Procédure devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée le 23 février 2021 sous le n° 21LY00574, et un mémoire complémentaire enregistré le 21 avril 2021, Mme B... A... épouse D..., représentée par Me Robin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 janvier 2021 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er juillet 2020 du préfet de la Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " et, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation administrative dans le délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'une erreur de fait ;
- la décision méconnaît le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle doit pouvoir se maintenir sur le territoire français après de ses trois enfants mineurs de son époux dont l'état de santé nécessite impérativement la poursuite de soins et justifie de la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne l'admettant pas au séjour au titre de son pouvoir de régularisation ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs sur le refus d'admission au séjour ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrance d'un titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré 6 avril 2021, la préfète de la Loire conclut au rejet de la requête.
Elle expose que :
- la requête n'apporte aucun élément susceptible de remettre en cause le jugement attaqué ; aucun élément du dossier ne pouvait, à la date de la décision, la conduire à considérer que M. D... avait entendu solliciter son admission au séjour en qualité d'étranger malade, dès lors qu'il n'a fourni aucun élément médical circonstancié avant la décision en litige ; l'argument tiré de la difficulté d'accès aux soins pour raison économique sera écarté faute de précision ;
- les décisions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de Mme D....
II - Par une requête, enregistrée le 26 février 2021 sous le n°21LY00624, Mme B... A... épouse D..., représentée par Me Robin, demande à la cour :
1°) de surseoir à statuer à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 janvier 2021 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 48 heures à compter de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le jugement est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables en cas d'exécution du jugement.
Par un mémoire, enregistré le 6 avril 2021, la préfète de la Loire conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- aucun élément sérieux n'est apporté susceptible de remettre en cause le sens du jugement attaqué ;
- Mme D... ne démontre pas l'urgence de sa situation.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2020.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
Sur la jonction des requêtes :
1. Les requêtes susvisées de Mme D... tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement. Elles ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la requête n° 21LY00573 :
2. M. C... D... et Mme B... A... épouse D..., ressortissants algériens nés respectivement le 6 novembre 1973 et le 12 mars 1979, sont entrés en France le 12 avril 2012 sous couvert d'un visa de court séjour accompagnés de leur enfant. Mme A... épouse D... s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français après expiration de son visa. Les époux ont sollicité le bénéfice de l'asile et par deux arrêtés du 30 juillet 2014, le préfet de la Loire a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 15 mai 2017, Mme A... épouse D... a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour en vue d'obtenir la délivrance d'un premier titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou " travailleur temporaire " sur le fondement des articles 6-5, 7-b) et e) de l'accord franco-algérien susvisé et le cas échéant un titre de régularisation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 1er juillet 2020, le préfet de la Loire a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision et a fixé le pays de renvoi en exécution de la mesure d'éloignement. Mme A... épouse D... relève appel du jugement du 29 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juillet 2020.
En ce qui concerne la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. Le préfet, qui n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, a suffisamment motivé son refus d'admettre à titre exceptionnel Mme A... épouse D... au séjour sur l'ensemble des fondements invoqués dans sa demande de titre de séjour.
4. La circonstance que la décision attaquée ne mentionne pas le récépissé dont son époux était titulaire l'autorisant à travailler, et ne fait état ni de l'état de santé de celui-ci ni de ce qu'il exerçait une activité professionnelle n'est pas de nature à établir que la décision refusant l'admission au séjour à Mme A... épouse D... serait, pour ce motif, entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ou d'une erreur de fait. Les moyens invoqués doivent, par suite, être écartés.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ". Selon les termes de l'article 6, 5) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
6. Mme A... épouse D... revendique son intégration en se prévalant de sa présence en France depuis huit années à la date de la décision litigieuse, en faisant valoir qu'elle réside avec son époux, en situation irrégulière, qui exerce une activité professionnelle, et ses enfants, scolarisés, et qu'elle dispose sur le territoire français d'attaches familiales nombreuses. Toutefois, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, les circonstances invoquées au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de la décision litigieuse ne sont pas de nature à démontrer qu'en rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, le préfet aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien susvisé et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En se bornant à invoquer la scolarisation de ses enfants sur le territoire français, Mme A... épouse D..., dont les demandes d'admission au séjour en France ont systématiquement été rejetées n'est pas fondée à soutenir que la décision préfectorale, qui n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer les enfants de leurs deux parents en situation irrégulière sur le territoire français, aurait été prise en méconnaissance des stipulations de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
8. Pour les mêmes motifs, l'autorité administrative n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de la requérante en refusant son admission au séjour à titre exceptionnel.
9. Au soutien de sa contestation du refus opposé par le préfet à sa demande de délivrance d'un certificat de résident portant la mention " vie privée et familiale " Mme A... épouse D... se prévaut de la minorité de ses enfants et de l'état de santé de son époux et de la nécessité pour le juge de l'excès de pouvoir de vérifier au vu de l'avis émis par le collège de médecins que sa décision de refus d'admission au séjour n'est pas susceptible d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de son époux et notamment d'apprécier la nature et la gravité des risques qu'entrainerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont il est originaire. Elle soutient que le défaut effectif d'accès à un traitement approprié à son état de santé justifie que son époux soit admis au séjour en qualité d'algérien malade sur le fondement des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien susvisé et qu'elle bénéficie pour sa part d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". A supposer que Mme A... épouse D... entende, ce faisant, exciper, à l'encontre de la décision litigieuse, de l'illégalité du refus d'admission au séjour de son époux sur le fondement des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en se prévalant de l'absence d'accès effectif en Algérie aux soins que l'état de santé de son époux requiert et dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le moyen manque en fait dès lors que, par un arrêt du même jour, la cour constate que celui-ci n'a pas sollicité son admission au séjour sur le fondement de ces stipulations et qu'en, conséquence, en l'absence d'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ou d'éléments suffisamment probants, il ne ressort pas des pièces du dossier que son époux remplirait les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en raison de son état de santé.
10. Pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant, par la décision contestée, son admission exceptionnelle au séjour, le préfet aurait méconnu son pouvoir de régularisation et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... épouse D... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... épouse D... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et de celle l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme A... épouse D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées à l'encontre de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur la requête n° 21LY00624 :
15. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de Mme A... épouse D... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 20LY00624 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a plus lieu, par suite, d'y statuer.
16. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans la requête 21LY00624 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21LY00624 tendant au sursis à l'exécution du jugement attaqué.
Article 2 : La requête n° 21LY00574 de Mme A... épouse D... et le surplus des conclusions de la requête n°21LY00624 sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Loire .
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.
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N° 21LY00574 ...