Par une requête enregistrée le 27 septembre 2018, M. B..., représenté par Me Ben Hadj Younes, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 10 août 2018 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une attestation de demande d'asile et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, faute de faire mention de la dispense de conclusions du rapporteur public ;
- le premier juge a omis d'examiner une partie des pièces du dossier ;
- l'arrêté méconnaît l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ;
- le préfet aurait dû faire usage de la clause dérogatoire prévue par l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ;
- le préfet a méconnu l'article 53-1 de la Constitution ;
- le préfet a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 2 mai 2019, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de M. B... n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Savouré, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République de Guinée, né le 22 novembre 1988, déclare être entré en France le 9 février 2018. Ayant relevé ses empreintes digitales, le préfet de la Côte-d'Or a constaté en consultant le fichier Eurodac que l'intéressé avait auparavant sollicité l'asile auprès des autorités belges. Celles-ci, saisies sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013, ont accepté la reprise en charge de l'intéressé sur le fondement du d) du paragraphe 1 de cet article. A la suite de cette procédure, le préfet de la Côte-d'Or a décidé son transfert aux autorités belges et son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours par arrêté du 26 juin 2018. M. B... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa du II de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. Le président du tribunal administratif statue dans un délai de quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours, dans les conditions prévues au III de l'article L. 512-1. (...) ". Aux termes du cinquième alinéa du III de l'article L. 512-1 de ce code : " L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'audience devait se dérouler sans conclusions du rapporteur public. Par suite, contrairement à ce que soutient M.B..., le jugement ne devait comporter aucune mention relative à la dispense de conclusions du rapporteur public.
4. En second lieu, il ressort des mentions du jugement attaqué que le premier juge a visé l'ensemble des pièces du dossier. S'il n'a pas mentionné explicitement dans son jugement les pièces produites à l'audience par son conseil, cette seule circonstance ne suffit pas à remettre en cause ces mentions, qui font foi jusqu'à preuve du contraire.
Sur la légalité de l'arrêté litigieux :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...). 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) du 26 juin 2013 doit se voir remettre une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre, le 22 février 2018, date de dépôt de sa demande d'asile, les brochures d'information A et B en langue française qu'il a déclaré comprendre, qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 de ce même règlement, et figurant en annexe au règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014. Ainsi, il a reçu en temps utile toutes les informations requises lui permettant de faire valoir ses observations avant que ne soit prise la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié, le 5 juin 2018, d'un entretien individuel en langue française, qu'il parle et comprend, avec un agent du service compétent de la préfecture de la Côte-d'Or, qui est un agent qualifié au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées.
10. En troisième lieu, la faculté laissée à chaque État membre, par l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile.
11. Si M. B... soutient être menacé en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son homosexualité et s'il produit en ce sens de nouvelles pièces, notamment un mandat d'arrêt et un mandat de recherche émis par les autorités guinéennes pour des faits " d'attentat à la pudeur (homosexualité) ", datant du 13 juin 2010 et du 16 juin 2010, il n'allègue pas qu'il existe un quelconque obstacle à ce que sa demande d'asile soit réexaminée par la Belgique, pays responsable de sa demande. En outre, alors qu'il a fait l'objet d'un ordre de quitter le territoire belge le 8 février 2018, notifié le 24 avril 2018, susceptible de recours en suspension et en annulation, M. B... n'établit pas que ces voies de recours seraient épuisées et qu'il sera nécessairement renvoyé dans son pays d'origine en cas de transfert en Belgique. Par suite, quand bien même une première demande d'asile a été rejetée par la Belgique, le préfet n'a méconnu ni l'article 17 du règlement n° 604/2013, ni l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en décidant de le transférer vers ce pays. Il n'a pas davantage méconnu l'article 53-1 de la Constitution.
12. Il ressort des pièces du dossier que le préfet, qui n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence, ne s'est pas estimé en situation de compétence liée pour prendre la décision litigieuse.
13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Dèche, premier conseiller,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mai 2019.
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N° 18LY03625