Par une requête enregistrée le 9 avril 2015 et un mémoire, enregistré le 22 juin 2015, Mme C..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 janvier 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ne précisant pas la possibilité de voyager ou non sans risque vers le pays d'origine, il revient au préfet de vérifier cette possibilité, ce qu'il n'a pas fait ;
- le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- l'arrêté méconnaît les articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 1er août 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 26 juillet 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 9 septembre 2016 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Savouré.
1. Considérant que MmeC..., ressortissante géorgienne née le 4 décembre 1963, est entrée en France le 29 mai 2010, sous couvert d'un visa valable quinze jours délivré par les autorités italiennes ; que par arrêté du 1er juillet 2014, le préfet du Rhône a refusé de lui octroyer un titre de séjour, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a assorti ce refus de décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, au motif que la maladie dont elle faisait état pouvait être soignée dans son pays d'origine ; que Mme C...relève appel du jugement du 20 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Considérant que la décision contestée est motivée, en fait comme en droit, avec une précision suffisante au regard des exigences des articles 1er et 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 alors en vigueur, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;
4. Considérant, en premier lieu, que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction ;
5. Considérant, d'une part, que Mme C...souffre d'un mélanome de la jambe droite qui a été pris en charge en France en 2010 avec un traitement par le médicament dénommé " vémurafénib " ; que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 18 mars 2014 mentionne que l'état de santé de Mme C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de soin approprié dans son pays d'origine ; que toutefois, le préfet produit la nomenclature des produits pharmaceutiques commercialisés en Géorgie depuis 2012, parmi lesquels figure le " vémurafénib ", de sorte qu'il établit que ce médicament y est disponible ;
6. Considérant, d'autre part, que si Mme C...fait valoir qu'elle doit consommer chaque mois trois boîtes de ce médicament, d'un coût unitaire de 2 288 euros et si elle produit un rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés datant de 2008 mentionnant notamment que les soins de santé sont essentiellement couverts par des assurances privées, ainsi qu'un rapport de l'ONG OXFAM datant de 2009 mentionnant notamment que le programme de soins de santé primaire ne couvre pas les diagnostics complexes ni les médicaments, ces rapports sont anciens et ne suffisent pas à justifier que la requérante serait personnellement dans l'impossibilité de recevoir en Géorgie les soins que requiert son état de santé ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle relèverait d'une circonstance humanitaire exceptionnelle ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il incombe au préfet de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement dès le stade de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de disposer d'une information complète sur l'état de santé de l'étranger, y compris sur sa capacité à voyager sans risque à destination de son pays d'origine ; que si le médecin de l'agence régionale de santé, qui n'est pas tenu de le faire, ne s'est pas prononcé sur le point de savoir si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine, il appartient au préfet d'examiner cette question, dès lors qu'il estime qu'un traitement approprié existe dans ce pays et qu'il ressort des éléments du dossier qui lui a été soumis que l'état de santé de l'étranger malade suscite des interrogations sur sa capacité à supporter le voyage vers son pays d'origine ;
8. Considérant que, selon l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, l'état de santé de Mme C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et le traitement n'est pas disponible dans son pays d'origine ; que ce médecin ne s'est pas prononcé sur le point de savoir si l'état de santé de l'intéressée lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine ; que Mme C...n'allègue pas avoir fait état d'éléments qui auraient pu amener le préfet du Rhône à s'interroger sur une éventuelle incapacité à voyager sans risque vers ce pays ; que dans ces conditions, elle ne saurait soutenir que le préfet n'a pas suffisamment examiné sa situation avant de prendre l'arrêté litigieux faute de s'être prononcé sur ce point, ou qu'il aurait dû consulter de nouveau le médecin de l'agence régionale de santé ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant que compte tenu de ce qui précède, Mme C...n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ;
10. Considérant qu'au soutien de ses moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation, de la méconnaissance des stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la requérante se borne à faire valoir que son état de santé nécessite un traitement dont l'interruption peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour en litige ;
11. Considérant que les certificats médicaux produits se bornent à indiquer que Mme C... doit poursuivre ses traitements sans se prononcer sur sa capacité à voyager ; que d'ailleurs, l'intéressée a elle-même sollicité une aide au retour, lui permettant d'exécuter l'obligation de quitter le territoire le 29 juin 2016 ; qu'au regard de ces éléments, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle se trouvait dans l'incapacité de voyager ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon, qui a répondu à l'ensemble des moyens invoqués devant lui, a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressé au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
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N° 15LY01187