Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 7 août 2020, Mme A..., représentée par Me Varvier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) avant-dire droit d'ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluer son préjudice corporel suivant la nomenclature Dinthillac, y compris les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux temporaires et permanents ;
3°) de condamner la commune de Vonnas à indemniser son préjudice ;
4°) mettre à la charge de la commune de Vonnas une somme de 2 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices causés par le dommage ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Vonnas une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- elle établit, par la production de l'attestation du responsable de l'espace commercial de la Poste, le lien de causalité entre sa chute devant l'entrée de la poste et la présence du butoir, vestige de l'ancienne porte, dans lequel elle s'est pris le pied en s'avançant vers la boîte aux lettres ;
- le dommage résulte d'un défaut d'entretien de l'ouvrage public, le butoir ayant causé sa chute, d'environ trois centimètres de hauteur, anormalement positionné, en plein milieu d'un passage vers la boîte aux lettres, constitutif d'un obstacle pour tout usager, dangereux car non signalisé et inutile et qui aurait dû être supprimé, ce qui a d'ailleurs été fait dès le lendemain par un employé communal, comme en atteste un employé de la Poste ; l'appréciation du tribunal est à cet égard erronée ; ce faisant, la commune a reconnu être responsable et avoir manqué à son obligation d'entretien de l'ouvrage au détriment des usagers ;
- la responsabilité de la commune est donc établie ;
- à titre subsidiaire, la cour devra retenir le manquement de la commune de Vonnas quant à son obligation de signalisation d'un obstacle de nature à engager sa responsabilité à l'égard de l'usager ; en enlevant immédiatement après la chute ce vestige de l'ancienne porte qui n'avait plus lieu d'être attestant de l'anormalité de son maintien, la commune de Vonnas reconnait sa responsabilité dans le manquement fautif qui ne pouvait relever de la responsabilité du preneur, charge à elle de se retourner contre lui, le cas échéant ;
- la faute ne lui est pas imputable, alors que, âgée, elle établit le caractère anormal et dangereux de la présence de ce butoir qui n'avait plus d'intérêt ;
- il convient d'ordonner une expertise sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative aux fins d'évaluer les préjudices corporels et psychologiques causés par la chute qui a généré un traumatisme des deux poignets et du genou droit, avec immobilisation du poignet gauche pendant plusieurs semaines après divers examens radiographiques ayant rendu nécessaire l'assistance de tierces personnes, et occasionné des frais de santé restés à sa charge ;
- la conciliation qu'elle a tentée ayant échoué, elle est fondée à réclamer la prise en charge par la commune des frais irrépétibles et des entiers dépens.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2021, la commune de Vonnas, représentée par la SCP Reffay et Associés, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme A... au versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle expose que :
- la requérante n'apporte pas la preuve d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage ;
- en sa qualité de bailleur, elle n'était pas responsable des réparations afférentes aux locaux loués, à la charge du preneur, à l'instar du retrait du butoir prétendument mal positionné ;
- la requérante ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre le dommage et le prétendu défaut d'entretien de l'ouvrage ; elle n'a pas versé aux débats la déclaration circonstanciée qu'elle a faite à son assureur quant au déroulement des faits ; les attestations produites par la requérante, qui n'émanent d'aucun témoin direct, ne sont pas probantes ; l'attestation du responsable commercial doit être écartée des débats dès lors que celui-ci n'était pas présent sur les lieux lors du sinistre ;
- le sinistre allégué par la requérante résulte de sa seule faute ; elle n'a pas fait preuve de prudence, alors qu'elle connaissait parfaitement les lieux, le bureau de poste étant situé à proximité de son domicile, et ne pouvait ignorer la présence du butoir lequel est parfaitement visible ; aucun évènement identique n'a été rapporté, relativisant le caractère anormal et gênant du butoir qui n'a fait l'objet d'aucun signalement à ce titre jusqu'alors ;
- la responsabilité de la commune de Vonnas, ne peut, par suite, être engagée ;
- sa mise en cause étant contestée et contestable, aucune expertise avant-dire droit ne sera ordonnée ;
- la demande de provision n'est justifiée ni en droit, ni en fait, ni dans son montant ; les pourparlers engagés par Mme A... avec l'assureur ont échoué en raison de l'abstention de cette dernière à fournir à l'assureur de la commune, les documents nécessaires à l'évaluation de son intervention et/ou de l'étendue de sa garantie.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la santé publique ;
- le code des travaux publics ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Cécile Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., alors âgée de soixante-douze ans, a été victime d'une chute sur la voie publique sur le passage conduisant à la boîte aux lettres extérieure du bureau de poste de la commune de Vonnas, le 18 janvier 2018 vers 11 heures 15. Cette chute lui a causé une fracture du poignet gauche et un traumatisme au niveau du poignet et du genou droit. Imputant sa chute à la présence d'un butoir de porte sur le passage conduisant à la boîte aux lettres, Mme A... a, par courrier du 25 septembre 2018, adressé une réclamation préalable à la commune de Vonnas aux fins d'obtenir réparation de ses préjudices, estimant sa responsabilité engagée à raison d'un défaut d'entretien de l'ouvrage public. Elle a ensuite saisi le tribunal administratif de Lyon du rejet implicite de cette réclamation indemnitaire. Par le jugement dont elle relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que, d'une part, la commune de Vonnas soit déclarée responsable du dommage et l'indemnise des préjudices résultant de sa chute, d'autre part, à ce que le juge ordonne avant-dire droit une expertise médicale aux fins d'établir l'étendue de ses préjudices, et, enfin, condamne la commune de Vonnas à lui verser une provision de 2 000 euros.
2. Pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'il a subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, l'usager d'un ouvrage public doit démontrer devant le juge, d'une part, la réalité de son préjudice, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.
3. Mme A... recherche la responsabilité de la commune de Vonnas dans la survenue du dommage qu'elle impute à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public à raison de la présence d'un butoir, selon elle inutile et dangereux faute de signalisation, probable vestige d'une ancienne porte, qui aurait dû être enlevé.
4. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'en l'absence de description circonstanciée des faits, Mme A..., par les seuls témoignages et attestations qu'elle produit eu égard à leur caractère insuffisamment probant, ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité direct entre la chute dont elle se prévaut et le butoir, dont la hauteur ne dépassait pas, aux dires de la requérante elle-même, trois centimètres. Faute pour l'usager, victime du dommage, d'apporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage dont elle se plaint, la responsabilité de la commune de Vonnas ne peut être retenue.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que soit, avant-dire droit, ordonnée une expertise et que la commune de Vonnas soit condamnée à lui verser une provision ainsi qu'une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens doivent être rejetées.
6. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées par la commune de Vonnas sur ce même fondement ainsi que celles tendant à la condamnation de Mme A... aux entiers dépens, doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la commune de Vonnas est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la commune de Vonnas, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président-assesseur,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.
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N° 20LY02211