Par une requête enregistrée le 16 décembre 2019, M. G... et Mme F..., épouse G..., représentés par Me Robin, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 23 septembre 2019 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de leur situation, dans le délai d'un mois, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, au profit de leur conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les décisions d'obligation de quitter le territoire français ont été prises à l'encontre des requérants sans que leur demande de rendez-vous en préfecture n'ait été prise en considération alors même que celle-ci était justifiée par l'état de santé de M. G... ;
- elles sont insuffisamment motivées, notamment en ce qui concerne les demandes de rendez-vous et sont entachées d'un défaut d'examen de leurs situations personnelles ;
- le préfet qui avait connaissance des problèmes de santé de M. G... aurait dû consulter le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- les décisions d'obligations de quitter le territoire français méconnaissent le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions fixant le pays de renvoi sont illégales du fait de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français ;
- elles méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme F..., épouse G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., présidente assesseure ;
- les observations de Me D..., représentant M. et Mme G... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. G... et son épouse, de nationalité arménienne, nés respectivement, le 11 juillet 1967 et le 2 janvier 1968, sont entrés en France le 12 mars 2018, selon leurs déclarations. L'asile leur a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 31 août 2018 et ces refus ont été confirmés par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 18 janvier 2019. Par décisions du 26 avril 2019, le préfet du Rhône, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. G... et son épouse font appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions du 26 avril 2019.
Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, pour prendre les décisions obligeant les intéressés à quitter le territoire français, le préfet a mentionné les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il entendait faire application, ainsi que les éléments factuels sur lesquels il s'est fondé. Ce faisant, il a suffisamment motivé ses décisions au regard des exigences des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a procédé à un examen complet de la situation de M. G... et de son épouse.
3. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la circonstance que les décisions en litige ne mentionnent pas le fait que M. G... et son épouse ont obtenu un rendez-vous fixé au 9 octobre 2019, auprès des services préfectoraux en vue de déposer une demande de titre de séjour en raison de l'état de santé de M. G... ne révèle pas que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de leurs situations personnelles.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. "
5. Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment d'un formulaire d'évaluation établi le 26 février 2019 par les services de la Maison de la Veille Sociale du Rhône que M. G... souffre de problèmes cardiaques, de vertiges, d'une dépression majeure ainsi que d'une mobilité réduite. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le préfet ne pouvait être regardé comme nécessairement informé du seul fait de l'existence de ce formulaire d'évaluation, de la gravité de l'état de santé de M. G... avant de prendre les décisions litigieuses. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en s'abstenant de saisir le collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet du Rhône aurait entaché ses décisions d'un vice de procédure.
8. En quatrième lieu, par les certificats médicaux qu'ils produisent, les requérants n'établissent pas plus en appel qu'en première instance que M. G... ne pourrait bénéficier effectivement en Arménie d'un traitement approprié à son état de santé, ou qu'un retour dans ce pays serait de nature à aggraver les troubles psychologiques dont il souffre. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les obligations de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En dernier lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
10. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les intéressés auraient été, à un moment de la procédure, informés de ce qu'ils étaient susceptibles de faire l'objet de mesures d'éloignement ou mis à même de présenter des observations, la procédure de demande d'asile n'ayant pas une telle finalité. Dans ces conditions le préfet du Rhône a entaché ses décisions d'irrégularité.
11. Toutefois, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un tel moyen, d'apprécier si l'intéressé a été, en l'espèce, privé de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision.
12. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les certificats médicaux produits par les requérants n'établissent pas que M. G... ne pourrait bénéficier effectivement en Arménie d'un traitement approprié à son état de santé. Dans ces conditions, l'irrégularité commise par le préfet du Rhône en privant M. G... de faire valoir son état de santé, ne l'a pas privé d'une garantie dans les circonstances de l'espèce et n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens des décisions attaquées.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :
13. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité des obligations de quitter le territoire français que M. G... et son épouse ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces mesures d'éloignement à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions désignant le pays de renvoi.
14. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
15. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, le retour de M. G... et de son épouse en Arménie ne saurait être regardé comme susceptible d'exposer M. G... à un traitement inhumain et dégradant en raison de son état de santé. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les requérants seraient exposés, de façon directe et certaine, à des risques sérieux pour leur vie, leur liberté ou leur sécurité en cas de retour en Arménie. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
16. Il résulte de ce qui précède que M. G... et son épouse ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. G... et de Mme F..., épouse G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G..., à Mme C... F..., épouse G... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme H..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.
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N° 19LY04766