Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 2 décembre 2016, M. F... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 19 septembre 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;
3°) enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de résident longue durée-CE, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés en première instance et une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés en appel, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a fait l'objet d'une condamnation par le tribunal correctionnel pour conduite de véhicule automobile sans permis alors qu'il disposait d'un permis de conduire congolais ; en tout état de cause ces faits ont plus de huit ans et ne peuvent lui être opposés pour lui refuser la carte de résident longue durée ;
- ses revenus tirés de missions intérimaires doivent être pris en compte et il démontre le caractère propre, stable et régulier de ses ressources.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 juin 2017, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'intéressé a fait l'objet de trois condamnations dont une en récidive pour des faits de 2012 ; contrairement à ce qu'il prétend en appel, il ne peut être titulaire d'un permis de conduire congolais ; il ne respectait pas les valeurs de la république nécessaires à la délivrance d'un carte de résident-CE ; en tout état de cause, la circonstance qu'il ne disposait pas de ressources suffisantes, stables et pérennes suffisait pour lui refuser le titre de séjour sollicité ;
- le tribunal a bien examiné dans sa décision la possibilité pour le requérant de bénéficier d'un titre de séjour " salarié " ou " vie privée et familiale " et la circonstance qu'il a omis de prendre en compte la modification du titre sollicité par voie d'injonction reste sans incidence sur la régularité du jugement ;
- le requérant ne peut utilement se prévaloir de considérations humanitaires ou de circonstances exceptionnelles, n'ayant pas présenté de demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a procédé à un examen particulier de la situation du requérant ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi n'est pas illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivé ;
- cette décision ne méconnait ni l'article L. 513-2 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ni l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 15 octobre 1986 à Kinshasa et entré en France le 18 août 2003, a bénéficié de plusieurs titres de séjour temporaire régulièrement renouvelés. Il a sollicité, par une lettre du 23 octobre 2015, la délivrance d'une carte de résident de dix ans sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 17 février 2016, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité au double motif qu'il ne justifiait pas de ressources suffisantes et stables et qu'il ne répondait pas à la condition d'intégration républicaine dans la société française. M. C... B... relève appel du jugement du 19 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 17 février 2016.
2. Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France (...) sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles (...) L. 313-11, (...) peut obtenir une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " (...). La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence (...) appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur (...). Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. (...). ".
3. Aux termes de l'article L. 314-10 du même code : " Dans tous les cas prévus dans la présente sous-section, la décision d'accorder la carte de résident ou la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " est subordonnée au respect des conditions prévues à l'article L. 314-2 ". Aux termes de l'article L. 314-2 du même code : " Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
4. Enfin, aux termes de l'article R. 314-1 du même code : " Pour l'application des dispositions des articles L. 314-8 et L. 314-9, l'étranger présente à l'appui de sa demande de carte de résident ou de carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " : (...) 5° Pour l'appréciation de la condition d'intégration prévue à l'article L. 314-2 : Pour l'appréciation de la condition d'intégration prévue à l'article L. 314-2 : a) Une déclaration sur l'honneur par laquelle il s'engage à respecter les principes qui régissent la République française ; b) Le cas échéant, le contrat d'accueil et d'intégration conclu en application de l'article L. 311-9 ainsi que l'attestation nominative remise par l'office français de l'immigration et de l'intégration précisant si les actions prévues au contrat ont été suivies ainsi que les conditions de leur validation ; c) Tout document de nature à attester sa connaissance suffisante de la langue française, notamment le diplôme initial de langue française. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer une carte de résident à M. C... B..., le préfet s'est fondé sur un premier motif tiré de ce que les ressources provenant de l'activité exercée par l'intéressé par intérim au cours des cinq dernières années sont insuffisantes et ne semblent pas pérennes. Toutefois, les avis d'imposition produits mentionnent que l'intéressé, qui a exercé de manière continue des missions d'intérim en qualité d'électricien, a perçu, pour chacune des années 2010 à 2015, un salaire annuel net supérieur au salaire minimum de croissance. Par suite, c'est à tort que le préfet de la Côte-d'Or s'est fondé sur ce motif pour rejeter la demande de M. C... B....
6. En second lieu, pour refuser de délivrer une carte de résident à M. C... B..., le préfet s'est également fondé sur la circonstance que celui-ci ne justifiait pas d'une bonne intégration en France, en raison de la condamnation dont il a fait l'objet le 7 novembre 2012 pour conduite d'un véhicule automobile sans permis. Cette seule circonstance ne suffisait pas, en l'espèce, en l'absence d'autres éléments, à permettre de lui refuser la délivrance d'une carte de résident.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. C... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
9. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs sur lesquels il repose, en l'absence de tout changement dans les circonstances de droit et de fait depuis l'intervention de la décision annulée et en l'absence de tout autre motif de refus opposé par le préfet, que le préfet de la Côte-d'Or délivre à M. C... B..., une carte de résident longue durée-CE, dans le délai de deux mois suivant la notification de cet arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... B... à l'occasion du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 19 septembre 2016 est annulé.
Article 2 : La décision du préfet de la Côte-d'Or du 17 février 2016 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à M. C... B... une carte de résident longue durée-CE, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à M. C... B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or et au procureur de la République près le tribunal de grande instance Dijon.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2018.
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N° 16LY03996