Par jugement n° 2005298 lu le 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par requête, enregistrée le 18 décembre 2020, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2005298 du tribunal administratif de Grenoble lu le 19 novembre 2020 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous un mois, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sans délai ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- dès lors que les éléments produits par le préfet, tirés de la consultation du fichier Visabio, dans des conditions ne permettant pas d'établir la qualité de l'agent ayant procédé à cette consultation, et du caractère faux de l'acte de naissance produit, ne sont pas de nature à remettre en cause la présomption de validité, résultant de l'article 47 du code civil, de l'acte de naissance qu'il a produit, alors qu'il a produit en outre un passeport dont l'authenticité n'a pas été remise en cause, et, par suite, de remettre en cause son identité et son âge à la date de son entrée en France, il avait droit à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il remplit toutes les conditions d'attribution ;
- le refus de titre méconnaît également les dispositions de l'article L. 313-11-7° du même code.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observation.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 février 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., se présentant comme un ressortissant de nationalité guinéenne né le 20 juillet 2001 à Conakry (République de Guinée), qui déclare être entré en France en août 2018 et a fait l'objet d'une décision de placement provisoire auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Annecy du 12 septembre 2018, a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 6 août 2020 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 388 du code civil : " Le mineur est l'individu (...) qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. / Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. / Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé (...) ".
3. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Cet article dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
5. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par M. A... sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers le préfet de la Haute-Savoie s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé n'avait pas apporté d'indications suffisamment probantes de son état-civil, après avoir constaté, d'une part, que, si l'intéressé, lors du dépôt de sa demande de titre de séjour, avait présenté initialement un extrait d'acte de naissance, les services consulaires de l'ambassade de France en République de Guinée avaient indiqué qu'il s'agissait d'un faux grossier, ce qui résultait à la fois du constat de ce que le registre mentionné ne correspondait pas au numéro du feuillet de l'acte et de l'absence de signature du déclarant comme de l'officier d'état-civil et, d'autre part, que la consultation du fichier Visabio, prévue par les dispositions alors codifiées à l'article L. 611-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avait permis de constater, en se fondant sur la correspondance des empreintes digitales, que l'intéressé avait sollicité un visa, délivré en 2018 par les autorités espagnoles, sous une identité différente, comportant un autre prénom, une autre nationalité (Guinée Bissau) et une date de naissance au 10 décembre 1985, le préfet ayant relevé que la photographie figurant dans le fichier Visabio correspondait à celle de M. A....
6. D'une part, l'accès aux fichiers Visabio et VIS implique que les agents des préfectures affectés au traitement des demandes d'asile disposent de codes personnels d'identification valant habilitation personnelle de l'autorité préfectorale. M. A... se bornant à remettre en cause, par principe, l'habilitation de l'agent qui a consulté ces fichiers, n'appuie sa contestation d'aucun élément objectif. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure dans la consultation du fichier Visabio doit être écarté.
7. D'autre part, dès lors que M. A... se borne à évoquer une erreur matérielle sans remettre en cause les constatations opérées par les services de l'ambassade de France à Conakry sur le caractère falsifié de l'extrait d'acte de naissance qu'il avait produit, résultant du constat ce que, eu égard à son numéro de feuillet, soit 119, il ne pouvait se trouver sous le numéro de registre 1 indiqué dans le document produit, chaque registre ne comportant que cent feuillets, ce que ne conteste pas le requérant, et nonobstant la circonstance qu'il avait également produit un passeport, document d'identité ne disposant d'aucune force probante particulière, ces documents ne sont pas de nature à établir son identité ni son âge lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance. Eu égard aux incohérences relevées par le préfet de la Haute-Savoie entre les différents passeports successivement produits par le requérant et au caractère falsifié de l'acte de naissance produit par celui-ci, et nonobstant la circonstance que M. A... avait été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance, les pièces versées au dossier par le requérant ne sont pas de nature à établir son identité ni son âge Dès lors, le préfet a pu, à juste titre, à défaut pour le demandeur d'établir la réalité de son âge, refuser pour ce motif de lui délivrer la carte de séjour demandée sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions alors codifiées au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, déjà soulevés en première instance, doivent être écartés pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.
Le rapporteur,
Ph. SeilletLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY03727
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