Par une requête enregistrée le 24 avril 2019, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800939 du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lyon.
Il soutient que :
- les faits retenus par la CNAC doivent être regardés comme incompatibles avec la profession d'agent de sécurité privée ; le refus de renouvellement par la CNAC de la carte professionnelle de M. C... était ainsi justifié ;
- les moyens soulevés par M. C... devant les premiers juges ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 août 2019, M. C..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les faits reprochés, isolés et anciens, ne justifiaient pas l'absence de renouvellement de sa carte professionnelle ;
- la prise en compte par la CNAC de sa condamnation pénale du 27 septembre 2011 prive d'effet l'arrêt de la Cour d'appel de Douai du 18 décembre 2015 qui a exclu cette condamnation du bulletin n° 2 de son casier judiciaire.
Par ordonnance du 24 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 3 mars 2020.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant le CNAPS, et de Me B..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Titulaire d'une carte professionnelle d'agent privé de sécurité délivrée en novembre 2010, M. C... en a sollicité le renouvellement à son échéance en novembre 2015. Après s'être vu opposer un premier refus, M. C... a réitéré sa demande. Un nouveau refus lui a été opposé par une délibération de la commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) Sud-Est du 5 juillet 2017. L'intéressé a saisi la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) auprès du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) d'un recours administratif préalable obligatoire à l'encontre de cette décision. Par une délibération du 14 décembre 2017, celle-ci a rejeté ce recours. Le CNAPS relève appel du jugement du 2 avril 2019 par lequel, à la demande de M. C..., le tribunal administratif de Lyon a annulé cette délibération.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes " et aux termes de l'article L. 612-20 de ce code : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : 1° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées que lorsqu'elle est saisie d'une demande de délivrance d'une carte professionnelle pour l'exercice de la profession d'agent privé de sécurité, l'autorité administrative compétente procède à une enquête administrative. Cette enquête, qui peut notamment donner lieu à la consultation du traitement automatisé de données à caractère personnel mentionné à l'article R. 40-23 du code de procédure pénale, vise à déterminer si le comportement ou les agissements de l'intéressé sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat, et s'ils sont ou non compatibles avec l'exercice des fonctions d'agent privé de sécurité. Pour ce faire, l'autorité administrative procède, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à une appréciation globale de l'ensemble des éléments dont elle dispose. A ce titre, si la question de l'existence de poursuites ou de sanctions pénales est indifférente, l'autorité administrative est en revanche amenée à prendre en considération, notamment, les circonstances dans lesquelles ont été commis les faits qui peuvent être reprochés au pétitionnaire ainsi que la date de leur commission.
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter le recours administratif préalable obligatoire de M. C..., la CNAC s'est fondée sur des faits d'agression sexuelle et d'exhibition sexuelle commis par l'intéressé le 26 décembre 2010, lesquels ont donné lieu à un jugement du tribunal de grande instance de Béthune du 27 juillet 2011 le condamnant pour ces faits à une peine de sept mois d'emprisonnement avec sursis. Le CNAPS produit, pour la première fois en appel, l'enquête administrative réalisée le 10 mai 2017 par ses services et qui comporte notamment un rapport des services de police détaillant les faits incriminés. Il ressort de ce rapport que ces faits particulièrement insistants d'agression et d'exhibition sexuelles ont été commis par M. C... sur son lieu de travail, à l'encontre de l'une de ses collègues, laquelle a été contrainte de repousser l'intéressé puis, devant la persistance de ses agissements, de faire usage de gaz lacrymogène et de se défendre à l'aide de son chien pour faire cesser l'agression en cause. M. C... ne conteste pas la matérialité de ces faits d'atteinte à la personne, tels qu'ils résultent de l'enquête administrative, qui sont d'une particulière gravité et de nature à remettre en cause la capacité de l'intimé à conserver sa dignité et son sang-froid en toutes circonstances et à intervenir avec le calme requis dans les situations parfois tendues et conflictuelles auxquelles un agent de sécurité est susceptible d'être confronté. Eu égard à leur nature, et malgré la circonstance qu'ils sont isolés et dataient de près de sept ans au moment de la décision en litige, ces faits doivent être regardés comme révélant un comportement contraire aux bonnes moeurs qui n'est pas compatible avec l'exercice d'une activité privée de sécurité. La circonstance que la mention de la condamnation de M. C... par le tribunal de grande instance de Béthune a été radiée du bulletin n° 2 du casier judiciaire ne faisait pas obstacle à sa prise en compte par la CNAC en vue d'apprécier si l'intéressé satisfaisait aux conditions définies au 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure. Par suite, en estimant que M. C... ne remplissait pas les conditions posées à cet article, la CNAC n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions.
5. Le CNAPS est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a estimé que la délibération du 14 décembre 2017 de la CNAC était entachée d'une erreur d'appréciation et a retenu ce motif pour annuler la délibération du 14 décembre 2017.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C..., devant le tribunal administratif et devant la cour.
Sur les autres moyens soulevés par M. C... :
7. En premier lieu, si M. C... soutient que la délibération de la CNAC est entachée d'irrégularité en ce qu'elle ne fait pas mention du nombre de ses membres ayant voté en faveur du refus de renouvellement de sa carte professionnelle, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose une telle formalité, notamment pas celles de l'article R. 632-12 du code de la sécurité intérieure selon lesquelles les décisions de cette commission " sont prises à la majorité des membres présents ou représentés ".
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ".
9. L'obligation instituée par les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable à une décision relative à la délivrance d'une carte professionnelle en qualité de d'agent de sécurité privée prise sur demande présentée par l'intéressé lui-même, qui est au nombre des exceptions prévues par ces dispositions. Par suite, M. C... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir qu'il n'a pas été mis à même à faire valoir ses observations avant l'intervention de la délibération de la CLAC Sud-Est du 5 juillet 2017.
10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, la délibération contestée n'est pas entachée d'une erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le CNAPS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération du 14 décembre 2017 rejetant le recours administratif préalable obligatoire formé par M. C....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1800939 du 2 avril 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Conseil national des activités privées de sécurité et à M. E... C....
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 octobre 2020.
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N° 19LY01604