Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 février 2021, M. B..., représenté par Me Andujar, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100058 du 13 janvier 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du préfet du Rhône du 30 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui remettre tout document d'identité ou de voyage en sa possession ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif, en opérant une substitution de base légale et en se substituant ainsi à l'administration, a méconnu le principe de séparation des pouvoirs ;
- la décision d'assignation à résidence est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux et particulier de sa situation ;
- il n'existait pas une perspective raisonnable d'éloignement du fait de l'absence de vols à destination de l'Algérie en raison de l'épidémie de covid-19 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français du 22 mars 2019 prononcée à son encontre, ne pouvait plus être exécutée à la date de la décision d'assignation à résidence de sorte qu'elle est dépourvue de base légale ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., ressortissant algérien né le 30 janvier 1990, également connu sous l'identité de M. A... C..., se disant de nationalité tunisienne né le 30 janvier 1992, a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, pris par le préfet de la Gironde le 22 mars 2019 et dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 juin 2019. Par un arrêté du 20 novembre 2020, le préfet du Rhône a assigné M. B... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours puis, par un arrêté du 30 décembre 2020, a renouvelé cette assignation à résidence pour une nouvelle durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 13 janvier 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du préfet du Rhône du 30 décembre 2020.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. (...) ". Aux termes de l'article R. 776-25 de ce code, applicable en cas d'assignation à résidence : " L'information des parties prévue aux articles R. 611-7 et R. 612-1 peut être accomplie au cours de l'audience ". Selon l'article R. 776-26 de ce code : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience ".
3. D'autre part, aux termes du I de l'article L 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; 6° Doit être reconduit d'office à la frontière en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français (...) ".
4. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
5. Pour rejeter la demande de M. B..., la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a notamment relevé d'office, à l'audience, comme le lui permettaient les dispositions citées au point 2, le moyen tiré de ce que l'assignation à résidence en litige pouvait être légalement fondée sur le 6° du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, au lieu du 5° du I du même article. Ce faisant, le tribunal administratif, après avoir vérifié que les conditions d'une substitution de base légale, telles que rappelées au point précédent, étaient satisfaites, a exercé son office sans porter atteinte, contrairement à ce qui est soutenu, au principe de séparation des pouvoirs. Le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe ne peut, dès lors, qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. En premier lieu, au soutien de ses moyens tirés du défaut de motivation de la décision l'assignant à résidence et du défaut d'examen particulier de sa situation, M. B... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par la magistrate désignée, que la cour fait siens.
7. En deuxième lieu, selon le II de l'article L. 513-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, relatif à l'exécution, notamment, des interdictions de retour sur le territoire français, " l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour (...) peut être d'office reconduit à la frontière ".
8. Il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer le 30 décembre 2020 l'assignation à résidence de M. B..., le préfet du Rhône s'est fondé à tort, ainsi que le relève le requérant, sur les dispositions précitées du 5° du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, dès lors que l'obligation de quitter le territoire français sans délai dont avait fait l'objet le requérant avait été prise plus d'un an auparavant.
9. Toutefois, M. B..., qui, ainsi qu'il a été dit au point 1, a fait l'objet le 22 mars 2019 d'une interdiction de retour d'une durée de deux ans sur le territoire national, était susceptible d'être reconduit d'office à la frontière, en application du II de l'article L. 513-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, il se trouvait dans le cas que prévoient les dispositions, citées au point 3, du 6° du I de l'article L. 561-2 de ce code, alors en vigueur, dans lequel le préfet peut légalement prendre une décision d'assignation à résidence. Cette substitution de base légale, relevée en première instance, n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie, l'administration disposant du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision d'assignation à résidence est privée de base légale doit être écarté.
10. En troisième lieu, il ressort des pièces produites en première instance par le préfet qu'à la date de la mesure d'assignation à résidence attaquée, il existait des liaisons aériennes entre la France et l'Algérie de sorte que M. B... ne démontre pas, en se bornant à se prévaloir de la situation générale liée à la crise sanitaire due à l'épidémie de covid-19, que son éloignement ne demeurait pas à la date de l'arrêté en litige, une perspective raisonnable au sens des dispositions alors en vigueur de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En dernier lieu, M. B..., qui est assigné à résidence dans le département du Rhône, où il réside avec son épouse et leur enfant, ne fait état d'aucune circonstance propre à sa situation qui permettrait d'estimer que le préfet, en prenant à son encontre la mesure contestée d'assignation à résidence avec obligation de se présenter deux fois par semaine au service de la direction zonale de la police aux frontières à Lyon, aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.
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N° 21LY00439