Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Vernet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- le préfet n'a pas saisi le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 2 mars 2022, le président de la cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur le recours formé par Mme B... contre la décision du 28 avril 2021 du bureau d'aide juridictionnelle rejetant sa demande d'aide juridictionnelle, l'a admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, à hauteur de 25 %.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- et les observations de Me Vernet, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 9 juin 1985, est entrée en France pour la dernière fois le 9 juin 2016. Elle a bénéficié d'un certificat de résidence algérien, délivré sur le fondement du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, valable du 22 décembre 2016 au 21 décembre 2017. Le 20 octobre 2017, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Après avoir examiné la demande dont il était saisi sur le fondement des stipulations du 2 et du 5 de l'article 6 ainsi que de celles de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le préfet du Rhône, par un arrêté du 6 août 2020, a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 26 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si une ressortissante algérienne ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifiées à l'article L. 316-3 de ce code, qui prévoient la délivrance dans les plus brefs délais d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à l'étranger qui, ne présentant pas une menace pour l'ordre public, bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil, en raison des violences exercées au sein du couple, il appartient toutefois au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient alors au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens par une ressortissante algérienne, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée sur la situation personnelle de l'intéressée.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée pour la première fois en France le 10 mars 2016, à l'âge de trente ans, pour y rejoindre son époux, de nationalité française, avec lequel elle s'était mariée en Algérie le 3 septembre 2015. A la suite de la rupture de la communauté de vie, Mme B... a déposé, les 15 et 29 juillet 2016, deux plaintes à l'encontre de son époux et du père de celui-ci à raison des violences qu'elle indique avoir subies de leur part. Toutefois, il est constant que ces deux plaintes ont été classées sans suite par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Mulhouse. En outre, il ressort de l'ordonnance de non-conciliation du 5 août 2016 que Mme B... n'a pas fait état dans le cadre de la procédure de divorce des violences conjugales qu'elle allègue. Au demeurant, à l'occasion de cette procédure, son époux avait indiqué que le mariage avait été contracté à des fins migratoires. Si la requérante produit plusieurs certificats médicaux, dont l'un, daté du 15 janvier 2021 et produit pour la première fois en appel, indique, en se fondant sur les dires de l'intéressée, qu'elle souffre d'une " syringomyélie post-traumatique développée à partir de fin avril 2016 à la suite de traumatismes répétés sur la colonne cervicale perpétrés par son beau-père ", de telles violences ne sauraient, en tout état de cause, être regardées comme des violences exercées au sein du couple. Au surplus, il ressort d'un certificat émanant d'un psychologue, daté du 5 octobre 2021, que la requérante a indiqué être victime de violences " dans le cadre de son travail et de son lieu de vie ". Il suit de là qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait été victime de violences de la part de son époux. Dans ces conditions, le préfet du Rhône n'a pas commis, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée sur la situation personnelle de Mme B....
4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Mme B... soutient qu'elle est intégrée en France, qu'elle maîtrise la langue française, et qu'elle a occupé des emplois en tant qu'agent de service puis d'auxiliaire de vie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, l'intéressée résidait en France depuis quatre ans, après avoir vécu jusque l'âge de trente ans dans son pays d'origine, où résident sa mère et les neuf membres de sa fratrie. Il ressort également des pièces du dossier que Mme B... est séparée de son époux depuis 2016 et que les violences alléguées au sein du couple, ainsi qu'il a été dit au point 3, ne sont pas établies. Il n'est pas établi que son statut de femme divorcée lui interdirait en soi de mener une vie privée normale en Algérie. En outre, si Mme B... justifie avoir travaillé depuis octobre 2016, cette circonstance ne saurait suffire à établir qu'elle aurait noué des liens socio-professionnels d'une particulière intensité sur le territoire national. Enfin, il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux du 14 octobre 2019 et du 24 novembre 2020, qu'à la date de la décision attaquée, l'état de santé de Mme B..., qui au demeurant n'a pas sollicité son admission au séjour sur ce fondement, nécessitait un suivi psychiatrique et psychologique ainsi que la prise d'un traitement antidouleur, dont il n'est pas établi qu'ils ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment eu égard à la durée de séjour de Mme B..., la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît ainsi ni les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions que dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis laissant craindre qu'un étranger en situation irrégulière ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement en raison de son état de santé, l'autorité préfectorale doit préalablement et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
9. Si Mme B... se prévaut d'un certificat médical du 15 janvier 2021 indiquant que son état de santé nécessite une prise en charge neurochirurgicale, il n'est pas établi qu'à la date de la date de la décision attaquée, son état de santé aurait requis de tels soins dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 5, que les certificats médicaux concomitants à la décision litigieuses font seulement état d'un suivi psychiatrique et de la prise d'un traitement contre la douleur. Il n'est pas établi que le défaut d'une telle prise en charge aurait, pour l'intéressée, des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au surplus, il n'est pas davantage établi, par les seules mentions non circonstanciées du certificat du 15 janvier 2021, qu'une prise en charge neurochirurgicale appropriée ne serait pas disponible en Algérie. Par suite, le préfet, qui n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4, n'était pas tenu de recueillir l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avant de prendre l'arrêté contesté.
10. En troisième lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés aux points 3 et 5, les moyens tirés de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée, doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".
12. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant à quatre-vingt-dix jours le délai de départ volontaire, en tenant compte notamment de la situation sanitaire, le préfet du Rhône aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressée.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette mesures d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, Mme B... ne sauraient utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de renvoi.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2022.
Le rapporteur,
F.-X. Pin
Le président,
F. Pourny La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01828