Par une requête enregistrée le 10 janvier 2020, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble.
Il soutient que le refus de séjour en litige ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il a procédé à une appréciation globale de la situation de M. B... alors que ce dernier ne démontre pas ne plus être en contact avec sa famille qui demeure dans son pays d'origine.
Par mémoire enregistré le 17 mars 2020, M. M'C... B..., représenté par Me A... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés et indique reprendre les moyens qu'il a présenté en première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes, signée à Bamako le 26 septembre 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement lu le 12 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 26 juillet 2019 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., ressortissant de nationalité malienne né le 22 mars 2001, et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " À titre exceptionnel (...), la carte de séjour temporaire (...) portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. Pour refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Isère, après avoir relevé que l'intéressé a effectivement été confié à l'aide sociale à l'enfance entre 16 et 18 ans, que l'avis de la structure d'accueil lui est favorable et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, a toutefois estimé que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents et son oncle et qu'il a conservé des liens avec sa famille au Mali. Il a ainsi procédé à une appréciation globale de la situation de M. B..., lequel se borne à évoquer le refus de son père de le scolariser pour justifier la rupture des relations avec sa famille dans son pays d'origine. Il suit de là que le préfet a pu légalement déduire, sans entacher son arrêté d'erreur manifeste d'appréciation, que M. B... ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté du 26 juillet 2019. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... tant devant le tribunal administratif qu'en appel.
6. En premier lieu, l'arrêté du 26 juillet 2019 portant refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à M. B... comporte les motifs de droit et de fait qui le fondent et est dès lors suffisamment motivé.
7. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le refus de séjour méconnaît le principe de bonne administration, issu de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux, n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en examiner le bien-fondé.
8. En troisième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants maliens, l'article 9 de la convention du 26 septembre 1994 stipule que : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / (...) / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant " (...) ". L'article 10 stipule que : " (...) Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les nationaux maliens doivent posséder un titre de séjour. / Ces titres de séjour sont délivrés et renouvelés conformément à la législation de l'État d'accueil ".
9. À la date de l'arrêté en litige, M. B..., qui n'était pas entré en France en possession d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois et n'en disposait pas davantage à la date de sa demande, suivait un cycle de formation en vue d'obtenir un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en tant qu'agent polyvalent de restauration. En l'absence du visa exigé par les stipulations précitées, le préfet de l'Isère pouvait légalement lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée (...) à l'étranger (...) dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".
11. La seule scolarisation de l'intéressé et la présence d'un " réseau amical fort " sur le territoire français ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. B... sur ce fondement, le préfet de l'Isère n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'est présent sur le territoire français que depuis le 7 mai 2017 et n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de seize ans. Dès lors, le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire en litige n'ont pas porté au droit au respect à la vie privée et familiale de M. B..., une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
13. En dernier lieu, l'exception d'illégalité du refus de séjour, invoquée contre l'obligation de quitter le territoire français, doit être écartée par les motifs des points 3 à 12.
14. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé et la demande d'annulation présentée par M. B... contre l'arrêté du 26 juillet 2019 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sous trente jours doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1906228 du tribunal administratif de Grenoble lu le 12 décembre 2019 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. B... devant le tribunal et la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. M'C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur près du tribunal de grande instance de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.
N° 20LY00142 2