Par requête enregistrée le 12 mars 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 30 janvier 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation de pays de destination, interdiction de retour de deux ans, et l'arrêté du 30 janvier 2020 l'ayant assigné à résidence ;
2°) d'enjoindre au préfet, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- le refus de délai de départ volontaire est illégal en ce qu'il est fondé sur une décision elle-même illégale ;
- l'interdiction de retour sur territoire français est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de délai de départ volontaire ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sa durée est entachée d'erreur d'appréciation ;
- la fixation du pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Par mémoire enregistré le 5 mai 2020, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;
- et les observations de Me B... substituant Me A..., pour M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. En premier lieu, la durée de présence en France dont se prévaut M. D..., ressortissant géorgien né le 16 février 1997 et entré en France en décembre 2011 avec ses parents et son frère, a été accomplie en grande partie en situation irrégulière, l'intéressé n'ayant pas déféré aux précédentes décisions de refus de séjour assorties de mesures d'éloignement qui lui ont été opposées le 7 août 2015 et 20 septembre 2018 alors que son maintien sur le territoire en situation irrégulière durant une longue période ne constitue pas un signe d'insertion dans la société française dont les valeurs reposent notamment sur le respect de la loi. Par ailleurs, l'intéressé a nécessairement conservé des attaches privées dans son pays d'origine où ses parents et son frère, également en séjour irrégulier sur le territoire français ont vocation à repartir. Si M. D... fait état de son mariage le 28 décembre 2019 avec une ressortissante russe qui réside régulièrement sur le territoire français, il n'incombe pas à l'administration d'assumer les conséquences de choix personnels du demandeur, qui était en situation irrégulière et ne disposait d'aucune garantie sur son droit au séjour lors de son mariage et de la construction de sa vie familiale qui pourra être poursuivie dans son pays d'origine. Il suit de là que l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas porté d'atteinte excessive à son droit à la vie privée et familiale. En l'absence d'autres éléments, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
2. En deuxième lieu, il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre du refus de délai de départ volontaire.
3. En troisième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé (...) / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
4. Il appartient au préfet, en vertu des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'assortir une obligation de quitter le territoire français sans délai d'une interdiction de retour sur le territoire français sauf dans l'hypothèse où des circonstances humanitaires justifieraient qu'il soit dérogé au principe. M. D... s'est vu refuser tout délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Les circonstances dont il fait état, soit la présence de son épouse sur le territoire français et d'un enfant à naître, ne peuvent être regardées comme des circonstances humanitaires qui auraient pu justifier que l'autorité administrative ne prononçât pas d'interdiction de retour sur le territoire français. S'agissant de la durée de cette interdiction, la décision contenue dans l'arrêté en litige, qui ainsi est suffisamment motivée, fait référence à la circonstance que M. D... a été interpellé le 30 janvier 2020 par les services de la police de Grenoble pour des faits d'usage de faux documents et qu'il est défavorablement connu pour des faits de conduite sans permis commis le 20 septembre 2018, qu'il s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement, à l'absence de liens stables ou anciens en France et par la mention du risque qu'il se soustrait à l'obligation de quitter le territoire prise par le même arrêté. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation ni méconnu les dispositions précitées en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour en France faite à l'intéressé.
5. En quatrième lieu, l'interdiction de retour en litige et sa durée ne font pas obstacle à ce que la cellule familiale de M. D..., notamment avec son épouse et leur enfant à naître, se poursuive dans le pays dont l'un des membres du couple est originaire. Par suite, cette décision ne peut être considérée comme emportant une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
6. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. D... n'est pas fondé à exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour, de l'illégalité de la fixation du pays de destination et, contre l'arrêté d'assignation à résidence, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai.
7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés du 30 janvier 2020 par lesquelles le préfet de l'Isère puis le préfet du Rhône l'a obligé à quitter sans délai le territoire, a fixé le pays de destination, lui a interdit tout retour sur le territoire pendant deux ans et l'a assigné à résidence. Les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que celles aux fins d'injonction sous astreinte.
8. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. D..., partie perdante, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.
N° 20LY01039 2