Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 30 septembre 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Savoie du 23 janvier 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. D... soutient que :
- le retrait de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 15 mars 2021, la requête a été dispensée d'instruction.
Par une décision du 19 août 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. D....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme C..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D..., ressortissant kosovar né le 14 janvier 1972, est entré en France en décembre 2014 selon ses déclarations. Le bénéfice de la protection au titre de l'asile lui a été refusé en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 4 octobre 2016. Le 22 novembre 2016, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 3 avril 2017, le préfet de la Savoie lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... a contesté la légalité de cet arrêté devant le tribunal administratif de Grenoble qui, par jugement du 12 octobre 2017, l'a annulé et enjoint au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Le préfet de la Savoie a interjeté appel de ce jugement devant la cour administrative de Lyon qui, par arrêt du 10 juillet 2018, a annulé le jugement du 12 octobre 2017 et rejeté la demande de l'intéressé. Par un arrêté du 23 janvier 2019, le préfet de la Savoie lui a retiré son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement du 20 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
Sur la recevabilité de la demande tendant à l'annulation de la décision portant retrait de titre de séjour :
2. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation, prend une nouvelle décision qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement d'annulation, la décision du juge d'appel statuant au fond a pour effet, si elle annule le jugement d'annulation, de rétablir la décision initiale dans l'ordonnancement juridique et entraîne, ce faisant, la sortie de vigueur de la décision qui n'avait été prise que pour l'exécution du jugement annulé.
3. Il résulte de ce qui précède qu'à la date de l'arrêté en litige, par lequel le préfet de la Savoie a retiré à M. D..., à compter du 23 janvier 2019, le titre de séjour qui lui avait été délivré en exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 octobre 2017, ledit jugement avait été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel du 10 juillet 2018 qui avait entraîné la sortie de vigueur de la décision, qui n'avait été prise que pour l'exécution du jugement annulé, par laquelle ledit préfet avait délivré à M. D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 7 mars 2018 au 6 mars 2019. Ainsi, le retrait de ce titre n'avait pas le caractère d'une décision faisant grief. Les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Savoie du 23 janvier 2019 portant retrait dudit titre, présentées devant le tribunal administratif de Grenoble, n'étaient, dès lors, pas recevables.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
5. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit, la décision par laquelle le préfet de la Savoie avait délivré une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. D..., en exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 octobre 2017, était sortie de vigueur depuis le 10 juillet 2018, par l'effet de l'arrêt de la cour du même jour ayant annulé ledit jugement. Ainsi, à la date de l'arrêté en litige, l'intéressé était dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.
6. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le 22 novembre 2016, M. D... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le médecin de l'agence régionale de santé a émis un avis selon lequel l'état de santé de M. D... nécessitait des soins dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine pour sa prise en charge médicale. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, par un arrêt du 10 juillet 2018, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Lyon a constaté que le préfet de la Savoie établissait que les soins requis par l'état de santé de M. D... étaient disponibles au Kosovo et a annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble qui avait annulé l'arrêté du 3 avril 2017 et enjoint au préfet de la Savoie de délivrer, à M. D..., un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Invité à présenter ses observations par le préfet, qui l'informait de ce qu'il avait l'intention de lui retirer son titre de séjour, M. D... n'a produit ni observation ni pièce nouvelle. Au regard de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt déjà mentionné de la cour et en l'absence de circonstances de droit ou de fait nouvelles relatives à la disponibilité du traitement au Kosovo, le préfet de la Savoie n'avait pas à saisir le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration préalablement à l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. D..., ressortissant kosovar, déclare être entré en France en décembre 2014 à l'âge de quarante-deux ans et y résidait depuis quatre ans et un mois au jour de la décision attaquée. S'il se prévaut d'un contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité de plaquiste, celui-ci a été conclu le 16 janvier 2019, soit quelques jours avant la décision attaquée. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il ait noué, en France, des liens anciens, intenses et stables alors, au demeurant, qu'il conserve de telles attaches dans son pays d'origine où résident sa femme et ses trois enfants mineurs. En outre, ainsi qu'il a été dit, il n'est pas fondé à soutenir que les médicaments adaptés à son état de santé ne seraient pas disponibles au Kosovo. Ainsi, eu égard aux conditions, à la durée de son séjour et au temps passé dans son pays d'origine où il conserve des attaches, la décision ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
10. Si M. D..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile, affirme qu'il fait l'objet de menaces dans son pays d'origine, il ne l'établit pas. Dès lors, le moyen tiré de la violation par la décision fixant le pays de destination des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Par ailleurs, pour les motifs exposés au point 6, le moyen tiré de ce que la décision fixant le Kosovo comme pays de renvoi serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'impossibilité pour M. D... d'y bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé, doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est ni fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande relative au titre de séjour, ni fondé à soutenir que c'est à tort qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.
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N° 20LY02847
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