Procédure devant la cour :
I/ Par une requête enregistrée le 30 mai 2016 sous le n° 16LY01801, M. D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 février 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de l'admettre au séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé, faute d'indiquer les éléments sur lesquels s'est fondé le préfet pour ne pas suivre l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; il méconnaît l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence ; elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa situation de demandeur d'asile faisait obstacle à son éloignement ;
- compte tenu de l'impossibilité pour lui de recevoir des soins au Bénin, la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 24 août 2016, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête, qui se borne à reproduire les écritures de M. D... devant le tribunal administratif, n'est pas recevable ;
- aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 19 octobre 2016, M. D... conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.
Il soutient en outre que sa requête, qui comporte une critique du jugement attaqué, est recevable.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mai 2016.
II/ Par une requête enregistrée le 19 octobre 2016 sous le n° 16LY03493, M. D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 février 2016 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que l'exécution de ce jugement est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables et qu'il existe des moyens sérieux, de nature à entraîner l'annulation du jugement et des décisions qu'il conteste.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, cette dernière affaire a été dispensée d'instruction.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président.
1. Considérant que les requêtes de M. D... sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;
2. Considérant que M.D..., né le 18 août 1987, de nationalité béninoise, déclare être entré irrégulièrement en France, pour la dernière fois, le 28 mars 2014 ; que, le 22 avril 2014, il a sollicité l'asile sous l'identité de M. A...C...; qu'il a fait l'objet, le 29 avril 2014, d'un refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puis, le 21 mai 2014, d'une décision de remise aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile, qui n'a pas été exécutée ; que le 28 janvier 2015, il a fait l'objet d'un refus verbal d'enregistrement de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; que ses recours contre les décisions des 21 mai 2014 et 28 janvier 2015 ont été rejetés par jugements du tribunal administratif de Dijon du 16 octobre 2015 ; que le 17 avril 2015, M. D...a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 10 août 2015, le préfet de la Côte-d'Or lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ; qu'il demande également le sursis à exécution de ce jugement ;
Sur la fin de non recevoir opposée à la requête n° 16LY01801 par le préfet de la Côte-d'Or :
3. Considérant que M. D...a présenté, dans le délai du recours, une requête d'appel qui ne constitue pas la seule reproduction littérale de sa demande de première instance ; qu'une telle requête satisfait aux exigences qu'imposent les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir que lui oppose le préfet de la Côte-d'Or ne peut être accueillie ;
Sur la légalité des décisions en litige :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;
5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;
6. Considérant que M.D..., entré en France le 28 mars 2014, résidait habituellement en France le 10 août 2015, date de la décision en litige ;
7. Considérant que dans son avis émis le 22 mai 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. D...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existe pas dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état de santé présentent un caractère de longue durée ;
8. Considérant que la décision en litige indique qu' " il n'est pas établi que l'absence de prise en charge de la pathologie de M. D...entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, susceptibles d'engager son pronostic vital ou d'atteindre son intégrité physique, conformément aux dispositions de l'article L. 313-11-11° " ; que tant en première instance qu'en appel, le préfet s'est borné à invoquer la jurisprudence, de laquelle il résulterait que, " nonobstant l'avis du MARS ", il existe des soins dans le pays d'origine du requérant ; que, dans ces conditions, le préfet ne peut pas être regardé comme produisant des éléments de nature à établir que M. D...pourrait bénéficier de soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine ; que, dès lors, en refusant de lui délivrer une carte de séjour, le préfet de la Côte-d'Or a fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à annulation du refus de titre de séjour en litige et, par voie de conséquence, des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;
11. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) " ;
12. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'état de santé de M. D...justifie actuellement que lui soit délivré le titre de séjour prévu par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet délivre à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et réexamine sa situation dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification de cet arrêt ;
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
13. Considérant que, dès lors qu'il est statué sur la requête dirigée contre le jugement attaqué, les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement deviennent sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
14. Considérant que M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à cet avocat de la somme de 1 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 février 2016 et les décisions du préfet de la Côte-d'Or du 10 août 2015 sont annulés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de M. D....
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de munir M. D...d'une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande de titre de séjour dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la date de notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me B...la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dijon.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
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N° 16LY01801, 16LY03493