Par requête enregistrée le 15 juillet 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande et d'annuler le refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois et après remise sous huitaine d'une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de séjour est insuffisamment motivé, ne repose pas sur un examen de sa situation personnelle et méconnaît les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux ;
- il repose à tort sur le motif tiré de la menace qu'il représente pour l'ordre public ;
- il méconnaît les articles L. 313-7 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire doit être annulée par exception d'illégalité du refus de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance du principe général des droits de la défense et de la bonne administration de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il ne peut être éloigné à destination d'un État où il n'a plus de lien.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 17 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Abidjan le 21 septembre 1992 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme C..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 10 mars 2001, déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français en octobre 2017 et compte tenu de sa minorité et de son isolement sur le territoire français, il a été confié à l'aide sociale à l'enfance. Par un arrêté du 5 juillet 2019, le préfet de l'Isère a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions contre le refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays qui lui ont été opposés.
Sur le refus de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté en litige, qui comporte Les motifs de droit et de fait qui le fonde, est suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère, qui a examiné l'ensemble des fondements de la demande de titre de séjour dont il était saisi, se serait abstenu d'examiner la situation personnelle de M. A....
4. En troisième lieu, il ressort de l'arrêté en litige que le préfet de l'Isère, après avoir examiné les différentes demandes de titre de séjour présentées et indiqué, au nombre des motifs de refus, que M. A... avait été interpellé, le 3 juillet 2019, et impliqué dans une affaire d'atteinte à l'intégrité d'une personne pour en déduire qu'en dépit de l'absence de condamnation, son comportement représentait une menace à l'ordre public, aucune pièce du dossier ne permet de tenir pour établies les circonstances ainsi alléguées. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que ce motif est erroné. Toutefois, le refus de séjour en litige est également fondé sur d'autre motifs qu'il appartient à la cour d'examiner.
5. En quatrième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire (...) qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".
6. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge, saisi d'un moyen en ce sens de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste sur l'appréciation ainsi portée de la situation personnelle de l'intéressé.
7. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... répond aux conditions d'âge, de prise en charge par l'aide sociale à l'enfance et de suivi d'une formation professionnelle, en l'espèce un certificat d'aptitude professionnelle de peintre-applicateur de revêtements, et si sa demande fait l'objet d'un avis favorable de la structure d'accueil, il conserve de fortes attaches familiales en Côte d'Ivoire où vivent ses parents, et ses deux frères avec qui il lui appartient de renouer dès lors qu'aucune contrainte extérieure à sa volonté n'y fait obstacle. Au regard de ces critères, qui ont tous été examinés car recueillis par l'administration à l'occasion de l'instruction de la demande de titre dont elle était saisie, particulièrement de la présence de plusieurs membres de sa famille proche dans son pays d'origine et en l'absence d'éléments significatifs tenant à sa formation scolaire ou son insertion sociale, le préfet a pu, sans erreur manifeste d'appréciation, regarder comme insuffisant le bilan de la présence de M. A... en France pour compenser le critère relatif aux liens qu'il conserve en Côte d'Ivoire et qui doivent lui permettre de ne pas y être isolé.
8. Le préfet de l'Isère aurait pris la même décision de refus de séjour en se fondant uniquement sur ces circonstances. Par suite, l'erreur dans les motifs de l'arrêté en litige concernant la menace à l'ordre public que constituerait M. A... n'est pas de nature à emporter l'annulation du refus de séjour en litige.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un État membre est inopérant. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
10. Lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche volontaire, ne saurait ignorer que cette demande est susceptible de faire l'objet d'un refus sans avoir été préalablement convoqué par les services du préfet à un entretien. Par ailleurs, l'étranger peut produire, à l'appui de sa demande et à tout moment de la procédure d'instruction, toutes observations écrites et tous éléments complémentaires susceptibles de venir à son soutien, au besoin en faisant état de nouveaux éléments. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour en litige méconnaît les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux et le principe général des droits de la défense.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant " (...) ". Aux termes de l'article 4 de cette convention : " Pour un séjour de plus de trois mois : (...) - les ressortissants ivoiriens à l'entrée sur le territoire français doivent être munis d'un visa de long séjour et des justificatifs prévus aux articles 5 à 9 ci-après, en fonction de la nature de leur installation ".
12. Le droit au séjour des ressortissants ivoiriens en France en qualité d'étudiant est intégralement régi par les stipulations précitées de l'article 9 de convention franco-ivoirienne signée le 21 septembre 1992. Dès lors, les dispositions alors codifiées à l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables aux ressortissants ivoiriens désireux de poursuivre leurs études en France. En l'espèce, le préfet de l'Isère pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 313-7 du code et celles de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne. Le pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité administrative en vertu des stipulations de l'article 9 de convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 est le même que celui dont elle dispose pour l'application de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les garanties dont sont assortis ces textes sont similaires et il suit de là que le préfet de l'Isère aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les stipulations précitées de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne, soit en l'espèce, l'absence de visa pour une durée supérieure à trois mois, circonstance qui n'est pas remise en cause par M. A.... Dès lors, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant est entaché d'illégalité.
13. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que le refus de séjour en litige méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation doivent, en l'absence d'éléments nouveaux en appel, être écartés par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
14. En premier lieu et en l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour, l'exception d'illégalité de cette décision à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écartée.
15. En second lieu, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français en litige méconnaîtrait le droit d'être entendu et les droits de la défense ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent, en l'absence d'éléments nouveaux en appel, être écartés par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
Sur la fixation du pays de renvoi :
16. Contrairement à ce que soutient M. A... et ainsi qu'il a été rappelé au point 7, il ne sera pas isolé dans son pays d'origine où résident encore ses parents et ses deux frères. Par suite, la décision fixant la Côte d'Ivoire comme pays de renvoi n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.
17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français avec fixant le pays de renvoi prononcé à on contre par le préfet de l'Isère le 5 juillet 2019. Dès lors, les conclusions de sa requête, présentées aux mêmes fins, doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.
N° 20LY01852 2