Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 février 2018 et 15 février 2018, M. C..., représenté par Me Paquet, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 janvier 2018 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet du Rhône du 1er juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa demande en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête et le mémoire ont été communiqués au préfet du Rhône, qui n'a pas produit d'observations.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2018,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., première conseillère,
- les observations de M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant camerounais, est entré irrégulièrement en France le 23 novembre 2011 à l'âge de dix-sept ans. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance. Lorsqu'il a atteint sa majorité, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été rejetée et il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 19 décembre 2012 dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon le 28 mai 2013. Le 15 septembre 2016, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Rhône a rejeté sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi par une décision du 1er juin 2017. M. C... relève appel du jugement du 16 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté en litige indique les circonstances de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il est, dès lors, suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une activité imposable l'étranger présente : (...) 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-11 du code du travail : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. / Elle peut également être présentée par une personne habilitée à cet effet par un mandat écrit de l'employeur ".
5. Enfin, aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le 15 septembre 2016, M. C... a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, accompagnée d'une demande d'autorisation de travail. Il n'est pas contesté que sa demande était assortie d'une promesse d'embauche en qualité de coiffeur au sein d'un salon de coiffure dénommé Franck Afro Beauté et du formulaire CERFA de demande d'autorisation pour conclure un contrat de travail avec un salarié étranger complété par l'employeur le 1er septembre 2016. Dans ces conditions, le préfet du Rhône doit être regardé comme ayant été saisi, concomitamment, non seulement de la demande de titre de séjour de M. C..., mais également d'une demande d'autorisation de travail émanant de l'employeur pressenti, et ce quand bien même ce dossier a été matériellement remis à la préfecture par M. C.... Dès lors, en rejetant la demande dont il était saisi sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que l'intéressé ne présentait pas de contrat de travail visé, alors qu'il était tenu par les dispositions susrappelées du code du travail soit de statuer lui-même sur cette demande d'autorisation de travail, le cas échéant après instruction par la DIRECCTE, soit de la transmettre à ce service afin qu'il y soit statué par délégation, le préfet du Rhône a méconnu l'étendue de sa compétence, et a ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit.
7. Toutefois, en vertu de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du même code est subordonnée à la possession d'un visa de long séjour. Il ressort de la décision en litige que le préfet du Rhône ne s'est pas borné à opposer le motif, erroné en droit, tiré de l'absence de contrat de travail visé par les services de l'emploi, mais a considéré, en outre, que l'intéressé ne disposait pas d'un visa de long séjour. Il résulte de l'instruction que le préfet du Rhône aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur ce dernier motif.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. C...invoque son arrivée en France à l'âge de dix-sept ans et une résidence habituelle en France de plus de cinq ans à la date de la décision en litige. Il invoque également sa bonne insertion scolaire et professionnelle. Il est en effet titulaire d'un certificat professionnel dans le domaine de la cuisine et il produit une promesse d'embauche dans un salon de coiffure. Toutefois ces seuls éléments ne sont pas de nature à lui ouvrir un droit au séjour en France au titre de sa vie privée et familiale, dès lors qu'à la date de la décision en litige, il était célibataire et sans charge de famille et ne justifiait d'aucun moyen d'existence. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché l'arrêté au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
11. Les seuls éléments qui ont été évoqués précédemment ne permettent pas de caractériser des considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour une admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale, pas davantage que des motifs exceptionnels pour une régularisation en qualité de salarié, au sens du même article. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors, être écarté
12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 14 février 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme A..., première conseillère,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 mars 2019.
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N° 18LY00520