Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2020 et un mémoire enregistré le 11 août 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1808102-2000974 du 16 juin 2020 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 27 janvier 2020 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 27 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", ou subsidiairement, d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler dans le même délai, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire et l'a privé d'une garantie en procédant d'office à une substitution de motifs qui n'a pas été demandée par le préfet de la Haute-Savoie ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- en ne tenant pas compte de l'ensemble des fondements invoqués à l'appui de sa demande et en limitant l'examen de sa présence sur le territoire français à l'année 2017, le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- le préfet a commis une erreur de fait en estimant qu'il ne justifiait pas d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ;
- le préfet a commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte les pièces attestant de sa présence sous une fausse identité ;
- les stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues ;
- les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- et les observations de Me C..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 15 septembre 1974, est entré en France le 4 août 2001. Le 3 octobre 2017, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 27 janvier 2020, le préfet de la Haute-Savoie a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 juin 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du 27 janvier 2020.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, M. B... fait valoir que le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors que les premiers juges ont estimé qu'il ne pouvait pas prétendre à la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 au motif qu'il ne justifiait pas d'une résidence de dix années en France, faute pour lui d'établir le caractère habituel de sa résidence en France au cours des années 2013 et 2014, alors même qu'il ne s'agissait pas d'un des motifs de l'arrêté contesté et qu'aucune substitution de motif n'a été sollicitée en défense ni aucun moyen d'ordre public soulevé à cet égard. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... a présenté une demande de certificat de résidence d'une durée de dix ans sur le fondement de ces stipulations et s'est prévalu de leur méconnaissance devant le tribunal administratif, auquel il appartenait d'examiner si ce moyen était fondé au vu des pièces qui lui étaient soumises, dès lors notamment que le préfet avait estimé, par l'arrêté contesté, que l'intéressé ne remplissait pas les conditions posées par cet article en ce qu'il n'était " pas en mesure de produire suffisamment de justificatifs pour étayer ses dires et établir de façon probante sa présence ininterrompue en France depuis 2001 ". Ce faisant, le tribunal n'a pas, contrairement à ce que soutient M. B..., procédé d'office à une substitution de motifs et n'a dès lors pas entaché son jugement d'irrégularité pour ce motif.
3. En second lieu, le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement en retenant que les pièces d'ordre médical produites au titre des années 2013 et 2014 et les bulletins de paie afférents aux mois d'avril, mai et juin 2014 étaient, à eux seuls, insuffisants pour établir, selon lui, une présence habituelle sur le territoire français au titre de ces deux années et que M. B... ne pouvait ainsi être regardé comme justifiant de dix ans de présence habituelle en France à la date de l'arrêté contesté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, M. B... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré du défaut de motivation de la décision de refus de titre de séjour. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Grenoble.
5. En deuxième lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions de l'arrêté attaqué, que le préfet de la Haute-Savoie a examiné le droit au séjour de M. B..., conformément aux fondements qu'il avait invoqués à l'appui de sa demande, au regard à la fois des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, de la vie privée et familiale de l'intéressé et de son pouvoir de régularisation. D'autre part, si M. B... fait valoir que, pour apprécier la continuité de sa résidence en France depuis plus de dix ans, le préfet aurait dû tenir compte de l'ensemble des pièces en sa possession et non se limiter à celles qu'il avait produites à l'occasion d'un entretien en préfecture le 3 octobre 2017, il ne justifie pas, ni même n'allègue, qu'il aurait produit, au cours de l'instruction de sa demande, d'autres pièces justifiant de sa présence en France au-delà de cette date. Il suit de là qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant.
6. En troisième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : 1) Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
7. M. B... soutient qu'à la date de l'arrêté attaqué, le 27 janvier 2020, il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans, dès lors qu'il est entré sur le territoire national en 2001, qu'il s'y est maintenu depuis lors et qu'il convient de tenir compte de l'ensemble des pièces attestant de sa présence en France, y compris des documents établis à compter de 2015 sous une identité usurpée. Si M. B... a versé en appel des pièces nouvelles permettant d'attester de sa présence en France notamment au cours des années 2013 et 2014, il se borne toutefois à produire, pour justifier de sa présence en France au cours de l'année 2011, un certificat médical du 17 avril 2011, une requête adressée au tribunal administratif de Grenoble en juin 2011 accompagnée de deux courriers du greffe de cette juridiction accusant réception de celle-ci et l'invitant à la régulariser, ainsi qu'un compte rendu d'analyses biologiques du 29 novembre 2011. Ces pièces, eu égard notamment à leur nature et leur faible nombre, si elles attestent d'un séjour ponctuel de M. B... sur le territoire français, notamment pour bénéficier des soins médicaux, sont insuffisantes pour justifier de sa résidence habituelle sur le territoire français durant l'année 2011, alors au demeurant que le préfet, dans ses écritures en première instance, avait plus particulièrement remis en cause la présence en France de l'intéressé avant 2012. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres années, notamment celles au cours desquelles l'intéressé a produit des documents sous couvert d'une usurpation d'identité, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas méconnu le 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni commis d'erreur de fait en estimant que M. B... ne résidait pas en France de manière habituelle depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que si la présence en France de M. B... peut être tenue pour avérée durant des périodes significatives depuis 2012, l'intéressé, âgé de quarante-cinq ans à la date de l'arrêté contesté, est célibataire et sans charge de famille. En dépit de l'ancienneté alléguée de sa présence en France, M. B... s'est borné à produire, pour justifier des liens dont il fait état, des attestations de ses parents et ses soeurs vivant en France, peu circonstanciées et datant de 2013. En outre, M. B... a fait l'objet, en 2013, d'une mesure d'éloignement et a été condamné, le 13 décembre 2019, par le tribunal correctionnel d'Annecy à une peine d'emprisonnement de quatre mois avec sursis pour avoir fait usage d'une carte d'identité frauduleuse de manière habituelle dans les actes de sa vie quotidienne. Il n'établit pas, ni même ne soutient, ne plus avoir de relation avec les membres de sa famille restés en Algérie. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet, en adoptant la décision attaquée, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel cette décision a été prise. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ne peuvent être accueillis. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. B....
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 27 janvier 2020. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
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N° 20LY01822