Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 30 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet, dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. C... soutient que :
- l'insuffisance de motivation en fait de l'arrêté révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet s'est, à tort, estimé lié par l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- le refus de titre de séjour méconnait le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il entend reprendre les moyens et arguments invoqués en première instance tirés de l'incompétence du signataire de l'acte, du vice de procédure, de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du défaut d'examen de sa situation personnelle par le préfet avant de fixer le pays de destination et de la méconnaissance, par cette décision de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme B..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant burkinabé né le 19 décembre 1970, est selon ses déclarations, entré en France le 9 avril 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 10 juillet 2017 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée le 17 décembre 2018 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Il a sollicité, le 26 juin 2019, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 janvier 2020, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 3 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par M. Philippe Portal, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, qui disposait d'une délégation de signature à cette fin, consentie par arrêté préfectoral du 26 septembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 1er octobre 2019. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire, qui manque en fait, doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'arrêté en litige, qui fait état du rejet de la demande d'asile de M. C... et de l'avis du collège des médecins de l'OFII, précise les conditions de son entrée et de son séjour en France et mentionne en particulier ses efforts d'intégration et les relations amicales et sociales qu'il a pu nouer sur le territoire national tout en soulignant qu'il a conservé de très fortes attaches familiales au Burkina Faso où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-six ans. Cette motivation est suffisante au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et ne révèle pas l'existence d'un défaut d'examen de la situation particulière de M. C... par le préfet de l'Isère.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier de première instance, et en particulier du bordereau de transmission signé par la directrice territoriale de l'OFII le 26 septembre 2019, qu'un rapport médical a été établi le 17 septembre 2019 par le Dr Delaforest, lequel n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'OFII qui a rendu, le 26 septembre 2019, un avis sur l'état de santé de M. C.... Ce collège était régulièrement composé de trois médecins, les Dr Beaupère, Amoussou et Gerlier, désignés par le directeur général de l'OFII par décision du 18 juillet 2019. Le moyen tiré d'un vice entachant la procédure à l'issue de laquelle la décision de refus de titre de séjour a été prise ne peut donc qu'être écarté.
6. D'autre part, par son avis émis le 26 septembre 2019, le collège des médecins de l'OFII a estimé que, si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le collège n'avait pas à se prononcer sur la possibilité pour l'appelant de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine.
7. Pour contester la décision de refus de titre de séjour prise par le préfet de l'Isère au vu de cet avis, M. C... soutient qu'il est atteint d'une maladie oculaire, un glaucome chronique, pouvant conduire, à défaut d'un traitement approprié, à la cécité. Il produit, pour la première fois en appel, deux certificats médicaux établis postérieurement à la décision contestée, ainsi qu'un mémoire de Master 2 d'une élève infirmière de l'Institut de formation et de recherche interdisciplinaire en sciences de la santé et de l'éducation (IFRISSE) du Burkina Faso, lesquels ne se prononcent pas de manière circonstanciée sur les risques personnels auxquels l'intéressé s'expose en l'absence de prise en charge. Le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut donc qu'être écarté.
8. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère se serait, à tort, estimé lié par l'avis émis le 26 septembre 2019 par le collège des médecins de l'OFII.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
10. M. C... fait valoir qu'il vit en France depuis plus de trois ans à la date de l'arrêté contesté, qu'il est atteint d'une pathologie oculaire et qu'il ne peut bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine, qu'il a noué des liens personnels, amicaux et sociaux, en France et qu'il est très impliqué dans plusieurs associations du bassin grenoblois. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France à l'âge de quarante-six ans après avoir passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où vivent en particulier son épouse et ses trois enfants dont un est mineur. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit au point 7 du présent arrêt, M. C... n'établit pas que le défaut de prise en charge de sa pathologie oculaire entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il n'établit pas davantage qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dès lors, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises. Le préfet de l'Isère n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. "
12. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence de prise en charge médicale de M. C... soit susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. L'intéressé ne démontre pas davantage qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie oculaire dans son pays d'origine. D'autre part, l'intéressé, dont la demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la CNDA le 17 décembre 2018, n'établit pas l'existence de risques personnels et actuels encourus en cas de retour au Burkina Faso. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit donc être écarté.
13. En dernier lieu, il ne ressort ni des termes de cette décision, ni des pièces du dossier que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation avant de fixer le pays à destination duquel M. C... pourra être reconduit en cas d'exécution forcée.
14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit en conséquence être rejetée y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.
2
N° 20LY02961
gt