Procédure devant la Cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 juillet 2018 et le 22 novembre 2018, M. B... A..., représenté par Me Borges de Deus Correia, avocat, demande à la cour :
1°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement n° 1803663 du 16 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre les décisions du 25 mai 2018 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et contre l'arrêté du 11 juin 2018 l'assignant à résidence ;
3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 mai 2018 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'arrêté du 11 juin 2018 par lequel le préfet de l'Isère l'a assigné à résidence ;
4°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa demande de titre de séjour en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de travail, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
6°) d'enjoindre au préfet de l'Isère d'effacer son signalement dans le système d'information Schengen dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
7°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le juge de première instance n'a pas répondu au moyen présenté à l'encontre du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français et tiré de ce que ces décisions ont été prises pour un motif déguisé ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision du même jour rejetant sa demande de titre de séjour ; en effet,
- ce refus de titre de séjour méconnaît les stipulations du 1. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, dès lors qu'il justifie d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date des décisions en litige, qu'il a effectué des séjours en Algérie de quelques semaines ou de quelques mois seulement à chaque fois pour des raisons familiales, qu'il a toujours résidé majoritairement en France chaque année et que ces stipulations ne subordonnent nullement la reconnaissance de la résidence habituelle en France à l'exercice d'une activité professionnelle dans ce pays ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, dès lors qu'il justifie d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date des décisions en litige, ayant résidé en situation régulière entre 2006 et 2016 dans ce pays, qu'il y a travaillé en 2008, 2009 et 2010, que l'asthme sévère dont il souffre explique ses difficultés d'accès à l'emploi et a justifié sa demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, qu'il s'investit bénévolement auprès du Secours catholique et qu'il bénéficie du soutien d'un député de l'Isère ;
- l'obligation de quitter le territoire français contestée méconnaît le 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie d'une résidence régulière et habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de cette décision ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
s'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
s'agissant de l'assignation à résidence,
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'obligation de se présenter deux fois par semaine au commissariat de police de Grenoble constitue, au vu de sa formation professionnelle et de son investissement associatif, une entrave excessive à son droit à mener une vie privée te familiale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Drouet, président-rapporteur.
Considérant ce qui suit :
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
1. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'admettre, à titre provisoire, M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des termes du mémoire introductif de première instance de M. A... que celui-ci n'a pas présenté dans ses écritures devant le tribunal administratif de moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ont été pris pour un motif déguisé. Il ne ressort pas des mentions du jugement attaqué que l'avocat de M. A... ait soulevé ce moyen à l'audience publique au cours de laquelle l'affaire a été appelée. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité faute pour le juge de première instance d'avoir répondu à ce moyen.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, M. A... excipe à l'encontre de cette décision du 25 mai 2018 de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé le même jour.
4. D'une part, aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / 1. Au ressortissant algérien qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ".
5. Si M. A... a séjourné régulièrement en France entre le 12 novembre 2007 et le 17 novembre 2015 sous couvert de certificats de résidence d'un an portant la mention " salarié ", il ressort des mentions de son passeport qu'il a effectué de nombreux séjours de plusieurs mois, en 2014, 2015 et 2016, en Algérie, pays où résident son épouse et ses deux enfants nés respectivement en mai 2011 et en novembre 2014. Il n'établit pas, par les éléments qu'il produit, sa présence habituelle en France en 2010, année de son mariage en Algérie, ni en 2011, année de naissance de son premier enfant, ni en 2013. Dans ces conditions, il ne justifie pas, au 25 mai 2018, date du refus de titre de séjour contesté, d'une résidence en France depuis plus de dix ans. Par suite, doit être écarté comme non fondé le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 1. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.
6. D'autre part, si M. A..., ressortissant algérien né le 25 novembre 1973, a bénéficié entre le 12 novembre 2007 et le 17 novembre 2015 de certificats de résidence d'un an portant la mention " salarié ", il ne justifie pas, à la date du refus de titre de séjour litigieux, d'une résidence en France depuis plus de dix ans, ainsi qu'il a été dit au point précédent. Il est constant qu'il ne dispose d'aucune attache familiale en France, alors que résident en Algérie son épouse, ses deux enfants mineurs, ses parents et ses neuf frères et soeurs. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5 du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 25 mai 2018.
8. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... ne justifie pas, au 25 mai 2018, date de l'obligation de quitter le territoire français en litige, d'une résidence en France depuis plus de dix ans. Par suite, doit être écarté comme non fondé le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 6, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
10. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 6, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 9 que M. A... n'est pas fondée à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
12. En second lieu, si M. A... s'investit bénévolement auprès d'une association caritative, il ne démontre pas que l'obligation, prescrite par l'assignation à résidence litigieuse, de se présenter deux fois par semaine au commissariat de police de Grenoble, entrave l'exercice par lui de cette activité bénévole. Il est constant qu'à la date de la décision en litige, il n'exerce pas d'activité professionnelle et ne dispose d'aucune attache familiale en France. Dans ces conditions, la décision d'assignation à résidence contestée, en ce qu'elle l'oblige à se présenter deux fois par semaine au commissariat de police de Grenoble, ne porte pas au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et, ainsi, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre les décisions du 25 mai 2018 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et contre l'arrêté du 11 juin 2018 l'assignant à résidence. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles à fin de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
DÉCIDE :
Article 1er : M. A... n'est pas admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Borges de Deus Correia et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :
M. Drouet, président de la formation de jugement,
Mme Cottier, premier conseiller,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 juillet 2019.
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N° 18LY02540