Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 21 février 2018, le conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers de Nièvre Saône-et-Loire, représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 mars 2016 proclamant les résultats du concours sur titres d'infirmiers en soins généraux organisé par le centre hospitalier spécialisé de Sevrey ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé de Sevrey le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il justifie d'un intérêt et d'une qualité pour agir à l'encontre du jugement contesté ;
- en vertu des articles 3 et 5 de l'arrêté du 6 juin 2013 pris en application de l'article 8 du décret n° 2013-121 du 6 février 2013 et fixant la nature des épreuves et les règles d'organisation générale des concours réservés pour l'accès au corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés de la fonction publique hospitalière, applicables au litige, d'une part, et de l'article L. 4311-15 du code de la santé publique, d'autre part, le centre hospitalier spécialisé de Sevrey devait s'assurer au préalable de l'inscription des infirmiers admis au tableau de l'ordre, les dispositions de l'article L. 4311-15 étant applicables même en l'absence de dispositions réglementaires ;
- cette obligation fait partie, en application des dispositions de l'article 31 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, des conditions requises pour concourir ;
- à supposer que les dispositions du décret n° 2010-1139 du 29 septembre 2010 trouvent à s'appliquer en l'espèce, même en l'absence de publication d'un arrêté permettant de fixer les modalités d'organisation du concours, la vérification de l'inscription au tableau de l'ordre des infirmiers s'imposait au centre hospitalier spécialisé, indépendamment des qualifications requises par l'article 6 de ce décret.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 janvier 2018, le centre hospitalier spécialisé de Sevrey conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers de Nièvre Saône-et-Loire en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers de Nièvre Saône-et-Loire ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 21 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2010-1139 du 29 septembre 2010 ;
- le décret n° 2013-121 du 29 septembre 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François-Xavier Pin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Marie Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant le conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers de Nièvre Saône-et-Loire, et de Me B..., représentant le centre hospitalier spécialisé de Sevrey.
Considérant ce qui suit :
1. Le centre hospitalier spécialisé de Sevrey a ouvert, en 2016, un concours sur titres en vue du recrutement de six infirmiers en soins généraux. Par une délibération du 24 mars 2016, le jury de ce concours a fixé la liste principale et la liste complémentaire des candidats admis. Le conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers de Nièvre Saône-et-Loire relève appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 du décret du 29 septembre 2010 portant statut particulier du corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés de la fonction publique hospitalière : " Le recrutement dans le premier grade intervient à la suite d'un concours sur titres ouvert, dans chaque établissement, aux candidats titulaires soit d'un titre de formation mentionné aux articles L. 4311-3 et L. 4311-5 du code de la santé publique, soit d'une autorisation d'exercer la profession d'infirmier délivrée en application de l'article L. 4311-4 du même code. ". L'article 4 du même décret dispose qu'" un arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la fonction publique fixe les règles de composition du jury et les modalités d'organisation des concours prévus aux articles 6, 7 ,8, 20 et 23. ".
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des visas de la décision du chef d'établissement du 13 janvier 2016 fixant la " composition du jury du concours sur titres d'infirmier en soins généraux " et des mentions portées sur la délibération arrêtant la liste des candidats admis, que le centre hospitalier spécialisé de Sevrey a décidé de procéder à un recrutement dans le premier grade d'infirmiers en soins généraux en ouvrant un concours sur titres sur le fondement des dispositions précitées de l'article 6 du décret du 29 septembre 2010. En l'absence d'intervention de l'arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la fonction publique prévu par les dispositions de l'article 4 de ce décret, le centre hospitalier a décidé d'organiser ce concours selon les modalités prévues par les dispositions de l'arrêté du 6 juin 2013 pris en application de l'article 8 du décret n° 2013-121 du 6 février 2013 et fixant la nature des épreuves et les règles d'organisation générale des concours réservés pour l'accès au corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés de la fonction publique hospitalière. Le conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers de Nièvre Saône-et-Loire, qui dans ses écritures ne conteste pas que l'arrêté du 6 juin 2013 n'était pas applicable à l'organisation d'un concours sur titres, ne peut utilement soutenir que le centre hospitalier, dans l'application qu'il a cru devoir en faire, a méconnu ses articles 3 et 5. Au surplus, la circonstance que l'épreuve orale d'admission définie aux articles 3 et 5 de l'arrêté du 6 juin 2013 soit fondée sur la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle des candidats, n'imposait pas, par elle-même, contrairement à ce que soutient le conseil interdépartemental de l'ordre, que les infirmiers candidats soient inscrits au tableau de l'ordre.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 4311-15 du code de la santé publique : " Sont tenues de se faire enregistrer auprès du service ou de l'organisme désigné à cette fin par le ministre chargé de la santé les personnes ayant obtenu un titre de formation ou une autorisation requis pour l'exercice de la profession d'infirmière ou d'infirmier, avant leur entrée dans la profession, ainsi que celles qui ne l'exerçant pas ont obtenu leur titre de formation depuis moins de trois ans. (...) Nul ne peut exercer la profession d'infirmier s'il n'a pas satisfait à l'obligation prévue au premier alinéa et s'il n'est pas inscrit au tableau de l'ordre des infirmiers. (....) ". Aux termes de l'article 31 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " (...) Les nominations sont prononcées dans l'ordre d'inscription sur la liste principale puis dans l'ordre d'inscription sur la liste complémentaire. S'il apparaît, au moment de la vérification des conditions requises pour concourir, laquelle doit intervenir au plus tard à la date de nomination, qu'un ou plusieurs candidats déclarés aptes par le jury ne réunissaient pas lesdites conditions, il peut être fait appel, le cas échéant, aux candidats figurant sur la liste complémentaire. (...) ".
5. Le conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers de Nièvre Saône-et-Loire fait valoir que trois des candidats admis sur la liste principale ainsi que trois de ceux inscrits sur la liste complémentaire exerçaient la profession d'infirmier avant même de concourir alors qu'ils ne satisfaisaient pas à l'obligation d'inscription au tableau de l'ordre des infirmiers prévue à l'article L. 4311-15 du code de la santé publique, de sorte que ces candidats n'auraient pas dû être admis à concourir. Toutefois, les dispositions précitées de l'article 31 de la loi du 9 janvier 1986 autorisant l'administration à procéder à la vérification des conditions pour concourir jusqu'à la date de nomination des candidats proclamés admis impliquent nécessairement que les opérations du concours ne sont pas entachées d'illégalité du seul fait de la participation aux épreuves de candidats qui ne rempliraient pas les conditions exigées. Ainsi, à supposer même que l'obligation d'inscription préalable au tableau tenu par l'ordre national des infirmiers soit au nombre des conditions requises pour concourir, sur titres, à un emploi relevant du corps des infirmiers en soins généraux, pour ceux des candidats exerçant déjà la profession d'infirmier, le centre hospitalier pouvait effectuer la vérification de cette condition jusqu'à la date de nomination des candidats. Par suite, le conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers de Nièvre Saône-et-Loire n'est pas fondé à soutenir que la délibération contestée serait illégale de ce fait.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers de Nièvre Saône-et-Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier spécialisé de Sevrey, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés à l'occasion du litige par le conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers requérant.
8. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers de Nièvre Saône-et-Loire une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier spécialisé de Sevrey et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête du conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers de Nièvre Saône-et-Loire est rejetée.
Article 2 : Le conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers de Nièvre Saône-et-Loire versera au centre hospitalier spécialisé de Sevrey une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers de Nièvre Saône-et-Loire et au centre hospitalier spécialisé de Sevrey.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
M. Pin, premier conseiller,
Lu en audience publique le 8 novembre 2019.
2
N° 17LY02900