Procédure devant la cour
I°) Par une requête enregistrée le 28 février 2019, M. A..., représenté par Me Clemang, avocat, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 décembre 2018 et l'arrêté du 10 septembre 2018.
Il soutient que :
- il établit être né le 19 avril 1999 sans que l'administration ait prouvé la véracité des informations tirées de Visabio, lesquelles lui sont inopposables ;
- il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire, qui n'a pas produit d'observations.
II°) Par une requête, enregistrée le 12 mars 2019, M. A..., représenté par Me Clemang, avocat, demande à la cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 décembre 2018 et des mesures d'éloignement prises à son encontre.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.
Il soutient que :
- il établit être né le 19 avril 1999 sans que l'administration ait prouvé la véracité des informations tirées de Visabio, lesquelles lui sont inopposables ;
- il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) n° 767/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 concernant le système d'information sur les visas (VIS) et l'échange de données entre les Etats membres sur les visas de court séjour (règlement VIS) ;
- le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Par sa requête n° 19LY00797, M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2018 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sous trente jours et a fixé le pays dont il a la nationalité pour destination. Par sa requête n° 19LY00977, il demande le sursis à exécution de ce jugement et des mesures d'éloignement prises à son encontre par le préfet.
2. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes dirigées contre le même jugement pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 19LY00797 :
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant guinéen, a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, subsidiairement, sur celui de l'article L. 313-15 du même code.
En ce qui concerne l'application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
4. Il ressort de l'arrêté du 10 septembre 2018 que les empreintes digitales de M. A..., qui affirme depuis son entrée en France être né le 19 avril 1999, ont été enregistrées dans le traitement automatisé VISABIO comme étant celles recueillies le 5 mars 2014 par les services consulaires français à Conakry à l'occasion d'une demande de visa de court séjour, qui lui avait été refusée, à l'appui de laquelle il avait produit des documents établissant qu'il était né le 30 juillet 1988 à Conakry. Le préfet tire de ces éléments l'existence d'une fraude sur la date de naissance de l'intéressé pour refuser de lui délivrer le titre sollicité, dont l'octroi est, notamment, subordonné à une prise en charge du mineur isolé par l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans.
5. Aux termes de l'article 6 du règlement (CE) n° 767/2008 du 9 juillet 2008 susvisé : " Accès au VIS aux fins de la saisie, de la modification, de l'effacement et de la consultation des données (...) 2. L'accès au VIS aux fins de la consultation des données est exclusivement réservé au personnel dûment autorisé des autorités nationales compétentes pour les besoins visés aux articles 15 à 22, dans la mesure où ces données sont nécessaires à la réalisation de leurs tâches, conformément à ces besoins, et proportionnées aux objectifs poursuivis. 3. Chaque État membre désigne les autorités compétentes dont le personnel dûment autorisé sera habilité à saisir, à modifier, à effacer ou à consulter des données dans le VIS. Chaque État membre communique sans délai une liste de ces autorités à la Commission, y compris celles visées à l'article 41, paragraphe 4, ainsi que toute modification apportée à cette liste. Cette dernière précise à quelle fin chaque autorité est autorisée à traiter des données dans le VIS. (...) ". Aux termes de l'article 20 du même règlement : " Accès aux données aux fins d'identification 1. Les autorités chargées de contrôler (...) sur le territoire des États membres si les conditions d'entrée, de séjour ou de résidence sur le territoire des États membres sont remplies effectuent des recherches à l'aide des empreintes digitales de la personne uniquement aux fins de l'identification de toute personne qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée, de séjour ou de résidence sur le territoire des États membres. (...) 2. Si la recherche à l'aide des données énumérées au paragraphe 1 montre que le VIS contient des données sur le demandeur, l'autorité compétente est autorisée à consulter les données suivantes du dossier de demande et de(s) dossier(s) de demande lié(s), conformément à l'article 8, paragraphes 3 et 4, et uniquement aux fins visées au paragraphe 1: (...) b) les données extraites du formulaire de demande, visées à l'article 9, paragraphe 4 ; c) les photographies ; (...). ". Le fichier VISABIO est interfacé avec le fichier européen VIS (Système d'information sur les visas), et permet d'accéder aux données contenues dans le VIS via l'interface nationale NVIS.
6. Le préfet de Saône-et-Loire pouvait ainsi consulter le système VISABIO afin de vérifier l'identité de M. A..., et notamment son âge, en application de l'article R. 611-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par cette voie consulter le VIS à cette même fin, dès lors que le système VISABIO permet d'accéder aux données contenues dans le VIS, via l'interface nationale NVIS.
7. L'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Cependant, cette circonstance n'interdit pas aux autorités françaises de s'assurer de l'identité de la personne qui se prévaut de cet acte. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Cette preuve peut être apportée par tous moyens et notamment par les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé dénommé VISABIO, qui sont présumées exactes. Il appartient dans ces conditions à l'intéressé de renverser cette présomption, notamment par la production du document au vu duquel l'autorité consulaire a renseigné la base de données. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
8. En l'espèce, M. A... se borne à contester la charge de la preuve et à affirmer que son âge n'a jamais été remis en cause à l'occasion de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance. Il ne conteste toutefois pas sérieusement, par ces affirmations, qu'ainsi que le précise la décision en litige dans sa motivation, l'acte de naissance n° 75 qu'il avait présenté à son entrée en France était un faux et qu'il n'a pas produit le document au vu duquel un passeport lui avait été délivré en 2016, postérieurement à cette entrée. Par ailleurs, il ressort de l'ordonnance de placement provisoire du 12 juin 2015 comme de l'ordonnance du juge des tutelles du 20 novembre 2015 qu'elles sont intervenues au vu des seules pièces du dossier, dont l'unique document présenté par M. A.... Enfin, il ressort du signalement du 28 mai 2015 des services sociaux que l'âge déclaré par M. A... au vu de l'acte de naissance, dont le caractère contrefait a été établi postérieurement, ne pouvait être vérifié. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le préfet a regardé M. A... comme étant né le 30 juillet 1988.
9. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. (...) ".
10. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le cadre de l'examen d'une demande l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
11. M. A..., qui doit ainsi qu'il a été dit au point 8 être regardé comme né le 30 juillet 1988, quoi qu'il ait été confié à l'aide sociale à l'enfance en 2015, était déjà majeur à la date de son entrée en France. Ainsi, il ne satisfait pas à la condition fixée à cet égard par les dispositions citées au point 9, et ne peut dès lors utilement s'en prévaloir.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A..., qui au demeurant ne conteste pas en appel le motif principal de l'arrêté du 10 septembre 2018 tiré de l'absence d'atteinte à sa vie privée et familiale, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la requête n° 19LY00977 :
13. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 1802690 du 17 décembre 2018 du tribunal administratif de Dijon, les conclusions de la requête n°19LY00977 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution et, par voie de conséquence, à ce qu'il soit sursis à l'exécution des mesures d'éloignement prises à l'encontre de M. A... sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 19LY00797 de M. A... est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu à statuer sur la requête n° 19LY00977.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 octobre 2019.
N° 19LY00797, 19LY00977