Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 3 juillet 2018, Mme A..., représentée par Me Lantheaume, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 mai 2018 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué ne répond pas au moyen tiré de l'absence de notification au préfet de la transmission du rapport médical au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sous couvert du directeur général de l'OFII. Il ne répond pas non plus au moyen tiré de l'absence de transmission de l'avis du collège de médecins au préfet sous couvert du directeur général de l'OFII. Ces moyens n'étaient pas inopérants. Dès lors, ce jugement est irrégulier ;
- s'agissant du refus de renouveler son titre de séjour, le préfet doit produire les documents à caractère général sur lesquels se sont basés les médecins de l'OFII pour rendre leur avis et considérer que son état de santé peut être pris en charge dans son pays, et notamment ceux relatifs à l'appréciation des caractéristiques du système de santé algérien ; l'avis du collège de médecins de l'OFII devait comporter, au titre des éléments de procédure, le nom du médecin rapporteur ; le préfet devait être informé en temps utile de la transmission du rapport médical au collège de médecins, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'avis du collège de médecins de l'OFII devait être transmis sous couvert du directeur général de cet office ;
- les décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi sont illégales par voie de conséquence.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
Par un mémoire enregistré le 5 mars 2019, Mme A... conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Elle soutient en outre que l'existence d'une délibération du collège des médecins de l'OFII n'est pas établie.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Clot, président,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Lantheaume, avocat de Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 5 août 1974, est entrée régulièrement en France le 15 août 2013 avec son ex-mari et leur fille mineure. L'asile lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 février 2014 et par la Cour nationale du droit d'asile le 15 janvier 2015. Son mari est retourné en Algérie et ils ont divorcé le 16 juin 2016. Le 30 mars 2015, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours, a fixé un pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Elle a toutefois été munie, en raison de son état de santé, d'un titre de séjour valable du 5 août 2015 au 4 août 2016, qui a été renouvelé une fois. Le 27 octobre 2017, le préfet de l'Isère lui en a refusé le renouvellement, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 27 octobre 2017.
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7° Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. "
4. Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".
5. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
Sur la régularité du jugement attaqué :
6. Selon l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical " visé à l'article R. 313-22, établi par un médecin l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Toutefois, le non respect de cette disposition n'a pas d'incidence sur la régularité de la procédure.
7. Dans un mémoire en réplique devant le tribunal administratif, Mme A... a également fait valoir qu'il n'était pas établi que l'avis du collège des médecins de l'OFII avait été transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'Office, comme le prévoit le dernier alinéa de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, cette formalité n'étant pas prescrite à peine d'irrégularité de la procédure suivie, ce moyen était inopérant.
8. Par suite, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en omettant de répondre à ces moyens.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
9. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a pris sa décision après consultation du collège des médecins de l'OFII qui a estimé, dans un avis du 24 août 2017 produit par le préfet devant le tribunal administratif et communiqué à MmeA..., que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine. Cet avis comporte le nom et la signature des trois médecins composant le collège qui l'a rendu et la mention : " après en avoir délibéré ". La " copie d'écran de l'historique du dossier de MmeA... " fourni par l'OFII au préfet et produit par celui-ci ne comporte aucun élément permettant de douter de l'existence d'une délibération de ces médecins. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet avis n'a pas été émis à l'issue d'une délibération collégiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 doit être écarté.
10. Il ne résulte d'aucune des dispositions citées ci-dessus, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'OFII devrait porter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité.
11. Enfin, comme il a été dit aux points 6 et 7, si selon l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical " visé à l'article R. 313-22, établi par un médecin de l'OFII, le non respect de cette disposition n'a pas d'incidence sur la régularité de la procédure. Il en va de même du non respect des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles l'avis du collège des médecins de l'OFII est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'Office.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".
13. Le 27 octobre 2017, Mme A..., à qui le préfet de l'Isère a refusé le renouvellement de son titre de séjour, se trouvait dans le cas que prévoient les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.
14. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir, contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, de l'illégalité du refus de renouveler son titre de séjour.
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
15. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir, contre la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité des décisions refusant de renouveler son titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français.
16. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Dèche, premier conseiller,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2019.
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N° 18LY02519