Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 janvier 2018 et le 30 mars 2018, Mme B..., représentée par Me Schürmann, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 décembre 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que le refus de titre de séjour contesté :
- méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- méconnaît l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observation.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 1er juin 1986, déclare être entrée en France le 6 mars 2014. L'asile lui a été refusé le 28 novembre 2014 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 3 mai 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. Elle a sollicité le 19 juillet 2016 un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 17 juillet 2017, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.".
3. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ".
4. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été désignée le 28 mars 2014 par le juge des tutelles en qualité de tutrice de ses deux soeurs, alors âgées de quatorze et quinze ans. Elle est mère de deux enfants, nés le 5 juillet 2015 et le 15 avril 2017, dont le père, qui les a reconnus, possède la même nationalité qu'elle et ne détient pas de droit au séjour en France. Si son fils aîné est atteint d'une maladie génétique rare et évolutive, les pièces médicales qu'elle produit pour la première fois en appel sont postérieures de plusieurs mois au refus de titre de séjour en litige et, dès lors qu'il n'est pas établi qu'elles révèlent une situation qui existait à la date de cette décision, sont sans influence sur sa légalité. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de l'intéressée, ce refus ne porte pas, eu égard aux buts poursuivis, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni ne méconnaît les dispositions du 7° l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce refus ne méconnaît pas davantage l'intérêt supérieur des enfants de Mme B..., garanti par l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
6. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. Un décret en Conseil d'État définit les modalités d'application du présent article. ". L'examen de la situation de Mme B... ne révèle pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels tels que, en refusant son admission au séjour sur le fondement de ces dispositions, le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
7. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que le refus de titre de séjour contesté est susceptible de comporter pour la situation personnelle de Mme B....
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mai 2018.
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N° 18LY00299