Par une requête enregistrée le 27 octobre 2020, le préfet de la Savoie, demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement du 22 octobre 2020 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par M. C... devant le tribunal administratif contre la décision du 18 octobre 2020 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Il soutient que l'intéressé ne peut se prévaloir d'aucune circonstance humanitaire ; il n'a accompli aucune démarche permettant de faire régulariser sa situation en France et il ne justifie d'aucune vie privée et familiale ancrée dans la durée en France ; ainsi, c'est à tort que le tribunal a annulé sa décision du 18 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A..., présidente assesseure ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant sénégalais, né le 18 septembre 1990, qui a bénéficié d'un titre de séjour en Italie a déclaré être entré en France en octobre 2018. Le 17 octobre 2020, les autorités italiennes estimant qu'il ne justifiait plus d'un droit de séjour en Italie, l'ont remis aux autorités françaises. Par décisions du 18 octobre 2020, le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 22 octobre 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire (article 1er), a annulé la décision du préfet de la Savoie du 18 octobre 2020 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an (article 2), a condamné l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 000 euros (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 4). Le préfet de la Savoie demande à la cour l'annulation des articles 2 et 3 de ce jugement.
2. Aux termes du III de l'article L. 5111 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
3. Pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet de la Savoie a estimé que M. C... qui ne justifie d'aucune attache familiale en France, qui travaille en France sans autorisation, et qui n'a jamais engagé de démarche permettant de régulariser sa situation en France ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français.
4. Il est constant qu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à M. C.... Si l'intéressé fait valoir qu'il vit en concubinage avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable dix ans et qu'il bénéficie d'un contrat à durée indéterminée depuis le 1er septembre 2019, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est titulaire d'aucune autorisation de travail et qu'il n'est pas dépourvu d'attache familiale au Sénégal où résident son père et ses deux soeurs alors qu'il n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité et l'intensité de sa relation avec une compatriote en France. Dans ces conditions, et alors même que l'intéressé ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet de la Savoie n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a estimé que cette interdiction de retour sur le territoire français constituait une mesure disproportionnée et a prononcé, pour ce motif, son annulation.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués M. C... à l'encontre de cette décision.
6. En premier lieu, la décision du 18 octobre 2020 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est signée par Mme Juliette Part, secrétaire générale de la préfecture de la Savoie, disposant d'une délégation consentie par arrêté du préfet de la Savoie du 24 août 2020, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de ladite préfecture du même jour, à l'effet de signer la décision en litige. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette décision doit donc être écarté.
7. En second lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des mentions de la décision contestée que le préfet de la Savoie a procédé à un examen préalable de sa situation et a pris en compte l'ensemble des éléments de sa situation personnelle dont il avait connaissance à la date de sa décision. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de M. C... doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an édictée le 18 octobre 2020 à l'encontre de M. C... et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. En conséquence, les articles 2 et 3 du jugement du 22 octobre 2020 doivent être annulés. La demande d'annulation présentée par M. C... devant le tribunal administratif à l'encontre cette décision ainsi que celle qu'il a présentée au titre des dispositions combinées des articles L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du 22 octobre 2020 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an prononcée à son encontre par le préfet de la Savoie le 18 octobre 2020 et celle présentée devant ce tribunal au titre des dispositions combinées des articles L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C..., au préfet de la Savoie et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Chambéry.
Délibéré après l'audience du 25 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.
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N° 20LY03113