Par jugement n° 1704789 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2018, M. B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 décembre 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions préfectorales susmentionnées du 29 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence ou de réexaminer sa situation sous astreinte de 100 euros par jours de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 75-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle et sous réserve qu'il se désiste de sa demande d'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de certificat de résidence :
- ce refus méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il réside en France depuis 6 ans, justifie d'une vie privée et familiale stable et partage une vie commune avec une compatriote titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, avec laquelle il s'est marié le 15 mars 2014 et qui a donné naissance le 1er septembre 2013 à un enfant, qu'il a reconnu, sur lequel il exerce avec son épouse l'autorité parentale, qui a vocation à devenir français et qui est scolarisée en France; un second enfant est né de leur union le 21 décembre 2017; il bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité de boucher ; il ne peut bénéficier d'une mesure de regroupement familial dans la mesure où son épouse ne dispose pas des ressources suffisantes ;
- ce refus méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ; cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
Par un mémoire enregistré le 28 décembre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande est irrecevable car se bornant à la simple reprise des moyens de première instance ;
- les décisions en litige ne méconnaissent pas les stipulations ne méconnaît pas les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car le requérant s'est maintenu irrégulièrement en France; à la date du mariage en 2014, les deux époux étaient sans profession ; le requérant et son épouse de nationalité algérienne, disposant d'un certificat de résidence dans le cadre d'un regroupement familial, ont de nombreuses attaches familiales en Algérie ; son épouse n'a pas sollicité le bénéfice d'un regroupement familial alors qu'elle connait l'existence de cette procédure dont elle a elle-même bénéficié ; le second enfant est né le 21 décembre 2017 après la seconde demande de titre de séjour en date du 13 mars 2017 et le refus de celle-ci datant du 27 novembre 2017 ;
- les décisions en litige ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ces décisions ne séparent pas les deux enfants de leurs parents ; la famille peut vivre en Algérie ; l'écoulement du temps ne saurait le faire entrer en tant que tel dans le cadre des circonstances exceptionnelles ou des motifs humanitaires ;
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller,
- et les observations de Me Bescou, avocat, pour M.B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B..., ressortissant algérien né le 2 avril 1986, est entré en France le 7 septembre 2011, à l'âge de 25 ans sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Il indique s'être ensuite maintenu irrégulièrement en France depuis cette date. Après un refus de certificat de résidence et décision portant obligation de quitter le territoire du 25 novembre 2014 dont la légalité a été validée par le tribunal administratif de Lyon le 21 mai 2015 puis par la cour le 26 novembre 2015, M. B...mentionne être resté irrégulièrement en France. Il a sollicité le 13 mars 2017 un certificat de résidence en se prévalant de sa vie privée et familiale ainsi que d'une promesse d'embauche datant de septembre 2016 et a demandé également à être admis au séjour dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des décisions du 29 mai 2017, le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance de ce titre, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. B...relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, M. B...se prévaut de son entrée en France le 7 septembre 2011 et de la circonstance qu'il a épousée le 15 mars 2014, une ressortissante algérienne disposant d'un certificat de résidence en France valable 10 ans, avec laquelle il a eu une fille née le 1er septembre 2013 qu'il a reconnue par anticipation le 28 mai 2013. Il fait également état de la scolarisation de cette enfant et de la naissance d'un second enfant le 21 décembre 2017 postérieurement à la décision préfectorale en litige du 29 mai 2017. Il indique aussi disposer d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée, datant de septembre 2016, en qualité de boucher. Il fait valoir de plus que l'insuffisance des ressources financières de son épouse lui interdirait de bénéficier du regroupement familial.
3. Toutefois, les pièces présentes au dossier ne justifient pas de la résidence habituelle du requérant en France depuis septembre 2011 et ce notamment pour la fin de l'année 2011 et les années 2012 et 2013. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. Ainsi, s'étant maintenu irrégulièrement en France après l'arrêt de la cour du 26 novembre 2015 jugeant légales les décisions préfectorales du 25 novembre 2014 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire, l'intéressé ne pouvait ignorer la précarité de sa situation et la circonstance qu'il était susceptible de faire de nouveau l'objet d'un refus de titre accompagné d'une mesure d'éloignement. Si le requérant fait valoir que les ressources financières actuelles de son épouse sont ou seraient insuffisantes pour qu'une décision de regroupement familial puisse être prise en sa faveur, circonstance au demeurant non établie par les pièces du dossier pour la période postérieure à juillet 2016, il ne démontre pas ainsi qu'il serait dans l'impossibilité de bénéficier de la procédure de regroupement familial, dès lors que le préfet n'est pas, au regard des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien, en situation de compétence liée pour refuser une autorisation de regroupement familial au seul motif de l'insuffisance des ressources. M. B...ne justifie pas de son insertion sociale et professionnelle en se bornant à se prévaloir d'une promesse d'embauche en qualité de boucher datée de fin septembre 2016, laquelle au demeurant ne comporte aucun élément sur ses compétences professionnelles et ne correspond pas aux autres pièces du dossier mentionnant sa volonté d'exercer l'activité de coiffeur. Comme l'oppose le préfet du Rhône, sans que cela soit contesté par le requérant, M. B...et son épouse conservent des liens familiaux et sociaux forts en Algérie, pays dans lequel l'intéressé a vécu au minimum jusqu'à l'âge de 25 ans et dans lequel son épouse a vécu jusqu'à ce qu'elle ne reçoive le 12 février 2009 un certificat de résidence dans le cadre d'un regroupement familial et dans lequel elle a divorcé le 19 mai 2010. Ce refus de séjour ne fait pas en tant que tel obstacle à la poursuite de sa relation affective avec son épouse et leur enfant née en France le 1er septembre 2013, ces derniers par ailleurs pouvant également lui rendre visite et résider en Algérie, pays dont ils ont tous les trois la nationalité, de même que le second enfant du couple né postérieurement à la décision attaquée. Il n'est pas allégué qu'Amélia née le 1er septembre 2013 ne pourrait pas être scolarisée en Algérie, pays dont elle a la nationalité. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de son séjour en France, la décision par laquelle le préfet du Rhône a refusé de délivrer un certificat de résidence à l'intéressé, n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus . Elle ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, en tout état de cause dès lors que l'intéressé relève des catégories d'étrangers ouvrant droit au regroupement familial, les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, le refus de certificat de résidence, qui n'a ni pour objet ni pour effet de le séparer d'Amelia, sa fille âgée de trois ans à la date de décision du préfet ni de l'empêcher de pourvoir à son éducation et à ses intérêts matériels, n'implique pas la séparation durable de la famille ni la rupture des liens affectifs entre le requérant et l'enfant Amélia. Il existe de plus, en l'espèce, des possibilités de visite et de reconstitution de la cellule familiale en Algérie, pays dont le requérant et son épouse, mais aussi Amélia, ont la nationalité. Par suite, dans ces conditions, en refusant de délivrer le certificat de résidence sollicité, le préfet du Rhône n'a pas méconnu l'intérêt supérieur d'Amelia protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
5. En troisième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. En l'espèce, pour les motifs qui ont été exposés au point 4, le préfet du Rhône n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée en refusant de l'admettre au séjour dans le cadre de son pouvoir de régularisation.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :
7. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.
8. En second lieu, M. B...fait valoir que son épouse était enceinte à la date de la décision en litige et que l'accouchement étant prévu en janvier 2018, elle ne pouvait pas rester seule et qu'il était nécessaire qu'il soit présent après la naissance de l'enfant pour s'occuper des tâches quotidiennes. Toutefois, et alors qu'il n'est pas établi par les pièces au dossier que M. B... ait fait part au préfet du Rhône de la circonstance que son épouse était enceinte avant la décision du 29 mai 2017, il ne fait état d'aucun élément médical lié la grossesse de son épouse qui aurait imposé son maintien en France au-delà du 29 mai 2017, date de la décision portant refus de certificat de résidence ou du 29 juin 2017, date fixée pour l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ne peuvent pas être accueillis.
9. En troisième lieu, eu égard à ce qui a été exposé précédemment dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour opposé à M.B..., cette décision ne porte pas une atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant Amélia. Le requérant ne saurait utilement soutenir que cette décision, à la date de son édiction, a porté atteinte à son second enfant, lequel n'était alors pas encore né. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit, dès lors, être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. Les moyens invoqués contre le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi prise à son encontre.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2019 à laquelle siégeaient :
M. Drouet, président de la formation de jugement,
Mme Cottier et MmeC..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 23 mai 2019.
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N° 18LY00327