Par requête enregistrée le 19 août 2020, M. et Mme A..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 mai 2020 ainsi que les décisions du 28 octobre 2019 susvisées ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer un titre de séjour mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt ou, à titre subsidiaire, une autorisation de séjour assortie d'un droit au travail dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'ils avaient reçu des convocations pour déposer en préfecture leurs demandes de titre de séjour ;
- il n'a pas été procédé à un examen complet et particulier de leur situation, la décision contestée est entachée d'une erreur de droit ;
- cette décision méconnaît les principes de confiance légitime et de sécurité juridique protégés par le droit de l'Union européenne ;
- elle méconnaît également les principes généraux du droit de l'Union Européenne d'être entendu et du droit de la défense ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte européenne des droits fondamentaux ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme F..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A..., de nationalité albanaise, relèvent appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés du 28 octobre 2019 du préfet du Rhône leur faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination.
Sur la légalité des mesures d'éloignement :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié (...) a été définitivement refusé à l'étranger (...), à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...). "
3. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les appelants, les mesures d'éloignement prises à leur encontre par le préfet du Rhône le 28 octobre 2019 comportent les considérations de droit et de fait qui en sont le fondement et visent notamment le 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile justifiant les décisions édictées en raison du rejet définitif des demandes d'asile des intéressés par la Cour nationale du droit d'asile par décisions du 23 septembre 2019 et de l'absence de dépôt, à la date des mesures prises, de demandes de titres de séjour. Elles sont ainsi suffisamment motivées et ne révèlent pas un défaut d'examen de la situation personnelle de M. et Mme A.... Si, en raison du dépôt de demandes de titres de séjour à la suite du rendez-vous qui leur a été octroyé le 27 janvier 2020 ils sont protégés contre l'éloignement à compter de cette date, une telle circonstance n'entache pas d'illégalité les mesures contestées lesquelles ont été légalement édictées en vertu des dispositions précitées à la date du 28 octobre 2019.
4. En deuxième lieu, M. et Mme A... ne bénéficiaient plus d'aucun droit au séjour depuis la notification des décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 23 septembre 2019 rejetant leurs demandes au titre de l'asile, devenus définitives. La circonstance qu'ils aient obtenu un rendez-vous en préfecture pour déposer deux demandes de titre de séjour le 27 janvier 2020 ne les faisait pas regarder, au 28 octobre 2019, comme détenteurs d'un droit au séjour provisoire de telle sorte qu'ils n'auraient plus relevé de l'une des catégories d'étrangers susceptibles, en vertu des dispositions précitées, d'être éloignés. Le moyen tiré du vice de procédure doit, par suite, être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 311-4 du code précité : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise. (...) " Si M. et Mme A... soutiennent que le préfet du Rhône aurait méconnu les principes de confiance légitime et de sécurité juridique protégés par le droit de l'Union européenne dès lors que la convocation qui leur a été adressée pour le 27 janvier 2020 afin de déposer leurs demandes de titre de séjour a fait naître en eux une espérance fondée de pouvoir faire enregistrer ces demandes sans crainte, dans l'attente d'être éloignés, une telle circonstance est sans incidence sur la légalité des mesures d'éloignement prononcées dès lors qu'en vertu des dispositions précitées de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, seule l'attestation de dépôt d'une première demande de titre de séjour autorise le séjour pour la durée qu'elle fixe.
6. En quatrième lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
7. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme A... auraient été, à un moment de la procédure, informés de ce qu'ils étaient susceptibles de faire l'objet de mesures d'éloignement ou mis à même de présenter des observations, la procédure de demande d'asile n'ayant pas une telle finalité. Dans ces conditions, le préfet du Rhône a entaché ses décisions d'irrégularité.
8. Toutefois, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un tel moyen, d'apprécier si l'intéressé a été, en l'espèce, privé de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision.
9. M. et Mme A... ne justifient pas qu'ils auraient pu porter à la connaissance de l'administration des informations tenant à leur situation personnelle qui, si elles avaient pu être adressées au préfet du Rhône à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction des décisions en litige ou de toute autre mesure d'éloignement. Les faits dont ils se prévalent, concernant notamment l'hospitalisation de leur fille, est postérieure aux décisions contestées. Dans ces conditions, l'irrégularité commise par le préfet du Rhône ne les a pas privés d'une garantie dans les circonstances de l'espèce et n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens des décisions attaquées.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) "
11. M. et Mme A..., nés respectivement le 19 novembre 1973 et le 26 mars 1980, de nationalité albanaise, sont entrés récemment en France le 10 novembre 2018 accompagnés de leurs deux enfants mineurs. Ils ne justifient d'aucune attache familiale ni d'aucune intégration socioprofessionnelle sur le territoire français. Rien ne fait obstacle à ce qu'ils reconstituent la cellule familiale en Albanie, où leurs enfants pourraient être scolarisés et où ils ont nécessairement conservé des attaches privées et familiales qu'ils n'ont pas en France. La circonstance que M. A... est suivi pour une hépatite B et que leur fille est suivie pour des crises d'épilepsie n'a pas d'incidence sur l'appréciation à porter sur l'existence d'une vie privée et familiale en France au regard de celle conservée dans le pays d'origine. En tout état de cause, ils n'établissent pas par les pièces versées au dossier que les pathologies en question ne pourraient faire l'objet d'un suivi médical adapté en Albanie. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que, par les mesures contestées, le préfet du Rhône aurait porté une atteinte disproportionnée à leur droit à mener une vie privée et familiale normale en méconnaissance des stipulations susmentionnées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou qu'il aurait entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
12. Compte tenu de la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire prises à l'encontre de M. et Mme A... le 28 octobre 2019, les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'encontre des décisions fixant le pays de destination.
13. Aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
14. Si M. et Mme A... se prévalent de leur appartenance aux communautés rom et égyptienne pour soutenir qu'ils font l'objet de discriminations fondées sur leur appartenance ethnique en Albanie, ils n'établissent pas, par les pièces produites, l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour dans leur pays d'origine, alors, au demeurant, qu'ainsi qu'il a été dit, leurs demandes d'asile ont été rejetées. Il suit de là qu'ils ne sont pas fondés à soutenir que leur éloignement à destination de cet État méconnaîtrait l'article 3 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes d'annulation des décisions du 28 octobre 2019 prises par le préfet du Rhône à leur encontre portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi. Les conclusions de leur requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction qu'ils présentent et celles formulées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... A... et Mme B... E... épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme C..., présidente assesseure,
Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2021.
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N° 20LY02375
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