1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 3 août 2018 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'intégralité de son dossier ne lui a pas été communiquée ;
- la décision contestée n'est pas motivée ;
- il n'a pas bénéficié d'un entretien et n'a pas reçu copie du résumé de cet entretien ; il n'a pas été informé de son droit à consulter en préfecture le résumé de cet entretien ; cet entretien n'a pas été conduit par une personne qualifiée ;
- il n'est pas démontré qu'il aurait reçu les brochures d'information ;
- ses empreintes n'ont été prises en Italie qu'une seule fois, et non deux fois ; dès lors, le b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne pouvait constituer un fondement légal du transfert ;
- il n'est pas établi que l'Italie a été saisie dans le délai de deux mois suivant le " hit " Eurodac et dans le délai de trois mois suivant la date de présentation à la structure de pré-accueil ;
- la décision méconnaît les articles 16 et 17 du règlement du 26 juin 2013 et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la notification de la décision méconnaît le 2 de l'article 26 du règlement du 26 juin 2013.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, né le 3 juillet 1998, est entré en France le 13 février 2018, selon ses déclarations. Le 5 mars 2018, il a demandé son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile auprès des services de la préfecture de l'Isère. Le 17 avril 2018, le préfet de l'Isère a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge qui a été implicitement acceptée le 1er mai 2018. Le 23 mai 2018, le préfet de l'Isère a prononcé le transfert de l'intéressé aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 23 mai 2018.
Sur la communication par le préfet de l'intégralité du dossier de M. A... :
2. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a communiqué au tribunal, avec son mémoire en défense, l'ensemble des pièces sur la base desquelles a été prise la décision contestée et que l'ensemble de ces productions a été communiqué au conseil de M. A....
Sur la légalité de la décision en litige :
S'agissant de la motivation :
3. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".
4. En application de ces dispositions, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
5. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
6. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre État membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet État, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'État en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
7. L'arrêté en litige, qui vise notamment l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, indique que " lors de sa présentation au guichet unique, les empreintes de l'intéressé ont été relevées et permettent, après confrontation avec les bases de données européennes, d'établir que l'intéressé a précédemment déposé une demande d'asile en Italie " et que " les autorités italiennes saisies le 17 avril 2018 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18-1-b du règlement (UE) n° 604/2013 ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 1er mai 2018 ". Ainsi, cette décision satisfait aux exigences de motivation qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
S'agissant de l'application de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :
8. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. "
9. M. A... conteste tout à la fois l'existence de l'entretien prévu pas ces dispositions et les conditions dans lesquelles cet entretien s'est déroulé. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié d'un entretien individuel avec un agent du service chargé de l'asile à la préfecture de l'Isère le 5 mars 2018. Cet entretien, ayant été mené par une personne du service, l'a été par une personne qualifiée au sens du 5. de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 et il ressort du résumé dudit entretien que l'intéressé a pu faire valoir à cette occasion toutes observations utiles. Il ressort également des pièces du dossier qu'une copie de ce résumé lui a été remise.
S'agissant de l'application de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 :
10. Il ressort des pièces du dossier que les obligations d'information imposées par ce texte ont été satisfaites à l'occasion de l'entretien mentionné ci-dessus.
11. La brochure d'information A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ", qui a été remise à l'intéressé, fait notamment mention de l'existence d'un droit d'accès aux données concernant l'intéressé et d'un droit de rectification de ces données. Ainsi, M. A... a été informé de son droit d'accès aux données le concernant et du droit de rectification de ces données, comme le prévoient les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
S'agissant de la saisine des autorités italiennes :
12. Aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 : " (...) 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. (...) ". Le résultat positif Eurodac datant du 5 mars 2018, la demande de reprise en charge adressée aux autorités italiennes le 17 avril 2018 est intervenue dans le délai que prévoient ces dispositions.
S'agissant de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :
13. Aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".
14. Le préfet de l'Isère a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de M. A... sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 et ces autorités ont implicitement donné leur accord.
15. L'intéressé fait valoir que ses empreintes ont été relevées une première fois en Italie le 2 septembre 2016 à l'occasion d'un franchissement de frontière, que le même relevé a été utilisé le 24 janvier 2017, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile en Italie et que, dès lors, la réalité d'une telle demande n'est pas établie. Aucun élément ne permet toutefois d'établir que ses empreintes n'auraient pas été effectivement à nouveau relevées en Italie le 24 janvier 2017, ainsi que cela résulte du système Eurodac. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas sollicité l'asile en Italie doit être écarté.
S'agissant de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
16. Si M. A... fait valoir que l'Italie est confrontée à un afflux de migrants, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant son transfert vers ce pays pour l'examen de sa demande d'asile. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que son renvoi en Italie l'exposerait au risque de subir des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
S'agissant des autres moyens :
17. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16, relatif aux personnes à charge, du règlement (UE) n° 604/2013, n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
18. Si M. A... soutient que la décision litigieuse ne lui a pas été notifiée conformément aux dispositions du 2 de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013, les conditions de notification d'une décision sont sans incidence sur sa légalité.
19. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 14 février 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Dèche, premier conseiller,
Mme Beytout, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2019
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N° 18LY03674