Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 2 décembre 2016, le ministre de l'économie et de finances demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 septembre 2016, en tant qu'il prononce la décharge des impositions issues de rémunérations excessives ;
2°) de lui accorder le rétablissement de ces impositions.
Il soutient que :
- il demande que l'article 111 d) du code général des impôts soit substitué à l'article 111 c) initialement appliqué ;
- les rémunérations de M. A... sont excessives ;
- les contributions sociales versées sur les traitements et salaires ne peuvent être dégrevées car elles ont été acquittées auprès de l'URSSAF ;
- il n'a pas pris de position formelle invocable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
Le recours a été communiqué à M. A... qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est cogérant de la SARL Power sécurité privée, société holding détenant des participations dans des sociétés de sécurité, surveillance et gardiennage, dont il est également associé à 50 %. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008, 2009 et 2010, à l'issue de laquelle l'administration a refusé d'admettre en déduction la fraction des rémunérations de M. A... qu'elle a regardée comme excessive. Cette fraction de ses rémunérations a été imposée entre ses mains sur le fondement de l'article 111 c) du code général des impôts au titre des années 2008, 2009 et 2010, ces impositions étant assorties de pénalités pour manquement délibéré. Le tribunal administratif de Lyon a estimé que cette base légale ne permettait pas de procéder à ce chef de rectification et a ainsi prononcé la décharge des impositions correspondantes. Le ministre de l'économie et des finances interjette appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. (...) ".
3. Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme des revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / d. La fraction des rémunérations qui n'est pas déductible en vertu du 1° du 1 de l'article 39 (...) ".
4. M. A... a déclaré avoir perçu des salaires de 99 395 euros au titre de l'année 2008, 265 955 euros au titre de l'année 2009 et 244 362 euros au titre de l'année 2010. Pour démontrer que ces salaires étaient excessifs, l'administration les a comparés à ceux versés aux dirigeants de sociétés regardées comme comparables. Elle a ainsi constaté que la moyenne des salaires versés aux dirigeants de deux sociétés de sécurité et d'une société holding de sociétés de sécurité, dont les chiffres d'affaires, comparables à celui de la SARL Power sécurité privée, correspondaient à 5,94 % de leur chiffre d'affaires moyen en 2008, 5,69 % en 2009 et 4,39 % en 2010 tandis que les salaires versés par la SARL Power sécurité privée à M. A... correspondaient à 2,51 % de son chiffre d'affaires en 2008, 14,02 % en 2009 et 12,19 % en 2010. Elle a également comparé les salaires versés à M. A... avec la moyenne de ceux versés aux dirigeants de deux autres sociétés de sécurité, dont le chiffre d'affaires était comparable au chiffre d'affaires d'ensemble du groupe informel dont la SARL Power sécurité privée était la holding, soit 145 364 euros en 2008, 145 747 euros en 2009 et 117 904 euros en 2010 et observé qu'ils étaient nettement supérieurs pour les années 2009 et 2010. Elle a, enfin, constaté que les rémunérations de M. A... correspondaient au quart du chiffre d'affaires, que l'augmentation très forte des rémunérations coïncidait avec un déficit d'exploitation, qu'à compter des exercices clos en 2009 et 2010, la SARL Power sécurité privée avait donné en location gérance ses fonds de commerce de sécurité à quatre filiales et que les fonctions commerciales prétendument dévolues à M. A... étaient, en réalité, assurées par les directeurs d'agence. Les résultats d'exploitation hors provision étaient déficitaires de 249 874 euros pour l'exercice clos en 2008, 249 874 euros pour l'exercice clos en 2009 et 343 905 euros pour l'exercice clos en 2010 tandis que l'augmentation du chiffre d'affaires provenait exclusivement d'une restructuration interne de l'entreprise résultant de la mise en location gérance de quatre fonds de commerce et en la reprise d'un autre fonds de commerce, alors que les sociétés comparables étaient bénéficiaires. L'administration a déduit de l'ensemble de ces constatations que les rémunérations versées à M. A... étaient excessives.
5. Pour évaluer le salaire qui aurait dû être versé à M. A..., l'administration a employé deux méthodes. La première méthode a consisté à constater que l'Insee déterminait, dans le secteur des services, le salaire annuel net des dirigeants à 77 600 euros, soit 77,8 % de plus que le salaire annuel net moyen des cadres dans ce secteur, fixé à 48 037 euros. Le vérificateur a ensuite calculé la moyenne des salaires des cadres et des non cadres du groupe informel de la SARL Power sécurité privée, auquel il a appliqué ce pourcentage, pour considérer que la rémunération des cogérants aurait dû être de 76 760 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et 83 955 euros en 2010, soit une rémunération excessive versée par la société de 158 411 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et 192 169 euros au titre de l'exercice clos en 2010. La seconde méthode a consisté à comparer les salaires versés à M. A... à ceux versés par les sociétés considérées comme comparables, ce qui a abouti à estimer la part excessive de la rémunération à 129 229 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et 171 694 euros au titre de l'exercice clos en 2010. Le vérificateur a estimé que les rémunérations excessives correspondaient à la moyenne de ces deux éléments de comparaison, soit 143 820,27 euros pour l'exercice clos le 30 juin 2009 et 181 931,77 euros pour l'exercice clos le 30 juin 2010 et rejeté ces charges dans les comptes de la SARL Power sécurité privée sur le fondement du 1 de l'article 39 précité du code général des impôts. Ces exercices couvrant chacun deux années civiles, le vérificateur a considéré dans la proposition de rectification que, pour l'imposition des distributions entre les mains de M. A... sur le fondement du c) de l'article 111 du même code, ces rémunérations excessives devaient être affectées à concurrence de 72 775 euros à l'année 2008, 175 839 euros à l'année 2009 et 77 139 euros à l'année 2010. Dans sa réponse aux observations du contribuable, le vérificateur a réduit la base taxable à 58 828 euros au titre de l'année 2008, 97 717 euros au titre de l'année 2009 et 54 198 euros au titre de l'année 2010, pour tenir compte du fait que les salaires versés par la société étaient des montants bruts.
6. Le ministre de l'économie et des finances ne conteste pas que, comme l'ont décidé les premiers juges, les revenus litigieux ne pouvaient pas être qualifiés de rémunérations et avantages occultes au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts. Il demande, en revanche, que la cour procède à une substitution de base légale et applique le d) du même article.
7. Les éléments de comparaison sélectionnés par l'administration pour considérer que le salaire versé est excessif par rapport au chiffre d'affaires manquent de précision dès lors que seule une des trois sociétés retenues exerce, comme la SARL Power sécurité privée, une activité de holding et que la proposition de rectification ne mentionne que les montants moyens résultant de l'étude de ces trois sociétés.
8. Par ailleurs, la méthode de comparaison utilisant les statistiques de l'Insee est viciée dès lors que les rémunérations de M. A... sont énumérées pour leur montant brut, alors que les salaires mentionnés par l'Insee sont énumérés en net. En outre, alors que le pourcentage de 77,8 % calculé par l'administration résulte d'un rapport entre le salaire des cadres et le salaire des dirigeants dans le secteur des services, il a été appliqué, sans explication, à une moyenne entre le salaire des cadres et des non-cadres de la SARL Power sécurité privée au lieu de l'être directement à la moyenne des salaires des cadres.
9. De même, quand bien même elles ont un chiffre d'affaires comparable au groupe informel dont la SARL Power sécurité privée est la holding, la comparaison entre le salaire de dirigeant de cette dernière et les salaires versés par les deux sociétés de sécurité mentionnées dans la proposition de rectification est peu pertinente, dès lors que ces dernières sont des sociétés opérationnelles alors que la SARL Power sécurité privée est une société holding dont le chiffre d'affaires résulte, au titre des exercices clos en 2009 et 2010, de prestations facturées et du produit de la location gérance de ses quatre filiales, qui lui reversent 3,5 % de leur chiffre d'affaires. En admettant même que ces sociétés puissent être regardées comme comparables, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification ne précise pas si les salaires comparés à celui de M. A... sont des salaires bruts ou nets. Au demeurant, les salaires utilisés comme points de comparaison sont supérieurs au salaire perçu par M. A... en 2008 et, s'ils sont inférieurs à ceux que ce dernier a perçus en 2009 et 2010, les différences ne font pas apparaître de disproportion manifeste.
10. S'agissant plus particulièrement de l'année 2008, les résultats du rehaussement, qui limitent la fraction du salaire de M. A... considérée comme non excessive à 40 567 euros, paraissent peu cohérents avec les fonctions de co-gérant d'une holding d'un groupe de huit cent sept salariés, réalisant un chiffre d'affaires total de plus de vingt-et-un millions d'euros, fût-il en difficulté financière. Si, compte tenu de ces difficultés, les salaires perçus en 2009 et 2010 paraissent élevés, il résulte de l'ensemble de ce qui vient d'être dit que l'administration ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe dès lors que le contribuable a refusé les rectifications, de ce qu'ils seraient excessifs au sens du d) de l'article 111 précité. Elle ne justifie pas davantage de la fraction de ces montants qui pourrait être regardée comme excessive.
11. Pour les motifs indiqués aux points 6 à 10, la demande de substitution de base légale demandée par le ministre de l'économie et des finances doit ainsi être écartée.
12. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge des impositions litigieuses.
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'économie et des finances est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 22 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2018.
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N° 16LY03999