Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 avril 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1709046 du 5 mars 2019 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner la commune d'Ambérieu-en-Bugey à lui verser une somme de 28 968,73 euros, assortie des intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge la commune d'Ambérieu-en-Bugey une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'apparition de fissures sur la maison d'habitation dont il était propriétaire est liée à l'opération de travaux publics ordonnée par la commune d'Ambérieu-en-Bugey consistant en la démolition de bâtiments adjacents ; la responsabilité de la commune est ainsi engagée du fait de ces travaux à l'égard desquels il a la qualité de tiers ;
- il a droit à la somme de 25 643,73 euros hors taxes au titre des travaux de reprise en sous-oeuvre et de remise en état à effectuer tels qu'ils ont été évalués par l'expert ;
- il a subi un préjudice de jouissance à hauteur de la somme de 1 825 euros, dont 1 500 euros depuis l'apparition des désordres et 325 euros du fait des travaux de remise en état ;
- il a droit à la somme de 1 500 euros au titre de troubles dans ses conditions d'existence induits par les désordres ;
- il convient de déduire de ces sommes la provision qui lui a été allouée par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon ;
- les préjudices de jouissance et les troubles dans les conditions d'existence, constatés par l'expert, sont sans rapport avec les réparations à entreprendre ;
- il justifie avoir réalisé l'intégralité des travaux préconisés par l'expert avant la vente de sa propriété, intervenue en février 2017.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2020, la commune d'Ambérieu-en-Bugey, représentée par Me E..., conclut à ce que la somme due à M. D... soit limitée à hauteur de 1 413,50 euros et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Elle soutient que :
- les travaux de fourniture et pose d'un poêle à granulé et de pose d'un nouveau chéneau sont sans lien avec les dommages imputés aux travaux de la commune ;
- seules la réalisation d'une tranchée et la pose d'un drain, pour un montant de 5 654 euros, présentent un lien avec les dommages en cause ;
- le bon de livraison de béton produit par le requérant est dépourvu de valeur probante quant au montant payé dès lors qu'il ne constitue pas une facture ;
- le requérant n'apporte aucun élément à l'appui des préjudices de jouissance et de troubles dans les conditions d'existence dont il fait état ;
- compte tenu de l'état de fragilité de l'immeuble, elle ne peut être condamnée qu'à une fraction des dépenses liées aux travaux préconisés par l'expert et réalisés ;
- il résulte de l'acte de vente, postérieur à l'ordonnance de référé provision, que seuls quelques travaux étaient nécessaires à la reprise des désordres et à l'amélioration des fondations de l'immeuble ;
- la fragilité et la vulnérabilité de la construction ont contribué à la survenue des dommages ; les désordres eux-mêmes ont pour cause, en partie, l'état initial de la construction ;
- les dépenses dont M. D... justifie correspondent à des travaux de reprise en sous-oeuvre qui viennent non seulement corriger les désordres mais également améliorer un immeuble qui connaissait lui-même des désordres avant les travaux, en créant des fondations et un drain ;
- seule une fraction au plus de 25 % du coût des travaux établis, soit une somme de 1 413,50 euros, peut être laissée à sa charge.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la commune d'Ambérieu-en-Bugey.
Considérant ce qui suit :
1. En vue du réaménagement de la rue de Gerland, la commune d'Ambérieu-en-Bugey a procédé, au cours de l'année 2010, à des travaux consistant en la démolition de bâtiments contigus à une maison d'habitation, dont M. D... était alors propriétaire. Estimant que cette opération de travaux publics a été à l'origine de désordres affectant cet immeuble, M. D... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lyon d'une demande d'expertise, qui a été ordonnée le 8 janvier 2014. L'expert a remis son rapport le 2 octobre 2014. Par une ordonnance du 15 octobre 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, saisi par M. D... sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, a condamné la commune d'Ambérieu-en-Bugey à lui verser une somme provisionnelle de 17 000 euros au titre du préjudice non sérieusement contestable résultant de la nécessité d'effectuer des travaux de confortement du mur pignon de sa maison. Par un jugement au fond du 5 mars 2019, ce même tribunal a rejeté la demande indemnitaire de M. D... au motif que les préjudices allégués n'étaient pas établis. Le requérant relève appel de ce jugement.
Sur la responsabilité de la commune d'Ambérieu-en-Bugey sur le fondement des dommages de travaux publics :
2. Le maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public. L'entrepreneur dont la responsabilité est recherchée par la victime d'un dommage ne peut dégager celle-ci que s'il établit que le dommage résulte de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.
3. M. D... fait valoir que des fissures présentes dans la cuisine de sa maison, à l'intérieur et à l'extérieur du pignon est et une fissure horizontale sur la façade sud, sont la conséquence des travaux de démolition du bâtiment contigu à cette maison réalisés en 2010 pour le compte de la commune d'Ambérieu-en-Bugey. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, que les fissures rappelées ci-dessus, apparues dans leur totalité après la démolition du bâtiment mitoyen, ont un lien avec les travaux de démolition effectués pour le compte de la commune en ce que, d'une part, le mur de refend situé à l'est de l'immeuble de M. D..., qui séparait les deux bâtiments contigus, est devenu un mur pignon, le rendant désormais sensible aux intempéries d'autant qu'il ne dispose pas de fondation, et, d'autre part, ces travaux ont eu pour effet de supprimer, dans le bâtiment démoli, deux niveaux de planchers qui assuraient le contreventement de ce mur de refend en l'absence de solidarité entre les deux murs pignons de l'immeuble de M. D.... Si la commune d'Ambérieu-en-Bugey fait valoir que la fragilité et la vulnérabilité de la construction, relevées par l'expert et tirées de l'insuffisance des fondations du mur pignon et de l'absence de liaison entre les pignons, ont contribué à l'apparition des désordres, il ne résulte pas de l'instruction et n'est au demeurant pas soutenu par la commune que ces circonstances seraient imputables à une faute de M. D.... Par suite, le lien de causalité entre les fissures en cause, qui présentent un caractère accidentel, et la démolition pour le compte de la commune du bâtiment contigu est établi.
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne les travaux de reprise :
4. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, qu'il ne peut être remédié aux fissures en lien avec la démolition du bâtiment contigu qu'en restaurant la stabilité du pignon est de l'immeuble par la réalisation de fondations hors gel à ce pignon et par la mise en place de trois tirants entre les pignons est et ouest afin de compenser la suppression du contreventement assuré auparavant par les planchers démolis. En outre, des travaux de finition de rebouchage des fissures, de reprise de l'enduit et de remise en peinture des murs concernés doivent être réalisés. Ces travaux de reprise ont été évalués par l'expert, dans leur ensemble, à la somme de 25 643,73 euros hors taxes.
5. Toutefois, ainsi que le fait valoir la commune en défense, les travaux préconisés par l'expert auront pour effet, indépendamment du fait de remédier aux dommages causés par la démolition du bâtiment adjacent, d'apporter une amélioration à la solidité de l'immeuble par la création de fondations à un mur qui n'en possédait pas jusqu'alors. Il sera fait une juste appréciation de la plus-value apportée à l'ouvrage par la réalisation de ces fondations, en la fixant à 20 % du coût des travaux de sous-oeuvre.
6. D'autre part, si la reconnaissance du caractère indemnisable d'un préjudice n'est pas subordonnée à l'avance préalable, par la victime, des frais correspondant à la réparation des dommages en cause, il résulte toutefois de l'instruction que M. D... a vendu l'immeuble en cause le 14 février 2017. Compte tenu de cette circonstance, et alors que le requérant ne démontre pas, ni même n'allègue, que le prix de vente de ce bien immobilier aurait été affecté à raison des travaux de reprise destinés à remédier au dommage, M. D... ne peut être indemnisé qu'à hauteur du coût de ces travaux qu'il justifie avoir réalisés avant la vente, dans la limite de la somme énoncée aux points 4 et 5.
7. M. D... produit, pour la première fois en appel, une facture du 18 octobre 2016 mentionnant la réalisation de travaux de percement d'une tranchée et de pose d'un drain, pour un montant de 5 654 euros. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté par la commune, que ces travaux de maçonnerie, qui sont de nature à assurer le drainage des eaux pluviales à la base du mur, comme le préconisait l'expert, participent des travaux de sous-oeuvre nécessaires pour mettre fin aux infiltrations. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux de pose d'un chéneau en façade, mentionnés dans la même facture, ni ceux de fourniture et de pose d'un poêle à granulé, pour lesquels M. D... produit une seconde facture, et qui ne sont pas notamment au nombre des travaux énoncés par l'expert, auraient été indispensables, ni même nécessaires, pour remédier au dommage. En outre, M. D..., qui indique avoir réalisé lui-même les travaux de réalisation de fondations hors gel préconisés par l'expert, ne justifie pas, malgré une mesure d'instruction en ce sens, du coût des matériaux correspondants en se bornant à produire deux bons de livraison de béton sur lesquels un prix apparaît sous forme d'une mention manuscrite surajoutée dépourvue de caractère probant.
8. Par suite, compte tenu de la plus-value apportée à l'ouvrage par la réalisation des travaux de drainage, le préjudice matériel résultant pour M. D... de l'exécution des travaux de reprise s'élève à la somme de 4 523,20 euros. Il y a lieu de mettre cette somme à la charge de la commune d'Ambérieu-en-Bugey.
En ce qui concerne le préjudice de jouissance et les troubles dans les conditions d'existence :
9. Il résulte de l'instruction que M. D... a été contraint d'engager une procédure juridictionnelle et d'assister aux réunions des opérations de l'expertise et que les désordres énoncés au point 3 ont entraîné une gêne pour l'intéressé dans la jouissance de son bien, en particulier durant la période d'exécution des travaux de reprise, d'une durée estimée par l'expert à un mois. M. D... est, par suite, fondé à demander à être indemnisé à hauteur d'une somme de 500 euros au titre des troubles de jouissance et autres troubles dans les conditions d'existence entraînés pour lui par les dommages subis par sa propriété.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Ambérieu-en-Bugey à lui verser une indemnité en réparation des préjudices résultant des désordres subis par sa maison en raison de la démolition, ordonnée par cette commune, d'un bâtiment vétuste contigu. La commune d'Ambérieu-en-Bugey est condamnée à verser à M. D... une somme de 5 023,20 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif, le 20 septembre 2017.
Sur les frais liés au litige :
11. D'une part, il y a lieu de mettre à la charge définitive de la commune d'Ambérieu-en-Bugey les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 5 904,25 euros par ordonnance du 18 novembre 2014 du président du tribunal administratif de Lyon.
12. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Ambérieu-en-Bugey le versement à M. D... d'une somme de 1 000 euros le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1709046 du 5 mars 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La commune d'Ambérieu-en-Bugey est condamnée à verser à M. D... une somme de 5 023,20 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2017.
Article 3 : Les frais de l'expertise, taxés à la somme de 5 904,25 euros, sont mis à la charge de la commune d'Ambérieu-en-Bugey.
Article 4 : La commune d'Ambérieu-en-Bugey versera à M. D... une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à la commune d'Ambérieu-en-Bugey.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021.
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N° 19LY01680