Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 août 2017 et un mémoire enregistré le 22 décembre 2017, M. C..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 mai 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et une carte de séjour temporaire, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le même délai, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Il soutient que :
S'agissant du refus de délivrance de titre de séjour :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet a méconnu l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 313-14 du même code ;
- l'arrêté méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant du délai de départ volontaire :
- le préfet devait lui laisser un délai supplémentaire ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision est illégale en conséquence de l'illégalité des deux décisions précédentes ;
- l'arrêté méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 décembre 2017, le préfet du Rhône conclut au non lieu à statuer s'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français et des décisions subséquentes et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- il a délivré une autorisation provisoire de séjour ;
- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juillet 2017
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, présidente, rapporteure ;
- et les observations de MeD..., représentant M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant du Bangladesh, né le 6 décembre 1997, déclare être entré en France le 13 mai 2014. Par arrêté du 29 septembre 2016, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour en application des articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'étendue du litige :
2. Saisi d'une nouvelle demande de titre de séjour par M.C..., le préfet du Rhône a délivré à ce dernier une autorisation provisoire de séjour valable du 21 novembre 2017 au 20 février 2018. Cette décision, postérieure à l'introduction de la requête, emporte retrait des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées à l'encontre de ces décisions.
Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
3. En premier lieu, M.C..., qui invoque la loi du 11 juillet 1979 aujourd'hui abrogée, doit être regardé comme invoquant les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, la décision litigieuse est motivée, en fait comme en droit, avec une précision suffisante au regard des exigences de ces dispositions.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. ".
5. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.
6. D'une part, le préfet du Rhône a visé l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de l'intéressé et a indiqué, d'une part, qu'il ne justifiait ni ne pas avoir conservé de liens avec sa mère qui réside dans son pays d'origine, ni le décès allégué de son père et, d'autre part, que les bulletins scolaires de sa formation en CAP " employé de commerce " faisaient état de nombreuses absences. Ainsi, M. C...n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône aurait omis de procéder à un examen complet de sa situation dans le cadre de son pouvoir d'appréciation.
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. C...a fait preuve d'une assiduité limitée caractérisée par de très nombreuses absences au cours de l'année scolaire 2016-2017. S'il produit, pour la première fois devant la cour, une liste de ses absences accompagnée d'une attestation du conseiller principal d'éducation mentionnant que celles-ci seraient " toutes justifiées ", il ressort de l'examen de ce document qu'un grand nombre d'absences " justifiées " par un motif médical, n'ont été accompagnées d'aucun certificat médical. S'il produit également pour la première fois devant la cour, un certificat de son médecin traitant daté du 23 juin 2017, mentionnant qu'il est sujet à des migraines invalidantes fréquentes et deux ordonnances du 6 juin 2017 et du 23 juin 2017, pour des médicaments Alprazolam et Zomigoro, ces documents sont postérieurs à la décision litigieuse et ne sauraient justifier les absences antérieures de l'année scolaire 2016-2017. En outre, les seules déclarations de M. C...indiquant qu'il serait isolé dans son pays, ne permettent pas de justifier qu'il aurait rompu tout lien avec sa mère, dont il ressort des pièces du dossier qu'elle a financé, avec l'aide d'un oncle, son arrivée en France grâce au concours d'un passeur. Dans ces conditions et en dépit des bons résultats scolaires et des efforts d'insertion de M. C..., le préfet a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de lui délivrer un titre de séjour en application des dispositions précitées.
8. En troisième lieu, M. C...ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière.
9. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. Si le requérant fait valoir que la décision litigieuse l'empêche d'achever sa formation et d'obtenir son CAP en juin 2017, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est célibataire sans enfant et qu'il a vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine, où résident notamment sa mère et son oncle. Dès lors, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait, par suite, les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
12. Pour les mêmes motifs, M. C...n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui délivrant pas un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Il résulte de ce qui précède que, sous réserve de ce qui a été dit au point 2, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. C...demande au profit de son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. C...à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, contenues dans l'arrêté du 29 septembre 2016.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre d'État, ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Fischer-Hirtz, présidente de chambre,
M. Souteyrand, président-assesseur,
MmeB..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.
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N° 17LY03141