Par une requête enregistrée le 13 juillet 2017 M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 juin 2017 susmentionné ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 juin 2016 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour un durée d'un an et l'arrêté du même jour par lequel le préfet de l'Isère l'a assigné à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à M. B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement est irrégulier en tant que son point 10 est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne précise pas les raisons pour lesquelles la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- le préfet a commis une erreur de droit en ne vérifiant pas s'il pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour ;
- c'est à tort que le préfet ne lui a pas délivré de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle et familiale ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- c'est à tort que le préfet a pris à son encontre une assignation à résidence dès lors qu'il présentait des garanties de représentation, étant domicilié... ;
Vu le mémoire en défense, présenté par le préfet de l'Isère, enregistré le 23 avril 2018 après la clôture d'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647du l0 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Carrier.
1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien né en 1980, est entré en France le 24 février 2015 sous couvert d'un visa de court séjour ; que, par arrêté du 16 juin 2016, le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une période d'un an et a fixé le pays de renvoi ; que, par arrêté du même jour, le préfet de l'Isère l'a assigné à résidence ; que, par jugement du 19 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête contre les arrêtés du 16 juin 2016 susmentionnés ; que, par sa requête, M. B...demande à la cour l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette les conclusions aux fins d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français et la décision d'assignation à résidence ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'en se bornant à relever que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français n'était pas contraire, en l'absence de circonstances humanitaires particulières, au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui était pourtant expressément soulevé dans la requête à l'encontre de l'ensemble des décisions contestées et qui n'était pas inopérant, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a entaché d'irrégularité son jugement sur ce point ; que le jugement doit, par suite, être annulé en tant qu'il rejette les conclusions aux fins d'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ;
3. Considérant qu'il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...)°2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an, portant la mention vie privée et familiale, est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; que ces stipulations, qui prescrivent que le ressortissant algérien remplissant les conditions prévues doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, font obstacle à ce que l'intéressé puisse légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
5. Considérant, d'une part, que le requérant, ressortissant algérien, dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien ne peut utilement soutenir qu'il devait se voir attribuer de plein un titre de séjour sur le fondement des dispositions 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que d'autre part, en sa qualité de conjoint d'une ressortissant étrangère séjournant régulièrement en France depuis plusieurs années sous couvert d'un titre de séjour, M. B...entre dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial ; qu'il ne peut, par suite, prétendre de plein droit à un titre de séjour en application des stipulations précitées du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; qu'ainsi, dès lors qu'il n'est pas établi que le requérant puisse se voir attribuer un titre de séjour de plein droit, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;
6. Considérant que M. B... soutient qu'il est marié depuis 2012 avec une ressortissante algérienne titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, qu'ils résident ensemble en France depuis environ deux ans, que de leur union sont nés deux enfants et que son épouse est enceinte de son troisième enfant ; que, toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale ; qu'en l'espèce, à la date de la décision attaquée, le requérant ne résidait en France que depuis février 2015 et la durée de la vie commune avec son épouse était limitée ; que, par ailleurs, eu égard aux conditions de séjour sur le territoire français au terme de son visa, le requérant ne pouvait ignorer que ses chances de pouvoir se maintenir sur le territoire français avec sa famille étaient faibles ; qu'en outre, il n'était pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans ; qu'enfin, eu égard notamment à leur nationalité commune,, il n'est pas établi ni même allégué que la vie privée et familiale des époux B...ne pourrait se poursuivre en Algérie alors notamment que l'épouse du requérant n'exerce, selon ses dires, qu'une activité professionnelle très limitée en France ; que rien ne s'oppose à ce que les enfants du couple puissent les accompagner en Algérie ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet en adoptant la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel ladite décision a été prise ; que la décision attaquée n'a pas davantage porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écarté ; que, dans les circonstances susrappelées, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
7. Considérant que dès lors que M. B...a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 16 juin 2016, c'est à bon droit que le préfet de l'Isère a pu, en application des dispositions combinées des articles L. 561-2 et L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononcé à son encontre une assignation à résidence ; que, dans les circonstances de l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet en assignant M. B... au domicile de sa famille, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle et familiale ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision d'assignation à résidence susmentionnées ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
9. Considérant, en premier lieu, que, par arrêté du 1er février 2017 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 6 février suivant, M. Dareau, secrétaire général adjoint de la préfecture de l'Isère, a reçu délégation, en cas d'absence ou d'empêchement de la secrétaire générale de la préfecture, à l'effet de signer notamment les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision litigieuse manque en fait ;
10. Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée fait apparaître les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut être accueilli ;
11. Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à ce qui a été dit au point 7, et notamment à la circonstance que la vie privée et familiale des époux B...est susceptible de se poursuivre en Algérie, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français attaquée ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution ; qu'il s'ensuit que les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il rejette les conclusions aux fins d'annulation de la décision du préfet de l'Isère du 16 juin 2016 portant interdiction de retour sur le territoire français.
Article 2 : Les conclusions de la demande de première instance aux fins d'annulation de la décision du préfet de l'Isère du 16 juin 2016 portant interdiction de retour sur le territoire français et le surplus de la requête d'appel de M. B...sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Carrier, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 mai 2018.
2
N° 17LY02761