- d'enjoindre au président de l'établissement de réexaminer sa situation après consultation des organismes paritaires compétents.
Par jugement n° 1601181-1601209 lu le 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 1er janvier 2016 portant affectation de M. D... aux fonctions de sous-directeur en charge de la voirie au 1er janvier 2016, a enjoint au président de la communauté de communes Bièvre Isère de réexaminer la situation de M. D... et de le mettre à même de consulter son dossier et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés le 10 octobre 2018 et les 17 mai 2019, 13 janvier et 17 février 2020, la communauté de communes Bièvre Isère, représentée par la Selarl Itinéraires avocats, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement n° 1601181-1601209 en ce qu'il a annulé la décision d'affectation de M. D..., a enjoint à son président de réexaminer la situation de l'intéressé en le mettant à même de consulter son dossier, et de rejeter les demandes présentées à ces fins par M. D... devant le tribunal ;
2°) de rejeter l'appel de M. D... ;
3°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement a irrégulièrement fait droit à une demande d'annulation irrecevable car dirigée contre une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours ;
- subsidiairement, le moyen tiré du défaut de consultation de la commission administrative paritaire manque en fait, cette instance ayant été consultée préalablement au changement d'affectation de M. D... ;
- le moyen tiré du défaut de communication du dossier dirigé contre cette mesure qui n'a pas entraîné de diminution de responsabilités, doit être écarté comme inopérant ; en tout état de cause, le dossier individuel a été communiqué le 19 octobre 2015 ;
- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de M. D... tendant à annuler la décision d'organisation des services de la nouvelle communauté de communes Bièvre Isère telle qu'appliquée à compter du 1er janvier 2016 ;
- les conclusions de M. D... portant sur un litige distinct du litige au principal ont été introduites après l'expiration du délai d'appel et sont irrecevables ;
- la demande de M. D... dirigée contre la décision d'organisation des services est irrecevable : cette mesure ne porte atteinte ni aux conditions d'emploi de l'agent, ni à sa rémunération ;
- les présidents des précédentes structures étaient compétents, à la date à laquelle l'organisation nouvelle a été définie, pour la déterminer, en tout état de cause avant le 1er janvier 2016 ;
- l'article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales ne prévoit pas la consultation du comité technique paritaire (CTP) pour avis sur la réorganisation des services envisagées ; la décision de réorganisation des services a été adoptée au terme d'une procédure régulière et sans erreur de droit ;
- les développements de M. D... afférents à la restitution de la compétence voirie sont inopérants.
Par mémoires enregistrés les 28 novembre 2018, 10 janvier 2019, 6 décembre 2019, 23 janvier et 26 février 2020, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de rejeter la requête de la communauté de communes Bièvre Isère ;
2°) de réformer le jugement n° 1601181-1601209 en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'organisation des services de la communauté de communes Bièvre Isère ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Bièvre Isère la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- en outre, son affectation présente un caractère disciplinaire et constitue une sanction déguisée ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de l'organisation des services de la communauté de communes issue de la fusion des deux communautés de communes ;
- sa demande en appel est recevable, il existe un lien direct entre la décision d'organisation générale de la nouvelle collectivité et sa situation individuelle ;
- les présidents des deux collectivités fusionnées sont incompétents pour prendre les mesures d'organisation de la nouvelle collectivité ;
- la consultation a postériori du comité technique de la nouvelle collectivité méconnaît les articles 32, 33, 33-1 de la loi n° 83-53 du 24 janvier 1984 et du décret n° 85-865 du 30 mai 1985.
Par ordonnance du 17 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- les observations de Me C... pour la communauté de commune de Bièvre Isère ainsi que celles de Me B... pour M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ingénieur territorial, a été affecté jusqu'au 31 décembre 2015 aux fonctions de directeur des services techniques de la communauté de communes de la région Saint-Jeannaise dont la fusion avec la communauté de communes Bièvre Isère, au 1er janvier 2016, a été prononcée par arrêté préfectoral du 1er décembre 2015. M. D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision de réorganisation des services prise consécutivement à la fusion des deux établissements et la décision l'affectant aux fonctions de sous-directeur de la voirie de la nouvelle communauté de communes Bièvre Isère, au 1er janvier 2016. Par jugement n° 1601181-1601209 lu le 19 juillet 2018, le tribunal a fait droit à la demande d'annulation de la décision d'affectation et a rejeté le surplus de ses demandes d'annulation. La communauté de communes de Bièvre Isère relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision d'affectation de M. D.... M. D... relève appel du rejet du surplus de ses demandes.
Sur l'appel de la communauté de communes de Bièvre Isère :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics ne peuvent être regardées comme de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours que si, tout en modifiant l'affectation ou les tâches confiées à ces agents, elles ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives que ceux-ci tiennent de leur statut.
3. Or, il ressort des pièces du dossier que M. D... a été affecté d'un établissement public à un autre avec changement de résidence administrative. Cette mesure qui emporte les effets d'une mutation au sens des articles 51 et 52 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, porte atteinte aux garanties statutaires prévues par ces dispositions ce qui suffit à la faire regarder comme une décision susceptible de faire l'objet d'un recours. Il suit de là que le tribunal n'a pas irrégulièrement statué, pour y faire droit, sur la demande d'annulation dont il était saisi.
En ce qui concerne le fond du litige :
4. Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les fonctionnaires civils (...) ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes (...) et tous autres documents composant leur dossier (...) ". Si la décision individuelle litigieuse, prise en considération de l'expérience et des qualifications de M. D..., donc de sa personne, ne pouvait intervenir sans que celui-ci ait été mis à même d'obtenir communication de son dossier, le processus de fusion et la diffusion de l'organigramme de la future communauté de communes, en novembre 2015, ont permis à chaque agent de demander la communication de son dossier afin d'y extraire les arguments favorables à l'affectation qui avait sa préférence. Il suit de là que la communauté de communes de Bièvre Isère est fondée à soutenir que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées, qui ne font pas obligation d'inviter l'agent à demander la consultation préalable de son dossier, aurait dû être écarté par le tribunal.
5. Cependant, aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires (...) ".
6. L'affectation de M. D... aux fonctions de responsable de la voirie de l'établissement public de coopération intercommunal nouvellement constitué a entraîné une modification d'attributions et un changement de résidence administrative. Elle a ainsi comporté, au sens des dispositions précitées, une modification de la situation de l'intéressé rendant nécessaire la consultation de la commission administrative paritaire sur les deux effets de la mesure. Or, il ressort des pièces du dossier que cette instance collégiale n'a émis d'avis, le 15 décembre 2015, que sur le changement de résidence administrative. En ce que la consultation de la commission, a fortiori lorsque l'affectation est prononcée d'office, a pour objet d'obliger l'administration à justifier son choix devant les membres de l'instance collégiale, l'irrégularité qui a consisté, de la part de l'autorité investie du pouvoir de nomination, à s'en dispenser a privé M. D... d'une garantie et a vicié la décision d'affectation.
7. Ce vice de procédure suffisant à entraîner l'annulation de la décision en litige, la communauté de communes Bièvre Isère n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision par laquelle le président de la communauté de communes Bièvre Isère a affecté M. D... aux fonctions de sous-directeur affecté à la voirie, au 1er janvier 2016. Les conclusions de sa requête présentées à cette fin doivent être rejetées.
8. Eu égard au motif d'annulation subsistant à l'issue de l'instance d'appel, le jugement ne pouvait impliquer nécessairement, au sens des articles L 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, que soit enjoint au président de la communauté de communes de Bièvre Isère de mettre à même M. D... de demander la communication de son dossier. La mesure d'injonction délivrée par l'article 3 du dispositif du jugement attaqué doit, dès lors, être annulée et la demande présentée à cette fin par M. D..., rejetée.
Sur l'appel de M. D... :
9. Alors que le jugement attaqué lui a été notifié le 10 août 2018, M. D... a demandé, après l'expiration du délai d'appel, la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'organisation des services de la communauté de commune de Bièvre Isère. Ces conclusions, qui soulèvent un litige distinct de celui de l'appel principal sont tardives et doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur les conclusions présentes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la communauté de communes Bièvre Isère, tandis que les conclusions de M. D..., partie perdante, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 3 du jugement n° 1601181-1601209 du tribunal administratif de Grenoble lu le 19 juillet 2018 est annulé en tant qu'il a enjoint au président de la communauté de communes Bièvre Isère de mettre à même M. D... de demander la communication de son dossier administratif.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la communauté de communes de Bièvre Isère est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de M. D... sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Bièvre Isère et à M. A... D....
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.
N° 18LY03765 2