent pas les préconisations de bridage de certaines éoliennes faites par l'autorité environnementale dans son avis du 25 mars 2015, cet avis ayant été émis dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation d'exploiter présentée au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement et ces préconisations ayant, au demeurant, été reprises dans l'autorisation délivrée à l'issue de cette procédure. Enfin, si l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres s'étonnent que le schéma régional éolien de Franche-Comté n'ait pas prévu de zone d'exclusion dans ce secteur, autour de l'étang de Theuley, ils ne démontrent ni que l'ensemble des conditions fixées par ce schéma, notamment quant aux types de gîtes qui ont été sélectionnés pour fixer ces zones, étaient effectivement réunies, ni, par suite, que le schéma était illégal à cet égard. Ils ne peuvent davantage se prévaloir de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, le projet en cause n'ayant pas pour effet de détruire une espèce animale protégée. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en délivrant les permis de construire litigieux, le préfet aurait manifestement méconnu l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme.
26. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Res, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres une somme globale de 2 000 euros à verser à la société Res en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres est rejetée.
Article 2 : L'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres verseront solidairement à la société Res une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne, à la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, à la SCI Château de Rosières, à M. B..., à M. et Mme G..., à M. E..., à M. I..., à la société Res, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
Mme F... A..., présidente,
M. Gilles Fedi, président-assesseur,
Mme D... H..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.
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N° 18LY03295