Procédures devant la cour
Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2020, la préfète de la Loire demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. C....
Elle soutient que le droit au séjour de M. C... en qualité de demandeur d'asile avait pris fin dès la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dès lors qu'il provient d'un pays d'origine sûr, que l'intéressé pouvait ainsi faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et que les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. C... qui n'a pas produit d'observations.
Par une décision n° 20LY03425 du 17 décembre 2020, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a prononcé le sursis à l'exécution de ce jugement jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête formée par la préfète de la Loire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant ghanéen né le 7 juillet 1998, entré en France le 1er octobre 2018, selon ses déclarations, a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 janvier 2020. Par un arrêté du 29 juin 2020, la préfète de la Loire l'a obligé à quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2005067 du 28 septembre 2020, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté, a enjoint à la préfète de la Loire de délivrer à l'intéressé l'attestation de demandeur d'asile dans un délai de sept jours à compter de la notification du jugement, sous réserve de modification de circonstances de fait, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Bockondas, avocat, en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. La préfète de la Loire relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Par dérogation à l'article L. 743-1, (...) le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...). ". Aux termes du I. de l'article L. 723-2 du même code, dans sa version alors en vigueur : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 722-1 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Un pays est considéré comme un pays d'origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément pour les hommes comme pour les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle, il n'y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle dans des situations de conflit armé international ou interne. Le conseil d'administration fixe la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs, dans les conditions prévues à l'article 37 et à l'annexe I de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. ". Enfin, par une délibération du 9 octobre 2015, le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a inclus le Ghana dans la liste des pays d'origine sûrs.
3. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par M. C... a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant en procédure accélérée sur le fondement du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. C... est ressortissant du Ghana, pays d'origine sûr. Cette décision a été dûment notifiée à l'intéressé le 20 février 2020. M. C... avait ainsi, à la date de l'arrêté contesté, le 29 juin 2020, perdu son droit au maintien sur le territoire français et pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il a formé, le 9 juin 2020, un recours devant la Cour nationale du droit d'asile, ce recours n'étant pas de nature à lui conférer un droit au séjour. Par suite, c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a estimé que la préfète de la Loire avait porté atteinte au droit d'asile de M. C... en prenant à son encontre une mesure d'éloignement.
4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande présentée par M. C....
Sur les autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles il se fonde, en particulier le 6° du I de l'article L. 511-1, précise que la demande d'asile présentée par M. C... a été rejetée et que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, et enfin rappelle les éléments de fait relatifs à sa situation personnelle et familiale. En conséquence, cet arrêté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé.
6. En deuxième lieu, la préfète de la Loire n'a commis aucune erreur de fait en s'abstenant de mentionner que M. C... avait formé à l'encontre de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 janvier 2020 un recours devant la Cour nationale du droit d'asile.
7. En dernier lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'en obligeant M. C..., qui est entré très récemment en France, et qui n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales au Ghana, à quitter le territoire français, la préfète de la Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur le moyen dirigé contre la décision fixant le pays de destination :
8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
9. M. C..., qui se borne à se prévaloir de sa qualité de demandeur d'asile et à affirmer, sans aucune précision, que sa vie et sa liberté sont menacés en cas de retour au Ghana, n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il serait effectivement exposé dans ce pays à des risques de traitements inhumains ou dégradants. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, le 13 juillet 2020. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
10. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Loire est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 29 juin 2020. Par voie de conséquence, les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Lyon par M. C... doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2005067 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon du 28 septembre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Lyon par M. C... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 3 juin 2021.
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N° 20LY03173