Par une requête enregistrée le 14 avril 2017, M. B..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 mars 2017 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé :
Par décision du 11 mai 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle formulée par M. B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Joseph Pommier,
1. Considérant que M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo où il est né le 17 juillet 1988, est entré en France le 1er octobre 2011, selon ses déclarations ; qu'il a présenté une demande d'asile rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 6 septembre 2013 ; qu'il a fait l'objet de deux mesures d'éloignement successives, les 12 mars 2013 et 14 juillet 2014, qu'il n'a pas exécutées ; que, le 25 novembre 2015, il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre de sa vie privée et familiale ; que, par arrêté du 18 juillet 2016, le préfet du Rhône lui a opposé un refus, qu'il a assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi ; que M. B... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
3. Considérant que M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis octobre 2011 et vit, depuis novembre 2013, en concubinage avec une compatriote, titulaire d'une carte de résident de dix ans en tant que mère d'un enfant français né en 2011, qui travaille et avec laquelle il a eu deux enfants nés respectivement en 2009 et 2013 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré irrégulièrement en France à l'âge de vingt-trois ans, s'y est maintenu sans déférer aux obligations qui lui avaient été faites de quitter le territoire français les 12 mars 2013 et 18 juillet 2014 ; que si sa compagne, avec laquelle il avait eu un premier enfant en République démocratique du Congo en novembre 2009, est venue en France au courant de l'année 2010 et y a donné naissance à un deuxième enfant le 12 février 2011, qui a été reconnu par un ressortissant français le 16 mars 2011, il n'est produit aucun justificatif d'une quelconque participation de ce dernier à l'entretien ou l'éducation de son enfant ; qu'aucune pièce n'établit qu'il aurait conservé des liens avec la mère de son enfant et ce dernier ; que s'il est soutenu que M. B...et sa compagne ont repris leur relation sentimentale dès 2012 avant de reprendre une vie commune en novembre 2013, il résulte de ce qui vient d'être dit que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France et notamment en République démocratique du Congo, pays où le couple s'était formé et avait donné naissance à leur premier enfant et où M. B...conserve des attaches familiales en la personne notamment de sa mère, de ses deux frères et de sa soeur ; qu'ainsi, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux motifs du refus ; que, dès lors, le préfet du Rhône, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte des circonstances de fait énoncées au point 3 que M. B... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels qui seraient susceptibles de faire regarder le préfet du Rhône comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre à titre exceptionnel au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " (...) 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
7. Considérant que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B... n'a ni pour effet ni pour objet de séparer la famille ; qu'en tout état de cause, s'il fait valoir qu'en cas de départ de France de sa cellule familiale, le fils français de sa compagne serait séparé de son père biologique français, aucune pièce n'établit le maintien de relations entre ce dernier et l'enfant qu'il a reconnu ; que, dès lors, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni celles de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
8. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un Etat membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. / 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : / a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ; (...) Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. " ; que ces stipulations, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne notamment dans ses arrêts C-34/09 du 8 mars 2011 et C-256/11 du 15 novembre 2011, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes ;
9. Considérant que le refus de titre de séjour opposé à M. B...n'emporte par lui-même aucune conséquence sur la situation de l'enfant français de sa compagne et n'a notamment pas pour objet de priver cet enfant de son droit de circuler et séjourner librement sur le territoire des Etats membres de l'Union européenne en sa qualité de citoyen de l'Union ; que, par suite, et alors au demeurant que M. B...n'est pas le père de cet enfant et, en tout état de cause, que, dépourvu de ressources, il n'en assume pas la charge, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne peut qu'être écarté ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant, en premier lieu, que les moyens invoqués à l'encontre de la décision de refus de délivrance de titre de séjour ayant été écartés, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, le préfet du Rhône, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
12. Considérant, en troisième lieu, qu'en l'absence de lien affectif ou matériel avéré entre l'enfant français de la compagne de M. B... et le père français de cet enfant, rien ne fait obstacle à ce que l'ensemble du foyer du requérant se reconstitue hors de France et notamment en République démocratique du Congo, où il s'était constitué ; que, par suite, le préfet du Rhône, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, n'a méconnu ni les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni celles de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
13. Considérant, en dernier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 9, M. B...n'est pas le père de l'enfant français de sa compagne et, dépourvu de ressources, n'en assume pas la charge ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne par la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;
Sur la décision désignant le pays de destination :
14. Considérant que les moyens soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
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N° 17LY01639