Par une requête, enregistrée le 8 août 2020, présentée pour M. et Mme A... D..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2000173, 2000175 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 4 février 2020 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet d'enregistrer leurs demandes d'asile en procédure normale dans un délai de quarante-huit heures à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer leur situation dans le même délai et de prononcer la suspension des décisions litigieuses dans l'attente du réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à leur conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les décisions de transfert sont insuffisamment motivées et sont intervenues en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;
- elles méconnaissent les stipulations des articles 3.2 et 17 du règlement n° 604/2013/UE et celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la situation de violence généralisée en Libye.
Par un mémoire, enregistré le 7 septembre 2020, le préfet du Rhône conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête.
Il soutient que les décisions en litige ne sont plus en vigueur et ne peuvent plus produire d'effets depuis le 4 août 2020.
M. et Mme A... D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juillet 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Seillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D..., ressortissante algérienne née le 28 juin 1969 à Relizane (Algérie) et son époux M. A... D..., ressortissant libyen né le 31 mars 1969 à Tripoli (Libye), déclarent être entrés irrégulièrement en France le 10 août 2019, afin de solliciter l'asile. La consultation du fichier européen EURODAC a fait alors apparaître, d'une part, que Mme A... D... avait été identifiée notamment en Allemagne où elle avait sollicité l'asile le 5 juin 2018, et, d'autre part, que M. A... D... avait été également été identifié en Allemagne où il avait sollicité l'asile le 5 juin 2018. Les autorités allemandes, saisies le 6 novembre 2019, sur le fondement de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, de demandes de reprise en charge des intéressés, ont donné leur accord explicite par des décisions du 14 novembre 2019. Par des arrêtés du 9 janvier 2020 le préfet du Rhône a ordonné la remise de M. et Mme A... D... aux autorités allemandes pour l'examen de leurs demandes d'asile. M. et Mme A... D... relèvent appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
2. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil : " Le transfert du demandeur (...) de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue (...) au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé (...) / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". En vertu des dispositions de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert peut en demander l'annulation au président du tribunal administratif. Aux termes du second alinéa de l'article L 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'État requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter du jugement par lequel le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. En cas de rejet du recours par le premier juge, ce délai court à compter de la notification à l'administration du jugement qui, l'appel étant dépourvu de caractère suspensif, rend à nouveau la mesure de transfert susceptible d'exécution.
4. En l'espèce, le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder à la remise de M. et Mme A... D... aux autorités allemandes a recommencé à courir à compter du 5 février 2020, date à laquelle le préfet du Rhône a reçu notification du jugement du tribunal administratif de Lyon. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale aurait notifié aux autorités allemandes une décision de porter à un an ou dix-huit mois le délai de remise après avoir constaté que les intéressés auraient pris la fuite ou qu'ils auraient été emprisonnés et il en ressort que les décisions de transfert n'ont pas été exécutées au 5 août 2020, date d'expiration de ce délai de six mois. Dans ces conditions, les décisions de transfert en litige sont devenues caduques dès le 5 août 2020. Par suite, les conclusions présentées par M. et Mme A... D... tendant à l'annulation des arrêtés du 9 janvier 2020 portant transfert vers l'Allemagne ainsi que du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon étaient sans objet à la date d'enregistrement, le 8 août 2020, et la présente requête doit, dès lors, être rejetée comme irrecevable.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 20LY02239 de M. et Mme A... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... épouse A... D..., à M. F... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président ;
Mme Djebiri, premier conseiller ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.
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N° 20LY02239