Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2019, MmeB..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 29 janvier 2019 ;
2°) de faire droit à sa demande en référé.
Elle soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le juge des référés, son état de santé s'est effectivement aggravé depuis les décisions des juridictions administratives qui ont condamné le centre hospitalier universitaire de Nice ; que l'assertion d'un expert selon laquelle cette aggravation ne pourrait pas être en relation avec sa vaccination est très contestable.
La requête a été communiquée au centre hospitalier universitaire de Nice, au ministre des solidarités et de la santé, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et à la Caisse des dépôts et consignations qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 07MA03935 et 08MA0220 du 15 octobre 2009,
- les jugements du tribunal administratif de Nice n° 0806213 du 16 juin 2010 et n° 1104555 et 1200439 du 18 novembre 2016.
Vu :
- le code de la santé publique,
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.
2. MmeB..., infirmière au centre hospitalier universitaire de Nice, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire une expertise médicale aux fins de déterminer l'aggravation de son état de santé depuis les précédentes expertises dont elle a fait l'objet et de préciser si cette aggravation est due à la sclérose en plaques dont elle est atteinte, laquelle a été reconnue comme imputable à la vaccination contre le virus de l'hépatite B qui lui a été prodiguée en 1991 et 1992. Par l'ordonnance attaquée du 29 janvier 2019, le juge des référés a refusé de faire droit à sa demande, pour défaut d'utilité au sens de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, aux motifs qu'elle ne justifiait pas de circonstances de fait nouvelles au regard de la pathologie évolutive dont elle souffre et que l'expert neurochirurgien qui l'avait examinée, dans le cadre d'une précédente instance, avait estimé " le 10 octobre 2015 ", qu'une " éventuelle rechute ne lui paraissait plus devoir être rattachée d'une manière certaine et directe à l'accident de service de 1992 ".
3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher (cf. CE, 14.02.2017, n° 401514).
4. Par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 15 octobre 2009, devenu définitif, il a été jugé que le lien de causalité entre les vaccinations contre le virus de l'hépatite B qui ont été prodiguées à MmeB..., à titre obligatoire, en sa qualité d'infirmière, et la sclérose en plaques dont elle a été atteinte et qui a été révélée dans un bref délai suivant la troisième injection, devait être regardé comme établi, au sens et pour l'application de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique. Par un jugement du 16 juin 2010, également devenu définitif, le tribunal administratif de Nice a de même jugé que ce lien de causalité devait être regardé comme établi, au sens et pour l'application des dispositions statutaires relatives aux maladies imputables au service dont sont victimes les agents de la fonction publique hospitalière. En conséquence, aux termes de l'arrêt du 15 octobre 2009, l'Etat a été condamné à verser à Mme B...une somme globale de 100 220,30 euros, dont une somme de 30 000 euros correspondant à l'indemnisation de son préjudice personnel résultant de l'incapacité permanente partielle dont elle était alors atteinte et qui avait été évaluée à un taux de 20 %. Sur le fondement de l'action dont dispose tout agent public pour obtenir de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire à la rente viagère d'invalidité ou à l'allocation temporaire d'invalidité à laquelle il peut prétendre, destinée à réparer ses préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux indemnisés par cette rente ou cette allocation ainsi que ses préjudices personnels, le tribunal administratif de Nice a, par un jugement du 18 novembre 2016, condamné, en outre, son employeur, le centre hospitalier universitaire de Nice, à lui verser une somme globale de 52 300 euros, aucune fraction de cette somme n'étant destinée à indemniser un déficit fonctionnel permanent.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des certificats médicaux produits par Mme B...émanant de deux médecins neurologues, le second ayant été missionné par le centre hospitalier universitaire de Nice, qu'elle a été victime, en décembre 2017, d'une nouvelle poussée de la maladie évolutive dont elle est atteinte et que celle-ci lui a laissé des séquelles tant sur le plan fonctionnel que cognitif de nature notamment à majorer significativement le taux de son incapacité permanente partielle.
6. En second lieu, si le docteurD..., neurochirurgien, qui a été missionné en qualité d'expert, dans le cadre de l'instance n° 1104555 et 1200439, ayant donné lieu au jugement précédemment évoqué du tribunal administratif de Nice du 18 novembre 2016, avait eu l'occasion d'indiquer, dans le cadre de cette expertise, que " concernant les préjudices liés à des pathologies évolutives, cette rubrique ne nous paraît pas devoir être prise en considération car à l'heure actuelle, compte tenu des délais écoulés une éventuelle rechute ne nous paraît plus devoir être rattachée d'une manière directe à l'accident de service de 1992 ", mais serait " en relation avec les mécanismes de démyélinisation naturelle qui peuvent toucher une structure cérébrale fragile déjà aggravée par sa pathologie initiale ", il ne ressort ni des motifs, ni du dispositif d'aucune des décisions juridictionnelles ayant statué sur la pathologie de Mme B...que la cour administrative d'appel de Marseille ou le tribunal administratif de Nice ait pris parti sur cette question.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. En conséquence, l'ordonnance du 29 janvier 2018 doit être annulée et il y a lieu d'ordonner la mission d'expertise demandée.
O R D O N N E :
Article 1er : L'ordonnance n° 1803912 du 29 janvier 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulée.
Article 2 : M. C...F..., demeurant..., est désigné avec pour mission de :
- procéder à l'examen médical de Mme E...B... ; se faire communiquer tous documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins et aux diagnostics, intervenus depuis le 18 novembre 2016, date du jugement du tribunal administratif de Nice n° 1104555 et 1200439 ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ;
- déterminer dans quelle mesure l'état actuel de Mme B...résulte d'une aggravation depuis le 18 novembre 2016 des conséquences de la sclérose en plaques dont elle atteinte ;
- déterminer, entre le 18 novembre 2016 et la date de l'expertise, la durée des périodes d'incapacité temporaire totale ou partielle, le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances physiques et psychiques endurées, et préciser, à la date de l'expertise, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique résultant de l'altération de son apparence physique et le préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer certaines activités sportives et de loisir, consécutifs à l'aggravation depuis le 18 novembre 2016 des conséquences de la sclérose en plaques dont elle est atteinte ;
- préciser si le déficit fonctionnel temporaire ou permanent dont Mme B...est atteinte justifie l'assistance par une tierce personne, et, si oui, selon quel volume horaire ;
- donner tous éléments utiles sur l'étiologie de la sclérose en plaques, propres à éclairer l'appréciation qu'il appartiendra au juge administratif de porter sur le lien de causalité, au sens et pour l'application des dispositions statutaires relatives aux maladies imputables au service dont sont victimes les agents de la fonction publique hospitalière, entre la vaccination prodiguée à Mme B...en 1991 et 1992 et l'aggravation de son état survenu depuis le 18 novembre 2016.
Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour administrative d'appel.
Article 4 : L'expertise aura lieu en présence de MmeB..., du centre hospitalier universitaire de Nice, de la caisse primaire d'assurance maladie du Var et de la Caisse des dépôts et consignations.
Article 5 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.
Article 6 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.
Article 7 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la Cour de la date de réception de son rapport par les parties.
Article 8 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la Cour liquidera et taxera ces frais et honoraires.
Article 9: La présente ordonnance sera notifiée à Mme E...B..., au centre hospitalier universitaire de Nice, au ministre des solidarités et de la santé, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, à la Caisse des dépôts et consignations et à M.F..., expert.
Fait à Marseille, le 5 juin 2019
N° 19MA007742
LH