Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mars 2020, M. D... E..., représenté par la SELARL BS2A B... et Sabatier avocats associés, agissant par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001878 du 12 mars 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 mars 2020 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision lui refusant un délai de départ volontaire :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai.
Le 22 juillet 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a classé sans suite la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. D... E....
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- et les observations de Me C..., représentant M. D... E....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... E..., ressortissant algérien né le 26 mai 1994, qui déclare être entré en France en 2013, relève appel du jugement du 12 mars 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet du Rhône du 8 mars 2020 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit le cas échéant d'office.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Si M. D... E..., sans charge de famille, soutient qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française depuis 2016, il ne démontre toutefois pas la réalité de cette union par la seule production de factures et courriers émis entre 2016 et 2018 mentionnant une adresse commune avec cette personne, ni par l'attestation de cette dernière qui se borne à indiquer qu'elle héberge l'intéressé à son domicile, ni enfin par les attestations stéréotypées de trois des enfants de celle-ci, dont deux d'entre eux avaient d'ailleurs indiqué en 2016 à l'occasion d'un enquête de gendarmerie que le mariage alors projeté entre le requérant et leur mère relevait d'un mariage de convenance. M. D... E... n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu, selon ses dires, jusqu'à l'âge de dix-neuf ans. Il ne fait valoir aucune intégration, notamment professionnelle, en France. Dans ces conditions, en prenant à son encontre une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Rhône n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, doit être écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par le préfet dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
4. En premier lieu, les moyens tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône obligeant M. D... E... à quitter le territoire français ayant été écartés, il n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
5. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) ". Pour refuser un délai de départ volontaire à M. D... E..., le préfet du Rhône s'est fondé sur l'existence d'un risque que l'intéressé se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne justifie pas d'un hébergement stable ni de moyens d'existence effectifs.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. D... E... a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français, qui leur avait été régulièrement notifiée, prises par le préfet de la Loire le 22 septembre 2014, qu'il n'a pas exécutée. Par suite, il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. La circonstance qu'elle a été édictée plus de cinq ans avant la décision litigieuse n'est pas de nature à démontrer qu'il ne se serait pas soustrait à l'exécution de cette mesure. Il résulte de l'instruction et notamment des termes de la décision attaquée, que le préfet du Rhône aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur le fait que M. D... E... ne justifiait pas de moyens d'existence et de d'un hébergement stable. Dès lors, le préfet du Rhône a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer, compte tenu notamment de l'inexécution de la précédente mesure d'éloignement, que le requérant n'était pas dans une situation particulière permettant d'écarter le risque de fuite et lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire.
7. En troisième lieu, M. D... E... se prévaut, au soutien du moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des mêmes arguments que ceux qui ont été précédemment exposés au point 3. Ce moyen doit, par suite, être écarté pour les mêmes motifs.
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. Les moyens tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône obligeant M. D... E... à quitter le territoire français et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ayant été écartés, il n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 8 mars 2020. Par voie de conséquence, les conclusions présentées aux fins d'injonction, sous astreinte, et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 novembre 2020.
2
N° 20LY01164