Par requête, enregistrée le 12 octobre 2020, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) le cas échéant après avoir enjoint avant-dire-droit au préfet du Rhône de produire les extraits de l'application Themis relatifs à l'instruction de sa demande de titre de séjour, d'annuler ce jugement du 29 juin 2020 ainsi que l'arrêté du 15 janvier 2020 susvisé ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 en l'absence de preuve de la collégialité de la délibération rendue par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle méconnaît l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la mesure d'éloignement est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour et méconnaît l'article L. 511-4, 10° du code précité ;
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas présenté d'observations.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., première conseillère,
- et les observations de Me D... pour M. E... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., né le 18 avril 1982 de nationalité nigériane, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 15 janvier 2020 du préfet du Rhône lui refusant le séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination.
Sur la décision portant refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Aux termes de l'article R. 31322 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 31311, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. "
3. M. E... fait valoir que la décision de refus de titre est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas démontré que les médecins composant le collège visé à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 se soient effectivement réunis et aient rendu leur avis le 10 juillet 2019 de manière collégiale. Toutefois, il ressort des pièces produites au dossier que l'avis rendu le 10 juillet 2019 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration concernant l'état de santé de l'intéressé est signé par les trois médecins qui composent ce collège qui indique expressément qu'il a été émis, " après en avoir délibéré ". Aucun élément figurant au dossier n'est de nature à remettre en cause le caractère collégial de cette délibération. La seule circonstance que les médecins composant le collège exercent leur activité dans des villes différentes ne suffit pas à établir qu'ils n'auraient pas délibéré de façon collégiale, au besoin au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle comme le prévoient les dispositions du quatrième alinéa de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, M. E... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie tenant au débat collégial du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
4. M. E... soutient souffrir de graves troubles psychiques et d'un état anxio-dépressif sévère, en lien avec des évènements traumatiques s'étant déroulés dans son pays d'origine, pour lequel il est suivi par un psychiatre et qui nécessite un traitement médicamenteux composé de plusieurs médicaments (Risperdal, Laroxyl, Atarax et Doliprane). Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet du Rhône, notamment les fiches Medcoi, que les médicaments Risperdal et Laroxyl sont disponibles au Nigéria et que des substituts équivalents à l'Atarax, indisponible dans le pays d'origine, y existent. Si M. E... conteste la véracité des informations contenues dans les fiches Medcoi, il ne produit aucun élément attestant d'une indisponibilité du traitement suivi au Nigéria ni sur l'absence de structures hospitalières capables de prendre en charge sa pathologie alors que le préfet a fait état de structures existantes dans ce pays. La circonstance invoquée selon laquelle les médicaments en question ne seraient disponibles qu'au sud de ce pays alors qu'il est originaire du nord ne permet pas de remettre en cause les informations portées dans les fiches Medcoi. Il s'en suit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". M. E... fait valoir être entré en France le 15 novembre 2014 et se prévaut de la naissance de son enfant le 6 janvier 2019, né de son union avec une compatriote. Il ressort des pièces du dossier que la mère de l'enfant, Mme A..., a vu sa demande d'asile rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 janvier 2018 et qu'à la date de la décision en litige elle était en procédure accélérée pour le réexamen de sa demande. Toutefois, M. E... est entré en France à l'âge de 32 ans et ne justifie ni n'allègue d'ailleurs d'une vie commune avec Mme A... avant la décision portant refus de séjour contestée. Il ne justifie pas, par les quelques pièces produites, participer à l'entretien ni à l'éducation de son enfant alors qu'il est constant qu'il ne vit pas avec ce dernier et Mme A..., ces circonstances étant, au demeurant, postérieures à la date de l'arrêté contesté. L'appelant ne démontre en outre aucune insertion sociale ou professionnelle particulière en France. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Par suite, l'arrêté contesté, portant notamment refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
6. En l'absence d'intensité particulière des liens de M. E... avec son enfant, comme il a été dit au point précédent, qui réside habituellement avec sa mère, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
7. Compte tenu de l'absence d'illégalité de la décision portant refus de séjour, l'appelant ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de sa contestation de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.
8. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance par la mesure d'éloignement des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. Les moyens invoqués à l'encontre du refus de délivrance d'un titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. E... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de destination.
10. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 janvier 2020 du préfet du Rhône lui refusant le séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination. Les conclusions qu'il présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 avril 2021.
2
N° 20LY02944