2°) de dire que les défendeurs doivent accepter la neutralisation des voies ferrées pendant la durée des travaux de réfection de leur maison.
Par un jugement n° 1306964 du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a condamné SNCF Réseau à verser une indemnité de 7 432,93 euros à M. et MmeA..., assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2013, a mis les frais d'expertise à la charge de SNCF Réseau et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 décembre 2016 et des mémoires complémentaires, enregistrés le 20 août 2017 et le 25 septembre 2018, M. et Mme A...demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 octobre 2016 en tant qu'il a limité leurs prétentions indemnitaires à la somme de 7 432, 93 euros ;
2°) de condamner SNCF Réseau à leur verser la somme de 259 035,82 euros en réparation des préjudices subis du fait de la réalisation de travaux publics et du fait de la présence et du fonctionnement d'un ouvrage public, somme assortie des intérêts moratoires à compter de la présente demande ;
3°) de dire que SNCF Réseau doit accepter la neutralisation des voies ferrées au niveau de la maison des époux A...pour la durée nécessaire à la réfection de la façade et de la couverture de celle-ci ;
4°) de mettre à la charge de SNCF Réseau la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;
Ils soutiennent que :
- ils ont acquis leur maison en 1980 à une époque où le trafic ferroviaire avait diminué et des gares étaient fermées, il y a eu aggravation imprévisible des nuisances causées par l'ouvrage, l'emplacement de la voie ne pouvait laisser supposer la réalisation de travaux d'une telle envergure ;
- les travaux de rénovation et d'extension de leur maison est conforme au permis de construire du 30 mai 1985 ;
- ils n'ont pas accepté l'aggravation des nuisances résultant de la présence de la ligne de chemin de fer ;
- concernant les dommages résultant de la réalisation de travaux publics, ils ont subi un dommage anormal et spécial dès lors que des travaux importants ont eu lieu plusieurs mois avec l'utilisation de machines vibratoires et durant la nuit ; la proposition de loger la famille à l'hôtel est arrivée après les travaux ; Mme A...était assistante maternelle et a dû organiser son activité en fonction des travaux ; ils ont subi des troubles dans leurs conditions d'existence durant les travaux résultant du bruit des machines dès 2007, de la poussière, de la présence des entreprises à quelques centimètres de leurs fenêtres, des travaux nocturnes ; seul le couple habite à proximité de la voie ; ils produisent des éléments démontrant l'état d'entretien de leur maison antérieurement aux travaux, l'intégralité des travaux de gros oeuvres ont été réalisés par des hommes de l'art, il appartient à SNCF Réseau d'établir que leur propriété ne présentait aucun désordre avant le début des travaux d'élargissement de la voie ferrée, ils produisent une expertise réalisée par un bureau d'études le 1er juin 2015 démontrant que les travaux réalisés par les époux A...sur leur habitation étaient conformes aux règles en vigueur à l'époque ; la présence d'eaux dans la cave et de traces d'humidité provient de la plateforme côté nord ;
- concernant les dommages résultant du voisinage de la voie ferrée, la présence de l'ouvrage a diminué la valeur vénale de leur propriété et a modifié de façon grave leurs conditions d'habitation ; les nuisances sonores persistent compte tenu de ce que seules les fenêtres côté voie ferrée ont été changées ;
- au titre des troubles dans les conditions d'existence durant les travaux, ils sollicitent la somme de 6 400 euros, de 3 200 euros et de 3 000 euros ; au titre des travaux nécessaires à la remise en état de la maison, ils sollicitent la somme de 26 563,82 euros et la somme de 12 381,97 euros ; au titre de la perte de la valeur vénale de leur propriété, ils sollicitent la somme de 69 872 euros ; au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant de la proximité de la voie ferrée, ils sollicitent la somme de 50 000 euros ; au titre de leur préjudice moral, ils sollicitent la somme de 100 000 euros ;
- il ressort de l'étude vibratoire que, sur un laps de temps court, un convoi est en limite de seuil de tolérance fixé par la norme ISO 2621-2 ; ce convoi circulait sur la voie 1 la plus éloignée de leur maison d'habitation ; durant cette prise de mesure, aucun train de marchandise n'a été relevé alors que ces trains sont fréquents ; SNCF Réseau n'a pas fait réaliser de constat d'huissier ou d'expertise avant les travaux de doublement de la voie ferrée ;
Par un mémoire enregistré le 11 mai 2017 et le 7 septembre 2018, l'établissement public SNCF Réseau, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- SNCF Réseau accepte la charge du présent contentieux ;
- lorsqu'un ouvrage public préexiste à l'installation des riverains, ces derniers sont réputés avoir accepté les risques inhérents au voisinage de l'ouvrage public ; l'indemnisation des riverains ne peut résulter que d'une aggravation imprévisible des nuisances générées par l'ouvrage public ; les requérants ont expressément renoncé à solliciter l'indemnisation des nuisances générées par la voie ferrée dès lors que l'acte de vente conclu entre la SNCF et les époux A...du 22 mai 1980 met expressément à leur charge et sans indemnité tous les inconvénients résultant de l'établissement et/ou du voisinage de ce chemin de fer et sans recours ouvert contre la SNCF ; la fermeture d'une gare est sans influence sur l'exploitation d'une voie ferrée et la plateforme supportant la voie ferrée a été initialement conçue pour supporter deux voies ;
- il incombe aux requérants de démontrer l'existence d'un lien de causalité entre les travaux ou l'ouvrage publics et les préjudices allégués ; les requérants n'apportent aucun élément établissant la réalité des nuisances alléguées du fait des travaux publics ; ils n'établissent pas que les travaux auraient duré 8 mois alors qu'il ressort du planning d'exécution que les travaux de 2007 et 2008 ne concernaient que la phase préparatoire des travaux et les travaux à Saint-Hilaire n'ont duré que quelques semaines, essentiellement en août 2009 ; les travaux les plus importants de génie civil et de voie ferrée se sont déroulés sous interruption totale du trafic commercial sur la ligne pour permettre des travaux de jour ; certains travaux ont été réalisés la nuit de manière exceptionnelle ; le 21 septembre 2010, SNCF a offert aux épouxA..., qui ont refusé, de prendre en charge le coût de leur hébergement en hôtel deux étoiles pendant le déroulement des travaux ; les requérants n'établissent pas que les nuisances auraient excédé les sujétions normales que tout riverain de travaux publics doit supporter sans indemnité ;
- concernant l'apparition de fissures, les fissures contestées sur le bâtiment constituant l'annexe sont antérieures aux travaux publics ; aucun élément ne permet d'établir que les fissures sur le bâtiment principal de la maison seraient apparues pendant les travaux ; quant à la résurgence d'eau ou traces d'humidité, aucun élément du dossier ne permet de penser qu'elles ne sont pas antérieures aux travaux ; l'expertise judiciaire a démontré que ce sont tout à la fois la fragilité de la structure des corps des bâtiments d'origine et les malfaçons des opérations d'extension et d'agrandissement du bâtiment principal qui sont à l'origine des fissures et des traces d'humidité ; les travaux litigieux n'ont pas été la cause déterminante de l'apparition des désordres ; l'attestation du 1er juin 2015 établie par un autoentrepreneur ou les photographies produites ne sauraient remettre en cause l'expertise judiciaire ;
- dans l'hypothèse où sa responsabilité serait engagée, la cour écartera les devis établis à la demande des époux A...dès lors que l'expert a chiffré précisément le coût des interventions nécessaires ; le rapport d'expertise indique clairement que la part de responsabilité des travaux publics dans les désordres n'excède pas 30 % ; les conséquences des travaux de remise en état de la maison des requérants n'ont pas à être pris en charge ; les travaux n'empêcheront pas le logement des requérants ; le préjudice professionnel invoqué par Mme A...n'est qu'éventuel ; Mme A...n'a perçu au mois de février 2015 que la somme de 664 euros net ; la durée de remise en état de l'habitation a été fixée par l'expert à 2, 5 mois seulement ; la perte de la valeur vénale alléguée n'est pas établie dès lors que les nuisances existaient avant les travaux de doublement de la voie et que les requérants n'ont pas l'intention de céder leur propriété ; seule l'évaluation de l'expert ferait foi si la cour retenait sa responsabilité ;
- les requérants ne peuvent obtenir une indemnisation au titre des troubles dans les conditions d'existence du fait du doublement de la voie ferrée dès lors que les travaux ont eu pour objectif de fluidifier et faciliter l'exploitation de la ligne ; l'étude d'impact préalable au projet souligne que les niveaux d'exposition aux vibrations sont inférieurs aux seuils réglementaires et que l'utilisation des matériels modernes à l'avenir est de nature à réduire ces effets ; les travaux de doublement de la voie ferrée ont été l'occasion de réaliser des travaux d'insonorisation de la propriété des époux A...effectués sous la maîtrise d'ouvrage de la SNCF ; l'installation d'un poteau caténaire à proximité de l'habitation des requérants ne revêt par le caractère d'un préjudice anormal et spécial ; le préjudice moral n'est pas établi ;
- la demande d'injonction est vouée au rejet dès lors qu'elle n'est pas nécessairement impliquée par la décision à prendre ; une injonction ne doit pas porter une atteinte excessive à l'intérêt général ;
- les travaux d'insonorisation mis à sa charge ont été conçus pour respecter les normes d'isolation acoustique ; l'étude vibratoire démontre que les vibrations n'excèdent pas le seuil de référence de la norme ISO 2631-2 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des transports ;
- la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public " Réseau Ferré de France " ;
- la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la SNCF Réseau et SNCF Mobilité.
1. Considérant que M. et Mme A...sont propriétaires depuis 1980 d'un ensemble immobilier, dont l'ancienne maison de garde-barrière du passage à niveau n° 41 qui constitue leur habitation, situé en bordure de la voie ferrée Valence-Grenoble, sur le territoire de la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier au lieudit " Le Creux " ; qu'entre 1986 et 1988, ils ont procédé à des travaux de rénovation de cet ensemble immobilier et d'extension de leur maison d'habitation ; qu'en 2008, des travaux de doublement et d'électrification de la voie ont débuté et se sont déroulés pendant certaines périodes de l'année 2009 et de l'année 2010 ainsi qu'en 2013 ; qu'estimant subir un préjudice du fait de l'implantation de cette nouvelle voie et de l'exploitation de cette ligne, les époux A...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble la désignation d'un expert et la condamnation solidaire de Réseau ferré de France (RFF) et de la société nationale des chemins de fer français (SNCF) à leur verser la somme de 259 035,82 euros en réparation des préjudices subis ; que, par ordonnance du 5 décembre 2012, M. D... a été désigné en qualité d'expert et a remis son rapport le 23 septembre 2013 ; que, par jugement du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a mis hors de cause la SNCF et condamné RFF devenu SNCF Réseau à verser à M. et Mme A...une indemnité de 7 432,93 euros ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 20 octobre 2016 en tant qu'il a limité leurs prétentions indemnitaires à la somme susmentionnée ;
Sur la responsabilité de SNCF Réseau :
2. Considérant qu'en application de la loi du 13 février 1997 portant création de l'établissement public " Réseau ferré de France " (RFF) en vue du renouveau du transport ferroviaire, la SNCF assurait, pour le compte et selon les objectifs définis par RFF, propriétaire du réseau de chemin de fer, l'entretien et la maintenance des installations ferroviaires et pouvait, à ce titre, voir sa responsabilité engagée vis-à-vis des tiers pour les dommages directement imputables aux modalités d'entretien et de gestion de ces ouvrages publics ; qu'aux termes de l'article 25 de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, " L'établissement public dénommé " Réseau ferré de France " prend la dénomination : " SNCF Réseau " et l'établissement public dénommé " Société nationale des chemins de fer français " prend la dénomination : " SNCF Mobilités (...) " ; qu'aux termes de l'article 29 de cette même loi :" Les biens appartenant à SNCF Mobilités, ainsi que ceux appartenant à l'Etat et gérés par SNCF Mobilités et attachés aux missions de gestion de l'infrastructure mentionnées à l'article L. 2111-9 du code des transports, dans sa rédaction résultant de la présente loi, notamment ceux figurant dans les comptes dissociés établis en application de l'article L. 2122-4 du même code, sont, à la date du 1er janvier 2015, transférés en pleine propriété à SNCF Réseau. A cette même date, SNCF Réseau est substitué à SNCF Mobilités pour les droits et obligations de toute nature, y compris immatériels, attachés à ces mêmes missions. Ces opérations sont réalisées de plein droit, nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, et entraînent les effets d'une transmission universelle de patrimoine (...) ; qu'aux termes de l'article L. 2111-9 du code des transports, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2014 : " L'établissement public national à caractère industriel et commercial dénommé " SNCF Réseau " a pour missions d'assurer (...) : (...) 3° La maintenance, comprenant l'entretien et le renouvellement, de l'infrastructure du réseau ferré national ; 4° Le développement, l'aménagement, la cohérence et la mise en valeur du réseau ferré national ; 5° La gestion des installations de service dont il est propriétaire et leur mise en valeur. / SNCF Réseau est le gestionnaire du réseau ferré national (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'à compter du 1er janvier 2015, SNCF Réseau est substitué à la SNCF pour les droits et obligations de toute nature causés par l'existence, le fonctionnement ou l'entretien des ouvrages ferroviaires ; qu'au nombre de ces obligations figure la charge des indemnisations susceptibles de résulter des missions précitées, quelle que soit la date à laquelle est survenu le fait générateur du dommage ;
3. Considérant que les voies ferrées constituent un ouvrage public, dont la société SNCF Réseau a la charge ; que M. et Mme A...ont la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage public et aux travaux portant sur cet ouvrage ;
En ce qui concerne la responsabilité du fait de l'exécution d'un travail public :
4. Considérant que, même en l'absence de faute, le maître d'ouvrage ainsi que, le cas échéant, le maître d'ouvrage délégué, et les constructeurs chargés des travaux sont responsables solidairement à l'égard des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public ; que ces personnes ne peuvent dégager leur responsabilité que si elles établissent que ces dommages sont imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime, sans que puisse être utilement invoqué le fait d'un tiers ; qu'il appartient au tiers, victime d'un dommage de travaux publics, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre, d'une part, les travaux publics et, d'autre part, le préjudice dont il se plaint ;
5. Considérant que les époux A...font valoir qu'ils ont subi dès 2007 des troubles dans leurs conditions d'existence compte tenu des importants travaux réalisés pendant plusieurs mois, y compris la nuit, en vue du doublement de la voie ferrée longeant leur propriété ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des plannings de travaux produits par SNCF Réseau, qu'en 2007 seuls des travaux d'élagage ont été menés et que la grande partie des travaux de génie civil liés au doublement de la voie ferrée à proximité de leur habitation ont été programmés en journée à partir de l'année 2009 jusqu'en 2010 alors que les travaux d'électrification de la ligne ont eu lieu pendant l'année 2013 ; qu'en se bornant à produire un calendrier annoté manuellement pour justifier de l'existence de ces préjudices notamment en période nocturne, M. et A...n'établissent pas que les travaux dont il s'agit auraient, par leur durée ou l'intensité des bruits émanant du chantier, entraîné des troubles de voisinage excédant les sujétions que les riverains d'une voie ferrée peuvent être normalement appelés à supporter ;
6. Considérant que les époux A...soutiennent encore que les travaux litigieux sont la cause des désordres affectant leur propriété ; qu'il résulte de l'instruction, et plus particulièrement de l'expertise menée par M.D..., que, s'agissant du bâtiment d'origine appelé " bâtiment 1 ", " la résurgence d'eau dans la cave ne peut être rattachée par un quelconque lien de causalité au chantier de dédoublement de la voie ferrée ", que " les désordres de type fissure ou trace d'humidité qui grèvent les maçonneries et le plafond du grenier trouvent uniquement leur origine dans l'absence de rénovation du local ; que les désordres de type fissure ou traces d'humidité du mur et du plafond de la chambre 1 trouvent uniquement leur origine dans un état défaillant de réalisation de la couverture rénovée ; que les désordres de type fissure qui grèvent, en périphérie de l'escalier, l'accès à l'étage depuis le rez-de-chaussée et sur les deux niveaux ont pour origine, à hauteur de 70 %, une mise en oeuvre défaillante des deux baies libres en sous-oeuvre et du chevêtre et, à hauteur de 30 %, la proximité de la voie ferrée ; que les désordres de type fissure qui grèvent le parement extérieur du mur de façade Nord a pour origine, à hauteur de 70 %, une mise en oeuvre défaillante de la rénovation de l'enduit et, à hauteur de 30 %, la proximité de la voie ferrée " ; que, s'agissant du corps des bâtiments créés, " les désordres de type microfissure-fissure qui grèvent les seuils et tableaux des baies trouvent leur origine dans une mise en oeuvre défaillante et incomplète desdits ouvrages ; que les désordres de type fissure qui grèvent les jonctions des corps des bâtiments créés au corps du bâtiment existant, les maçonneries et les cloisons trouvent leur origine, à hauteur de 70 %, dans une mise en oeuvre défaillante et incomplète desdites jonctions et, à hauteur de 30 %, dans la proximité de la voie ferrée " ; que, s'agissant du bâtiment 2, l'expert indique que " les désordres de type fissure qui grèvent la surface du mur de la façade nord du bâtiment 2 trouvent leur origine, à hauteur de 70 %, dans l'absence d'entretien et, à hauteur de 30 %, dans la proximité de la voie ferrée " ; que la production, par les épouxA..., des factures de travaux réalisés en 1986 et d'une attestation du bureau d'étude Marcel Kleber en date du 1er juin 2015 indiquant, sans aucune démonstration, que " la maison n'a pas subi de fissures jusqu'au moment de la création de la seconde voie " , n'est pas de nature à remettre en cause ces constatations techniques du rapport d'expertise ni le partage de responsabilité retenu par l'expert ; que, par suite, il y a lieu de fixer à 30 % la part de responsabilité de SNCF Réseau dans les désordres affectant la propriété des époux A...et résultant des travaux de doublement de la voie de chemin de fer ; que le rapport d'expertise a chiffré le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres à la somme de 26 237,47 euros pour le bâtiment 1 et à la somme de 294,25 euros pour le bâtiment 2 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce chiffrage serait sous-évalué ; qu'il y a lieu en conséquence de mettre à la charge de SNCF Réseau, en application du pourcentage de responsabilité retenu de 30 %, la somme totale de 7 959,51 euros ;
7. Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence des époux A...pendant les travaux de remise en état évoqués au point précédent en les évaluant à la somme de 800 euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme A...ne pourrait exercer son activité professionnelle pendant lesdits travaux ;
En ce qui concerne la responsabilité du fait de l'existence de l'ouvrage public :
8. Considérant, d'une part, que la mise en jeu de la responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics à l'égard d'un justiciable qui est tiers par rapport à l'ouvrage public est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage grave et spécial et d'un lien de causalité entre cet ouvrage et les dommages subis ; que les personnes mises en cause doivent pour dégager leur responsabilité établir que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse être invoqué le fait du tiers ; qu'il appartient au juge de porter une appréciation globale sur l'ensemble des chefs de dommages allégués ;
9. Considérant, d'autre part, que si le propriétaire d'une maison d'habitation ne peut ignorer, à la date de l'acquisition de l'immeuble, les inconvénients résultant de la proximité d'un ouvrage public préexistant et ne peut dès lors prétendre obtenir une indemnisation des préjudices subis à ce titre, il en va toutefois différemment d'un dommage résultant d'une aggravation des nuisances résultant du fonctionnement de l'ouvrage public dans le cas où il ne pouvait en avoir connaissance lors de l'acquisition de son habitation ou qu'il ne pouvait raisonnablement le prévoir et dès lors que ce dommage présente un caractère anormal et spécial ;
10. Considérant que les époux A...font valoir qu'à la date d'acquisition de leur maison d'habitation en 1980, plusieurs gares desservies par la ligne de chemin de fer étaient fermées ou en cours de fermeture et qu'ils pouvaient légitimement penser que le ralentissement du trafic ferroviaire était destiné à se poursuivre ; que si les travaux litigieux ont consisté en un doublement de la voie sur la plateforme ferroviaire qui supportait initialement deux voies, telle qu'était à l'origine la ligne du sillon alpin sud, et sans élargissement de cette plateforme, et que les époux A...ont accepté, dans l'acte de cession conclu avec la SNCF, les nuisances résultant de la proximité de l'ouvrage existant, il ne résulte pas de l'instruction qu'ils pouvaient raisonnablement prévoir l'aggravation des préjudices subis du fait d'un doublement de la voie, dont il n'apparaît pas qu'il était envisagé en 1980 ;
11. Considérant, toutefois, que, selon l'étude d'impact du projet " Sillon alpin ", " les seuils de vibration enregistrés sont toujours restés inférieurs au seuil fixé par la réglementation en ce qui concerne les structures y compris pour les anciennes maisons de passage à niveau situées à quelques mètres des voies " et " le renouvellement des structures des voies, l'utilisation de matériels modernes sont de nature à réduire les effets " du passage des trains ; qu'il résulte également de l'instruction que, s'agissant des nuisances liées aux vibrations, l'étude réalisée le 12 février 2013 par le cabinet Acouphen fait état de ce que le passage des trains respecte les seuils de référence des niveaux vibratoires et que, s'agissant des nuisances sonores, si les relevés acoustiques ont permis de constater des niveaux d'émergence sonore imputables au trafic ferroviaire supérieurs aux normes en vigueur, RFF a pris en charge, par convention du 29 avril 2010, le financement et la réalisation de travaux relatifs à l'insonorisation des façades ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux d'insonorisation n'auraient pas permis de réduire efficacement les niveaux de bruit auxquels était exposée l'habitation ; que les époux A...n'établissent pas l'impossibilité où ils se trouveraient de profiter de leur jardin ; que, par ailleurs, selon l'expert, M.D..., " il ne découle des distances entre le caténaire et les différents points mesurés de la maison aucun impact qualifiable " ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la présence de ce caténaire et d'un poteau électrique à proximité de leur habitation occasionnerait pour les requérants des troubles particuliers dans leurs conditions d'existence ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, et en l'absence de production d'études acoustiques ou vibratoires démontrant l'intensité des nuisances subies et le non respect des seuils réglementaires, les époux A...n'établissent pas que le doublement de la ligne de chemin de fer serait à l'origine de troubles de jouissance constitutifs d'un préjudice anormal et spécial, compte tenu des nuisances sonores et vibratoires préexistantes liées à la présence de la ligne de chemin de fer ;
12. Considérant que les éléments versés au débat contentieux ne permettent pas d'établir que la présence d'une deuxième voie de chemin de fer sur la plateforme ferroviaire, qui avait été initialement conçue pour supporter deux voies, engendrerait une perte de valeur vénale significative par rapport à la situation antérieure, qui puisse être regardée comme constitutive d'un préjudice anormal et spécial, et ce alors même que la voie existante lors de l'acquisition de la maison de garde-barrière en était distante d'environ 6m et que la seconde voie est implantée à environ 3,50 m de cette habitation ;
13. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points précédents, le préjudice moral dont se prévalent les requérants en raison des troubles de toute nature liés à la proximité de la voie ferrée ne présente pas un caractère grave et spécial dont la charge excède celle qu'il leur incombe normalement de supporter ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les différents chefs de dommages invoqués, examinés dans leur ensemble, ne peuvent être regardés comme présentant un caractère anormal ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les époux A...sont seulement fondés à demander que la somme de 7 432,93 euros que les premiers juges ont mis à la charge de SNCF Réseau soit portée à la somme de 8 759,51 euros ; qu'il n'y a pas lieu d'enjoindre à SNCF Réseau de neutraliser les voies ferrées devant leur habitation pendant la durée des travaux de remise en état évoqués au point 6 ;
Sur les intérêts :
16. Considérant que la somme de 8 759,51 euros doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2013, date d'enregistrement de la requête devant le tribunal administratif ;
Sur les dépens :
17. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de SNCF Réseau la charge des frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 5 511,08 euros ;
Sur les frais liés au litige :
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de SNCF Réseau, qui n'est, dans la présente instance, la partie principalement perdante, la somme dont M. et Mme A...demandent le versement au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A...la somme demandée par SNCF Réseau au même titre ;
DECIDE :
Article 1er : La somme de 7 432,93 euros que SNCF Réseau a été condamné à verser à M. et Mme A...par le jugement du 20 octobre 2016 est portée à 8 759,51 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2013.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A...et les conclusions de SNCF Réseau tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 5 511,08 euros, sont mis à la charge de SNCF Réseau.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A..., à SNCF Réseau et à SNCF mobilités.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 décembre 2018.
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N° 16LY04429