Par une décision n° 390719 du 9 mars 2016 le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 13LY02447 du 9 avril 2015 et renvoyé l'affaire à la cour.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 septembre 2013 et des mémoires, enregistrés les 13 mars 2014, 12 mars 2015 et 6 juin 2016, la SARL Mistigris communication, représentée par Me Cloris, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2013 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) de lui accorder la restitution demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son activité entre dans le champ d'application de l'article 244 quater O du code général des impôts car elle crée des produits nouveaux ;
- tout son personnel est affecté à des métiers d'art ;
- en jugeant qu'il fallait que les produits qu'elle crée se distinguent nettement de ceux qui existent déjà le tribunal administratif a donné une interprétation erronée des dispositions de la loi fiscale qui exige seulement que les produits créés se distinguent de ceux déjà existant ;
- son activité, qui se situe dans le champ de la conception et de la création de nouveaux produits, ne consiste pas à livrer des produits " sur mesure " aux clients au sens où le client participerait à la création graphique du produit ou au sens où le produit procèderait d'une adaptation de produits déjà existants ;
- dans la mesure où un produit procède d'un effort original de création, il s'apparente à un nouveau produit et non à une déclinaison d'un produit existant, la créativité de son personnel étant la condition de sa survie ;
- l'administration fiscale a abandonné les rectifications envisagées pour les années 2008 et 2009 et l'a invitée à constituer des dossiers pour 2011 et 2012 ;
- la cour administrative d'appel de Paris admet l'application des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts pour des activités d'infographiste.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 janvier 2014 et le 14 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- si la société Mistigris communication remplit la première condition pour pouvoir bénéficier du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art dans la mesure où le métier d'infographiste figure sur la liste fixée par l'arrêté du 1er décembre 2003 pris pour l'application du 1° de l'article 244 quater O, elle ne démontre pas qu'elle remplit la seconde condition, à savoir procéder à la conception de nouveaux produits ;
- la conception de nouveaux produits, qui reprend la notion visée à l'article L. 511-1 du code de la propriété intellectuelle, doit s'entendre de façon restrictive, la seule production de pièces réalisées sur mesure, conformément à la commande d'un client, qui procède uniquement d'une adaptation d'un ou plusieurs produits existants ou de la modification d'une caractéristique de ces mêmes produits, quand bien même le bien réalisé serait unique, ne peut en principe être qualifiée de produit nouveau ;
- la requérante entend faire admettre au titre du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art des sommes exposées pour réaliser ses produits et non les seules sommes exposées pour en assurer la conception.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la propriété intellectuelle ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pourny,
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,
- et les observations de Me Cloris, avocat de la SARL Mistigris communication.
1. Considérant que la SARL Mistigris communication, qui exerce des activités de graphiste et d'infographiste principalement dans le secteur de la publicité, a réclamé la restitution d'une somme de 41 716 euros, correspondant au montant du crédit d'impôt en faveur de métiers d'art dont elle estimait disposer au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010 ; qu'elle conteste le jugement du 12 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la restitution de ce crédit d'impôt ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater O du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " I.-Les entreprises mentionnées au III et imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies, 44 terdecies et 44 quaterdecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : / 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement chargés de la conception de nouveaux produits dans un des secteurs ou métiers mentionnés au III et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus ; / 2° Des dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf qui sont directement affectées à la conception des nouveaux produits mentionnés au 1° et à la réalisation de prototypes ; / 3° Des frais de dépôt des dessins et modèles relatifs aux nouveaux produits mentionnés au 1° ; / 4° Des frais de défense des dessins et modèles, dans la limite de 60 000 euros par an ; / 5° Des autres dépenses de fonctionnement exposées à raison des opérations de conception de nouveaux produits et à la réalisation de prototypes ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel mentionnées au 1° ; / 6° Des dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections confiées par ces entreprises à des stylistes ou bureaux de style externes. (...) / III.-Les entreprises pouvant bénéficier du crédit d'impôt mentionné au I sont : / 1° Les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un des métiers d'art énumérés dans un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises représentent au moins 30 % de la masse salariale totale (...) " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 49 septies ZL de l'annexe III à ce code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, les opérations de conception de nouveaux produits s'entendent des travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes. " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que pour bénéficier du crédit d'impôt en faveur des métiers d'arts, l'entreprise doit, notamment, remplir trois conditions cumulatives à savoir comporter des salariés exerçant l'un des métiers d'art figurant sur la liste fixée par un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises du 12 décembre 2003, concevoir des " nouveaux produits ", au sens de l'article 49 septies ZL de l'annexe III au code général des impôts, c'est-à-dire réaliser des " travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes " et avoir des charges de personnel afférentes aux salariés exerçant l'un de ces métiers d'art représentant au moins 30 % de la masse salariale totale ;
5. Considérant que les métiers de graphistes et d'infographistes constituent des métiers d'art qui figurent, en tant que métiers liés aux arts graphiques, sur la liste des métiers de l'artisanat d'art fixée par l'arrêté du 12 décembre 2003 auquel renvoient les dispositions du III de l'article 244 quater O du code général des impôts ; que ces dernières dispositions, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, n'excluent pas, par principe, du bénéfice du crédit d'impôt les entreprises prestataires de services ;
6. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ du bénéfice d'un crédit d'impôt ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la décision du 31 mai 2012 rejetant la réclamation préalable de la SARL Mistigris communication que, pour lui refuser le bénéfice du crédit d'impôt prévu par ces dispositions, l'administration fiscale, qui ne conteste pas que cette société est éligible au dispositif du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art, s'est seulement fondée sur le fait que cette société ne procédait pas à la conception de nouveaux produits ; qu'il résulte toutefois de l'instruction et, en particulier, des explications précises et cohérentes apportées par la SARL Mistigris communication, que cette société conçoit différents produits, notamment des images, logos, présentations graphiques, destinés à servir de vecteur de communication ou de publicité ; que ces produits graphiques revêtent bien la nature de " produits " au sens du 1° du I de l'article 244 quater O du code général des impôts et de l'article 49 septies ZL de l'annexe III à ce code, interprétés à la lumière des dispositions de l'article L. 511-1 du code de la propriété intellectuelle et résultent d'un travail de création original effectué par la SARL Mistigris communication pour chacun de ses clients et non de la seule adaptation personnalisée d'un produit existant ; que ces produits revêtent, dès lors, le caractère de produits nouveaux au sens des mêmes dispositions du code général des impôts et de l'annexe III à ce code ;
8. Considérant que si le ministre soutient que la SARL Mistigris communication entend faire admettre au titre du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art des sommes exposées pour la réalisation de ses produits et non les seules sommes exposées pour en assurer la conception, il résulte de l'instruction que la requérante, qui ne réalise que des produits immatériels originaux, n'a qu'une activité de conception de produits nouveaux rendant sans objet cette distinction ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Mistigris communication est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que, par suite, il y a lieu de lui accorder la restitution demandée ;
10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1201275 du 12 juillet 2013 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : La restitution d'une somme de 41 716 euros est accordée à la SARL Mistigris communication au titre du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art dont elle se prévaut au titre de l'année 2010.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL Mistigris communication une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Mistigris communication et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
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N° 16LY00906