Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 21 août 2020, M. B... représenté par Me D... demande à la cour :
1°) le cas échéant, après avoir saisi avant dire-droit les autorités guinéennes par la voie diplomatique aux fins d'authentification des actes d'état civil qu'il produit, d'annuler ce jugement et l'arrêté susmentionné ;
2°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les motifs du refus de séjour sont entachée d'inexactitude matérielle, d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des critères de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ils méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre, elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de délai de départ volontaire est illégal par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre et de l'obligation de quitter le territoire, son motif ne repose pas sur un risque de soustraction à la mesure d'éloignement ;
- l'interdiction de retour ne repose pas une menace à l'ordre public ;
- la fixation du pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement.
La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère ;
- et les observations de Me A..., substituant Me D..., pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E... B..., ressortissant guinéen déclare être né en octobre 2001, et être entré irrégulièrement en France en janvier 2018. Le 7 octobre 2019, il a demandé la délivrance d'une carte de séjour temporaire de jeune majeur. Par arrêté du 15 novembre 2019, le préfet de Saône-et-Loire a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour pendant un an. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance (...) d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-15 du même code : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 111-6 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
4. Pour établir sa minorité à son arrivée en France M. B... a produit un jugement supplétif rendu le 13 novembre 2018 et un extrait d'acte de transcription de naissance n° 692. Le préfet de Saône et Loire fait valoir que le jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance comporte plusieurs anomalies au regard des prescriptions des articles 175 et 443 du code civil guinéen, notamment l'absence des dates de naissance du père et de la mère de l'intéressé et que l'extrait du registre de transcription a été établi en méconnaissance des délais de prescription en vigueur dans la code de procédure civile guinéen. M. B... ne saurait utilement se prévaloir de la légalisation de ces actes par le ministère des affaires étrangères guinéen, dès lors que la procédure de légalisation a pour seul objet d'attester de la véracité de la signature et de la qualité du signataire de l'acte, non pas du respect des conditions d'édiction de l'acte. Enfin, la carte d'identité consulaire, même accompagnée d'une attestation de l'ambassade de la république de Guinée, n'est pas un document d'état civil. Le préfet a pu, sans méconnaître l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 47 du code civil, écarter les documents produits à l'appui de la demande de titre de séjour et regarder M. B... comme ne remplissant pas la condition d'âge prescrite par l'article L. 313-15 précité, sans égard aux critères de formation, de résultats obtenus, de l'intégration et des liens familiaux dans le pays d'origine qui ne doivent être examinés que si cette condition est remplie.
5. M. B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux et sans critiquer les motifs retenus par le premier juge, le moyen tiré de ce que la décision en litige méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. L'exception d'illégalité du refus de titre dirigée contre l'obligation de quitter le territoire doit être écartée par le motif des points 3 à 5 et il y a lieu d'écarter par les motifs du tribunal les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'erreur manifeste d'appréciation directement invoqués contre la mesure d'éloignement, que M. B... se borne à reproduire en appel.
Sur le refus de délai de départ volontaire :
7. L'exception d'illégalité de la mesure d'éloignement dirigée contre le refus de délai de part volontaire doit être écartée par le motif du point 6 et il y a lieu d'écarter par les motifs du tribunal le moyen tiré de l'absence de motif tiré du risque de fuite, que M. B... se borne à reproduire en appel.
Sur l'interdiction de retour :
8. Il appartenait au préfet, en vertu des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'assortir l'obligation de quitter le territoire français sans délai d'une interdiction de retour sur le territoire français. L'intéressé ne se prévaut, en outre, d'aucune circonstance humanitaire au sens de ces dispositions. Ainsi, et nonobstant la circonstance, à la supposer établie, qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public et qu'il a pas souhaité induire en erreur l'administration, le préfet de Saône et Loire n'a pas méconnu les dispositions précitées en prenant une telle mesure.
Sur la fixation du pays de destination :
9. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
10 La remise en cause de l'âge de M. B... est sans effet sur la détermination de sa nationalité ni, par voie de conséquence, sur la fixation du pays de renvoi.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner avant dire-droit que soient saisies les autorités guinéennes par la voie diplomatique, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 15 novembre 2019 prises à son encontre par le préfet de Saône-et-Loire. Les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il présente sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.
N° 20LY02414 2