Procédure devant la cour
I°) Par requête enregistrée le 28 février 2020 sous le n° 20LY00931, Mme B... A..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susvisé du 4 février 2020 ainsi que la mesure d'éloignement, la décision fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination prises le 18 septembre 2019 et la décision portant assignation à résidence du 24 janvier 2020 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la mesure d'éloignement méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'assignation à résidence est entachée d'un défaut de motivation dès lors que la mesure d'éloignement n'est pas exécutoire.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.
II°) Par requête enregistrée le 2 juin 2020 sous le n° 20LY01542, Mme B... A..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) après avoir le cas échéant joint la procédure à celle enregistrée sous le n° 20LY00931, d'annuler les jugements des 4 février et 12 mars 2020 ainsi que les décisions du 18 septembre 2019 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français et celle du 24 janvier 2020 portant assignation à résidence ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de séjour est insuffisamment motivé et méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'en outre le préfet s'est mépris sur sa demande ; elle a déposé une demande de titre de séjour le 6 mai 2019 et non une demande de protection contre l'éloignement au titre du 10° de l'article L. 511-4 du même code ;
- la mesure d'éloignement méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code ;
- les décisions attaquées méconnaissent les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.
Par lettre du 30 décembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par Mme B... A... contre les décisions du 18 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours avec fixation du pays de destination et du 24 janvier 2020 portant assignation à résidence sur lesquelles le jugement en collégiale du 12 mars 2020 n° 2000649 du tribunal administratif de Grenoble n'a pas statué en raison du jugement n° 2000649 du magistrat désigné du 4 février 2020 statuant sur ces conclusions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme E..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... B... A..., née le 4 août 1982 à Kinshasa, de nationalité congolaise (RDC), est entrée irrégulièrement en France le 14 avril 2016. Elle a vu sa demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 12 décembre 2017 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 30 avril 2019. Par arrêté du 18 septembre 2019, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le même préfet, par un arrêté du 24 janvier 2020, notifié le 29 janvier 2020, l'a assignée à résidence, dans le département de la Haute-Savoie, pour une durée de quarante-cinq jours. Mme B... A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la mesure d'éloignement, de la décision fixant le délai de départ volontaire, de la décision fixant le pays de destination et de l'assignation à résidence et du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation du refus de séjour qui lui a été opposé.
Sur la demande de jonction :
2. Les affaires n° 20LY00931 et 20LY01542 sont afférentes à une même requérante, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une même décision.
Sur la régularité du jugement n° 2000649 du 4 février 2020 :
3. Il ressort des motifs du jugement attaqué, venant au soutien du dispositif, que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble, conformément au III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a statué que sur les conclusions de Mme B... A... dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et l'assignant à résidence et a expressément réservé les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, au motif qu'elles relèvent de la compétence de la formation collégiale. En outre, il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif qui demeurait saisi des conclusions aux fins d'annulation de la décision du 18 septembre 2019 portant refus de séjour, ainsi que des conclusions qui s'y rattachent, s'est effectivement prononcé sur ces conclusions, par un jugement du 12 mars 2020. Par suite, Mme B... A..., à supposer qu'elle soulève effectivement dans sa requête d'appel un moyen tiré sur ce point de l'irrégularité du jugement, n'est pas fondée à soutenir que le jugement contesté est irrégulier, en ce qu'il rejetterait ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour.
Sur la recevabilité des conclusions d'appel dans l'instance n° 20LY01542 :
4. Mme B... A... présente des conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement édictée le 18 septembre 2019 et l'assignation à résidence prise le 24 janvier 2020 à son encontre. Toutefois, ces décisions, sur lesquelles le jugement susvisé du 12 mars 2020 n'a pas statué, ont fait l'objet du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 4 février 2020 contesté par l'intéressée dans une requête n° 20LY00931 enregistrée à la Cour le 28 février 2020 et contre lequel le délai de recours était expiré à la date d'introduction de la requête n° 20LY01542. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'annulation précitées contenues dans cette requête sont irrecevables et doivent être rejetées.
Sur la légalité du refus de séjour :
5. En premier lieu, Mme B... A... soutient que le refus de séjour qui lui a été opposé le 18 septembre 2019 est entaché d'une insuffisance de motivation dès lors qu'elle a déposé une demande de titre de séjour le 6 mai 2019, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à laquelle le préfet de la Haute-Savoie n'a pas répondu puisqu'il a considéré qu'elle sollicitait uniquement une protection contre l'éloignement au titre des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code.
6. Toutefois, d'une part, la décision en litige qui constate que la demande d'asile de Mme B... A... avait été rejetée par l'OFPRA et la CNDA et en a déduit qu'elle ne pouvait prétendre à la délivrance d'une carte de résident en application de l'article L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte les considérations de fait et droit qui en sont le soutien, indépendamment de leur bien-fondé, et est suffisamment motivée. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme B... A... a présenté le 6 mai 2019 une demande via le formulaire de " demande de titre de séjour " de la préfecture de la Haute-Savoie sans préciser le motif de sa demande mais en joignant un certificat à l'en-tête du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Savoie était fondé à regarder la demande, faute d'autre précision, comme une demande de protection contre l'éloignement au titre des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code précité. Ledit préfet a, en tout état de cause, examiné si Mme B... A... pouvait entrer dans les autres cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code précité et a saisi le collège des médecins de l'OFII lequel a émis le 3 juin 2019 au vu des éléments du dossier médical de l'intéressée. Dans cet avis, le collège des médecins de l'OFII a indiqué que si l'état de santé de Mme B... A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et voyager sans risque. A l'appui de sa requête n° 20LY01542, l'intéressée n'apporte pas d'éléments de nature à démontrer que le traitement médicamenteux qui lui est prescrit ne serait pas disponible dans son pays d'origine alors qu'en première instance, le préfet de la Haute-Savoie avait produit des fiches élaborées par le Medical Country of Origin Information (MedCOI) datées de février 2015 et juillet 2016 ainsi que le répertoire des produits pharmaceutiques enregistrés et autorisés par la direction de la pharmacie et du médicament de ce pays établi en octobre 2016 faisant état de la disponibilité de ceux-ci en République Démocratique du Congo. Par suite, Mme B... A... n'est pas fondée à soutenir que le refus de séjour litigieux serait insuffisamment motivé, ni que le préfet se serait mépris sur sa demande ni que le refus de séjour méconnaîtrait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, Mme B... A... reprend en appel son moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans apporter aucun élément nouveau à l'appui de celui-ci ni critiquer les motifs retenus par les premiers juges pour l'écarter. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.
8. En troisième lieu, si Mme B... A... se prévaut des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre du refus de séjour qui lui a été opposé le 18 septembre 2020, cette décision n'a ni pour objet ni pour effet de l'éloigner du territoire français. Le moyen tiré de la violation des stipulations précitées est donc inopérant et doit être écarté.
Sur la légalité de la mesure d'éloignement :
9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que l'appelante souffre d'un diabète de type II, d'un myome sous séreux diagnostiqué suite à une échographie pelvienne en janvier 2018, d'un état anxio-dépressif et qu'elle a subi une chirurgie maxillo-faciale. Toutefois, si son état de santé nécessite un traitement médicamenteux et un suivi psychiatrique, Mme B... A... se borne à soutenir que les médicaments qui lui sont prescrits, et leurs molécules actives, à savoir un antidiabétique, le Janumet, un antidépresseur, le Norset, un inhibiteur de l'enzyme de conversion, le Ramipril, et de l'insuline ne figurent pas sur la liste nationale des médicaments essentiels publiée par le ministère de la santé de la République Démocratique du Congo établie en mars 2013 alors qu'en première instance, le préfet de la Haute-Savoie avait produit, ainsi qu'il a été rappelé, des fiches élaborées par le MedCOI datées de février 2015 et juillet 2016 faisant état de la disponibilité de la sitagliptine et la mirtazapine en République Démocratique du Congo ainsi que de celle du ramipril et de l'insuline lesquels figurent sur le répertoire des produits pharmaceutiques enregistrés et autorisés par la direction de la pharmacie et du médicament de ce pays établi en octobre 2016. La circonstance, invoquée par l'intéressée, que les données des fiches MedCOI proviennent d'une société privée ne permet pas de remettre en cause la véracité de celles-ci. L'appelante ne démontre pas ainsi que les médicaments qui lui sont prescrits ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine alors d'ailleurs qu'il n'est pas allégué qu'ils ne pourraient faire l'objet de substitution par des molécules équivalentes. L'intéressée se borne enfin à alléguer de l'impossibilité d'accéder financièrement à ces traitements sans justifier ni de sa situation de précarité financière ni préciser le prix de ces traitements. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
11. Mme B... A... réitère en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de Mme B... A... a été rejetée le 12 décembre 2017 par l'OFPRA au motif du caractère peu crédible et peu étayé de ses déclarations relatives notamment à une agression le 19 janvier 2015 dans son pays d'origine en raison de sa participation à une manifestation d'opposition au pouvoir. Les documents qu'elle produit ne permettent pas de rattacher cette agression et le départ de son pays à l'engagement politique qu'elle revendique. Elle ne justifie pas ainsi être exposée à des risques pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le préfet de la Haute-Savoie, en prenant la décision contestée désignant la République Démocratique du Congo comme pays de destination, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Mme B... A... soutient sans davantage de précision que l'assignation à résidence contestée " est entachée d'un défaut de motivation dès lors que la mesure d'éloignement n'est pas exécutoire. " Toutefois, si elle doit être regardée comme soutenant ainsi que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français ne serait pas exécutoire, en raison du recours suspensif introduit à l'encontre de cet acte, de sorte que le préfet ne pouvait prendre une décision l'assignant à résidence, le caractère suspensif du recours introduit contre la mesure d'éloignement devant le tribunal n'a pas d'incidence sur la légalité de l'assignation à résidence.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 18 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination ainsi que de la décision du 24 janvier 2020 l'assignant à résidence et le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 18 septembre 2019 portant refus de séjour. Les conclusions de ses requêtes tendant aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte qu'elle présente et celles formulées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 20LY00931 et 20LY01542 de Mme B... A... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 4 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme C..., présidente assesseure,
Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2021.
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N° 20LY00931, 20LY01542