Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er octobre 2020 et 16 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Rodrigues, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon et de renvoyer sa requête devant le tribunal administratif de Lyon ou, statuant à nouveau, d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2019 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois, subsidiairement, de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour et de travail sous huitaine ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de séjour ne repose pas sur un examen particulier des circonstances de sa situation ;
- il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été pris au vu d'un rapport inconsistant et ne précise pas l'accessibilité aux soins dans le pays d'origine ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la fixation du pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 septembre 2020.
Par lettre du 15 juin 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'incompétence du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon pour statuer sur les conclusions présentées par Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2019 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination dès lors que la mesure d'éloignement en litige a été pris suite à une demande de titre de séjour et donc sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le contentieux relève d'une formation collégiale de la juridiction de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Burnichon, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante camerounaise née le 24 août 1985, entrée régulièrement en France le 11 août 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa court séjour de trente jours, a obtenu un titre de séjour valable du 12 octobre 2016 au 11 octobre 2017 en raison de son état de santé. Par arrêté du 28 octobre 2019, le préfet du Rhône a refusé de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement lu le 18 juin 2020 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes des dispositions alors codifiées au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié (...) a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° (...) ".
3. Par ailleurs, les dispositions alors codifiées du I, du I bis et du II de l'article L. 512-1 du même code définissent des régimes contentieux distincts applicables à la contestation par un étranger mentionné à l'article L. 511-1 précité de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français selon le fondement de cette obligation et selon que cette dernière a été assortie ou non d'un délai de départ volontaire, hors les cas où il est par ailleurs placé en rétention ou assigné à résidence. Ainsi, aux termes du I des dispositions alors codifiées de l'article L. 512-1, dans leur rédaction alors applicable : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8°du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination (...) / Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine (...) ". Aux termes de son I bis : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français litigieuse, prise dans le même arrêté que le refus de titre de séjour, repose sur les dispositions alors codifiées aux 3° et 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, dès lors que le I des dispositions alors codifiées de l'article L. 512-1 précité a expressément prévu la compétence de la formation collégiale du tribunal administratif pour statuer sur la légalité des obligations de quitter le territoire sans délai fondées sur les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 précité, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon n'était pas compétente pour examiner le recours. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.
5. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande présentées au tribunal par Mme B....
Sur le refus de séjour :
6. En premier lieu, le refus de séjour en litige comporte les motifs de droit et de fait qui le fondent et est dès lors suffisamment motivé.
7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni de la circonstance que Mme B... ait bénéficié d'un précédent titre de séjour en raison de son état de santé, que le préfet du Rhône, qui s'est approprié les termes de l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, se soit abstenu d'examiner la situation personnelle de l'intéressée.
8. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté susvisé du 5 janvier 2017 : " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale, mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA, sont appréciées sur la base des trois critères suivants: degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences. / Cette condition des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l'état de santé de l'étranger concerné présente, en l'absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d'une atteinte à son intégrité physique ou d'une altération significative d'une fonction importante. / Lorsque les conséquences d'une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu'à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l'exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l'état de santé de l'intéressé de l'interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d'origine ".
9. D'une part, le préfet du Rhône a produit, l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 24 juin 2018 selon lequel si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine. L'arrêté attaqué n'est donc pas entaché d'irrégularité.
10. D'autre part, si Mme B... soutient qu'elle souffre d'une insuffisance respiratoire majeure et produit un certificat de son médecin traitant établi le 29 novembre 2019, décrivant un syndrome d'apnée du sommeil sévère nécessitant un traitement quotidien nocturne par PPC (pression positive continue), dont l'arrêt " mettrait en jeu immédiatement le pronostic vital de la patiente ", il ressort des pièces du dossier et particulièrement des recommandations françaises de la haute autorité de santé qu'à court terme que ce syndrome emporte uniquement " une altération de la qualité de vie du patient " qui ne peut être considérée comme une conséquence d'une exceptionnelles gravité au sens des dispositions précitées. La circonstance que sur le long terme, soit sur un horizon d'une dizaine d'année, ce rapport relève un lien entre ce syndrome et la morbi-mortalité cardio-vasculaire ne saurait être retenue pour caractériser les conséquences d'une exceptionnelle gravité nécessitant la délivrance d'un titre de séjour à la date de la demande de l'intéressée au sens des dispositions précitées.
11. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'est pas dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où résident plusieurs de ses enfants majeurs et où elle a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-cinq ans. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le refus de séjour en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté. En l'absence d'argumentation spécifique, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.
13. En deuxième lieu, compte tenu des motifs indiqués aux points 9 et 10, en l'absence d'autres éléments, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement en litige méconnaîtrait les dispositions alors codifiée au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou encore serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la fixation du pays de destination :
14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement lu le 18 juin 2020 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.
N° 20LY02871 2
al