Procédure devant la cour
Par un recours enregistré le 7 juillet 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1501545 du 1er juin 2016 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de rejeter la demande de la société Eastern Airways UK Limited devant le tribunal administratif de Dijon.
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré comme établie la réalité des menaces sur la compétitivité du secteur d'activité alléguée par l'employeur, alors que la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ne peut s'apprécier qu'au regard de la seule décision d'arrêter l'exploitation des lignes aériennes mais doit l'être au niveau du secteur d'activité du transport aérien et qu'en l'espèce, la procédure mise en oeuvre est davantage justifiée dans la perte de l'exploitation des lignes aériennes au départ de Dijon que sur de réelles menaces sur la compétitivité du secteur d'activité.
La requête a été communiquée à la société Eastern Airways UK Limited et à Mme B... qui n'ont pas produit d'observation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Eastern Airways UK Limited, société de droit britannique, filiale du groupe américain Bristow, dont l'activité est le transport aérien de passagers, et qui disposait de deux établissements situés en France, dont l'un implanté en 2010 à Dijon pour assurer les liaisons aériennes Dijon-Bordeaux et Dijon-Toulouse, a décidé, à la suite de la décision du 12 mai 2014 du président du conseil régional de Bourgogne de renoncer à devenir l'autorité de gestion de l'aéroport de Dijon, de mettre fin à l'exploitation de ces lignes aériennes, avec effet au 4 juin 2014. Par une lettre du 14 août 2014, reçue le 18 août 2014, la société Eastern Airways UK Limited a demandé l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de Mme B..., salariée protégée au titre de son mandat de délégué du personnel et occupant le poste de responsable du développement commercial (" Business Development Manager ") au sein de l'établissement de l'aéroport de Dijon Bourgogne à Longvic. Le silence gardé pendant plus de deux mois sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet, le 18 octobre 2014, confirmée par une décision explicite de l'inspecteur du travail du 21 octobre 2014. La société Eastern Airways UK Limited a saisi le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social d'un recours hiérarchique contre ces décisions, qui est demeuré sans réponse. Le ministre du travail interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé, sur la demande de la société Eastern Airways UK Limited, sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formée par cette société contre les décisions de l'inspecteur du travail des 18 et 21 octobre 2014, ensemble lesdites décisions.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 321-1, devenu l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ". Pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe dont la société mère a son siège à l'étranger, de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause sans qu'il y ait lieu de borner cet examen à celles d'entre elles ayant leur siège social en France ni aux établissements de ce groupe situés en France. Si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe.
3. Il ressort des pièces du dossier que, à la suite de la décision du 12 mai 2014 du président du conseil régional de Bourgogne de renoncer à devenir l'autorité de gestion de l'aéroport de Dijon, la société Eastern Airways UK Limited a décidé de mettre fin à l'exploitation des lignes aériennes Dijon-Bordeaux et Dijon-Toulouse qu'elle assurait, avec effet au 4 juin 2014, et de procéder à la fermeture du site de Dijon et à la suppression de tous les emplois de ce site.
4. Si la fermeture de l'établissement de Dijon avait pour objet de permettre à la société Eastern Airways UK Limited de rationaliser son organisation pour l'exploitation de certaines de ses lignes aériennes en France afin d'améliorer sa compétitivité, il ne ressort pas des pièces du dossier que, au regard notamment des résultats bénéficiaires de ladite société et de la société Air Kilroe, relevant du même secteur d'activité au sein du groupe Bristow, cette réorganisation était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de cette entreprise. Par suite, c'est à tort que, pour annuler les décisions en litige, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de l'illégalité du motif, retenu par l'inspecteur du travail pour refuser l'autorisation de licencier Mme B..., tiré de ce que la réalité du motif économique invoqué pour justifier les suppressions d'emploi n'était pas démontrée.
5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'inspecteur du travail s'est également fondé, pour refuser l'autorisation de licenciement sollicitée par la société Eastern Airways UK Limited, sur trois autres motifs tirés, respectivement, de ce que l'employeur n'avait pas respecté la consultation des délégués du personnel sur les conditions de mise en oeuvre du congé de reclassement, de ce que la matérialité de la suppression d'emploi n'était pas établie et de ce que l'obligation de reclassement n'avait pas été respectée. Le tribunal administratif a considéré que chacun de ces trois motifs était illégal. Le ministre chargé du travail ne conteste pas, en appel, les motifs du jugement attaqué sur ce point. Dès lors, même si c'est à tort que le premier juge a retenu le motif mentionné aux points 2 à 4 ci-dessus, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé les décisions en litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du travail, à la société Eastern Airways UK Limited et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mai 2018.
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N° 16LY02295