- que les conclusions de la FNAUT tendant à la liquidation de l'astreinte prononcée par le tribunal administratif de Lyon par son jugement du 27 novembre 2012 devaient être renvoyées audit tribunal ;
Par un jugement n° 1509744 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné RFF à verser à la FNAUT au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement n° 1102208 du 27 novembre 2012, la somme de 1 euro (un euro). Il a également condamné RFF à verser le surplus de l'astreinte, soit 18 224 euros (dix-huit mille deux cents vingt-quatre euros), au budget de l'Etat. Le tribunal administratif a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour
Par requête enregistrée le 11 juillet 2016, la fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT), représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 mai 2016 en tant qu'il répartit l'astreinte entre la FNAUT et l'Etat à hauteur respectivement de 1 euro et 18 224 euros ;
2°) d'attribuer la totalité de l'astreinte à la FNAUT ;
3°) de condamner SNCF Réseau à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les premiers juges ont dénaturé les dispositions de l'article L. 911-8 du code de justice administrative et ont ainsi commis une erreur de droit en attribuant 99,995 % de l'astreinte à l'Etat et en ne lui attribuant qu'un euro ;
- cette répartition est inéquitable compte tenu de la modestie de l'astreinte (18 225 euros) et des caractéristiques de la FNAUT qui est une association sans but lucratif poursuivant exclusivement des objectifs d'intérêt général et qui bénéficie d'agréments des pouvoirs publics en matière de protection des consommateurs et de protection de l'environnement ; elle défend le patrimoine ferroviaire et a permis d'amender la politique de RFF puis de SNCF réseau concernant les lignes ferroviaires désaffectées ; il n'y a pas de risque d'enrichissement injustifié dans le cadre d'une attribution totale de l'astreinte de 18 225 euros à la FNAUT ; RFF a mis plus de deux ans à exécuter l'injonction après saisine du juge de l'exécution ; le tribunal administratif a tenu compte de l'exécution enfin intervenue en réduisant de 50 euros à 25 euros le montant journalier et en fixant à 18 225 euros l'astreinte ; il est paradoxal d'attribuer cette astreinte à l'Etat alors que SNCF Réseau est un établissement public sous tutelle de l'Etat car ceci équivaut à ce que l'Etat se verse une somme à lui-même ;
Par deux mémoires enregistrés le 9 novembre 2017 et 9 janvier 2018, SNCF Réseau, établissement public à caractère industriel et commercial, représenté par la SCP Meier-Bourdeau Lécuyer, avocats, conclut au rejet de la requête et présente des conclusions en appel incident tendant à l'annulation de cette astreinte de 18 225 euros. Il conclut aussi à ce qu'il soit mis à la charge de la FNAUT une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit dans l'application de l'article L. 911-8 du code de justice administrative ; lorsque l'Etat est débiteur de l'astreinte, une part de celle-ci ne peut pas lui être attribuée ; les règles s'attachant à l'astreinte ne concernent que l'Etat et pas les établissements publics nationaux qui bien que créés par l'Etat ont une personnalité morale distincte et disposent notamment d'un patrimoine et d'un budget propres ; aucun principe ne vient limiter le juge administratif dans la répartition de l'astreinte dès lors qu'une part demeure versée au requérant;
- les premiers juges n'ont pas excédé leur pouvoir d'appréciation dès lors qu'il a exécuté le jugement ;
- il est fondé par la voie de l'appel incident à demander l'annulation de l'astreinte de 18 225 euros dès lors que le tribunal administratif s'est livré à une inexacte appréciation de la situation l'ayant amené à exécuter avec retard le jugement du 27 novembre 2012 ; par actes notariés du 9 juillet 2015, il a avec les deux communautés de communes constaté la nullité de l'acte de vente des emprises ; l'annulation du déclassement prononcée par le tribunal administratif est intervenue pour un vice de procédure et non pour un motif de fond ; il a eu des difficultés à exécuter ce jugement compte tenu du caractère inédit de cette situation, de la nécessité pour les collectivités territoriales et lui-même d'envisager toutes les solutions juridiques possibles pour trouver la meilleure, de la nécessité de faire voter cette solution par les organes délibérants ;
- l'astreinte ne vise pas à indemniser le requérant mais à sanctionner un retard dans l'exécution d'un jugement ; l'argumentation sur le caractère vexatoire de cette répartition de l'astreinte est sans effet utile ;
Par deux mémoires enregistrés les 12 décembre 2017 et 12 avril 2018, la FNAUT maintient ses écritures.
Elle ajoute que :
- le tribunal administratif a pris à son encontre une décision vexatoire, non conforme à la finalité de l'article L. 911-8 du code de justice administrative ; aucune autre décision juridictionnelle n'a procédé à une répartition aussi inéquitable d'une astreinte ;
- SNCF Réseau n'allègue pas avoir versé à l'Etat la somme mentionnée dans l'astreinte ; cette condamnation à paiement au profit de l'Etat est donc purement illusoire ;
- le tribunal administratif a déjà pris en compte l'exécution de l'injonction en divisant par deux le montant de l'astreinte ; le retard de deux ans dans l'exécution de la décision de justice revient à vider de tout effet utile l'injonction de rétrocession de l'emprise ferroviaire à SNCF Réseau ; SNCF Réseau a profité de ce délai pour prononcer un nouveau déclassement et préparer une nouvelle cession aux mêmes bénéficiaires de l'emprise ferroviaire ; le vice de procédure retenu n'était pas anodin et le déclassement suppose une consultation préalable de la région en tant qu'autorité organisatrice des transports alors que celle-ci avait prévu la réouverture de la ligne à l'horizon 2030 avant de constater la destruction matérielle de cette ligne et de renoncer à ce projet ; cette situation n'était pas inédite, trois autres jugements et arrêts ayant prononcé des injonctions identiques et ce antérieurement ; SNCF Réseau était dans une configuration identique à celle ayant donné lieu à l'arrêt de la CAA de Douai 11DA00882 ;
- SNCF Réseau n'a pas payé l'euro auquel il a été condamné, ce qui démontre le caractère virtuel de cette condamnation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 7 juin 2018 :
- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.
1. Considérant que, par jugement n° 1102208 du 27 novembre 2012, sur demande de la Fédération nationale des usagers du transports (FNAUT), le tribunal administratif de Lyon, après avoir annulé la décision de Réseau Ferré de France (RFF) de procéder à la vente, au profit des communautés de communes de Barrès-Coiron et de Privas Rhône et Vallées, de l'emprise ferroviaire de la section de la ligne Privas-Le-Pouzin située entre les points kilométriques 640, 962 et 658,900, a enjoint à RFF, à défaut d'avoir obtenu leur résolution amiable, de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité des actes de vente de cette emprise ferroviaire, signés le 4 mai 2009 avec lesdites communautés de communes, ce dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à verser à la FNAUT ; que, par article 1er du jugement du 10 mai 2016, à la suite d'une demande d'exécution de la FNAUT, le tribunal administratif de Lyon a procédé à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par le jugement du 27 novembre 2012 et a fixé celle-ci pour une durée de 729 jours de retard sur la base de 25 euros par jour de retard à la somme de 18 225 euros ; que, dans le même article, il a décidé que seulement 1 euro de cette somme serait versé à la FNAUT, le surplus étant affecté au budget de l'Etat ; que la FNAUT fait appel de ce jugement en tant qu'il procède à une telle répartition de l'astreinte et demande qu'elle lui soit attribuée en totalité ; que, par la voie de conclusions d'appel incident, SNCF Réseau, substitué à RFF, demande que l'astreinte ne soit pas liquidée ;
Sur la liquidation de l'astreinte :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-6 du code de justice administrative : " L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-7 de ce code : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée " ; que l'article L. 911-8 du même code dispose que : " La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. / Cette part est affectée au budget de l'Etat. " ;
3. Considérant qu'il n'est pas contesté qu'au 3 mars 2015 le jugement du 27 novembre 2012 notifié le 3 décembre suivant n'avait pas été exécuté par RFF, auquel s'est substitué SNCF Réseau, et que le délai de trois mois imparti par voie d'injonction pour y procéder n'avait pas été respecté ; que SNCF Réseau, dans le cadre de son appel incident tendant à ce qu'aucune liquidation d'astreinte ne soit prononcée à son encontre, évoque la complexité de l'affaire et le caractère atypique de la situation pour justifier du retard pris à faire constater la nullité des actes de vente des emprises ferroviaires conclus avec les communautés de communes de Barrès-Coiron et de Privas Rhône et Vallée ; que la FNAUT conteste, sans être utilement contredite par SNCF Réseau, que la nullité de la vente se serait heurtée à des difficultés exceptionnelles et fait notamment état de décisions de justice se rapportant à des situations proches déjà traitées par RFF avant même l'intervention du jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 novembre 2012 enjoignant à cet établissement public de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité des actes de vente de l'emprise ferroviaire, à défaut d'avoir obtenu leur résolution amiable ; que si le jugement a été exécuté le 9 juillet 2015, il ne résulte pas de l'instruction qu'existaient des difficultés de nature à justifier un tel retard d'exécution de plus de deux ans de la part de RFF puis de SNCF Réseau ; que c'est donc à juste titre que le tribunal administratif a décidé qu'il y avait lieu de procéder à la liquidation de l'astreinte pour la période courant du 3 mars 2013 au 3 mars 2015 et a fixé à 18 225 euros son montant ; que, dans les circonstances de l'espèce et eu égard à ce qui vient d'être dit, il y a lieu de modifier le pourcentage retenu par les premiers juges en portant à 20 % de la somme de 18 225 euros la part de l'astreinte devant être versée par SNCF Réseau à la FNAUT ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a limité à un euro la part de l'astreinte à lui verser ; qu'il résulte également de ce qui précède que l'appel incident de SNCF Réseau doit être rejeté ;
Sur les frais liés au litige :
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la FNAUT, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une quelconque somme à SNCF Réseau au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de SNCF Réseau une somme de 1 000 euros à verser à la FNAUT au titre du même article :
DECIDE :
Article 1er : La part de l'astreinte liquidée à la somme de 18 225 euros qui sera versée par SNCF Réseau à la FNAUT est portée à 20 % du montant total de cette astreinte, le solde étant alloué au budget de l'Etat.
Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 mai 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : SNCF Réseau versera une somme de 1 000 euros à la FNAUT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : L'appel incident présenté par SNCF Réseau est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération nationale des associations d'usagers des transports et à SNCF Réseau.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
Mmes Cottier etB..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 11 octobre 2018.
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N°16LY02376