Par ordonnance n° 1703070QPC, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à ce que la question prioritaire de constitutionnalité soit transmise au Conseil d'Etat.
Par jugement n° 1703070 du 28 mai 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande de décharge.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2018 sous le n° 18MA03552, Mme B... C..., épouseF..., Mme G...F...épouseD..., Mme H...F..., M. I...F...et M. E...F..., représentés par la SELARL MBA et Associés, ont demandé à la Cour d'annuler ce jugement et de prononcer la décharge sollicitée.
Par un mémoire distinct, enregistré le 27 juillet 2018, Mme F...et autres, représentés par la SELARL MBA et Associés, demandent à la Cour, à l'appui de leur requête n° 18MA03552, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du IV bis de l'article 151 nonies du code général des impôts qui renvoient au I de l'article 151 octies B du même code en tant qu'elles prévoient qu'en cas d'échange de droits et parts assortis d'une soulte inférieure à 10 % de la valeur nominale des titres reçus, le report d'imposition des plus-values ne s'applique pas au montant de la soulte reçue.
Ils soutiennent que :
- ces dispositions sont applicables au litige ;
- elles n'ont pas fait l'objet d'une déclaration de conformité à la Constitution ;
- elles méconnaissent les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, un tel moyen n'étant pas dépourvu de caractère sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de ne pas faire droit à la transmission demandée.
Il soutient que les moyens tirés de la méconnaissance des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui ne sont pas nouveaux, sont dépourvus de caractère sérieux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, notamment ses articles 6 et 13 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;
- le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;
- le code général des impôts, ensemble le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine des conditions d'application du présent article ". Selon l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " (...) La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat (...) Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux (...) ".
2. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la loi " doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
3. Aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses de l'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". Cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
4. Les dispositions du IV bis de l'article 151 nonies du code général des impôts, qui renvoient au I de l'article 151 octies B du même code, prévoient un mécanisme de report d'imposition, le législateur ayant ainsi entendu favoriser les restructurations d'entreprises susceptibles d'intervenir par échanges de titres. Toutefois, il a voulu éviter, au nom de la lutte contre l'évasion fiscale, que bénéficient d'un tel report d'imposition celles de ces opérations qui ne se limitent pas à un échange de titres, mais dégagent également des liquidités. A cette fin, poursuivant ces buts d'intérêt général, il a prévu, non seulement que les plus-values résultant de tels échanges avec soulte soient soumises à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de l'échange lorsque le montant des liquidités correspondant à la soulte excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus, mais également qu'en cas d'échange de droits et parts assortis d'une soulte inférieure à cette limite, le report d'imposition des plus-values ne s'applique pas au montant de la soulte reçue. Ainsi, par cette dernière disposition contestée par Mme F... et autres, le législateur a réglé de façon différente les situations, qui sont différentes, entre les bénéficiaires de plus-values résultant d'échanges avec soulte ou sans soulte et la différence de traitement est en rapport direct avec l'objet de la loi qui est de favoriser les restructurations tout en veillant à lutter contre l'évasion fiscale.
5. En outre, les bénéficiaires des plus-values résultant d'opérations mentionnées notamment aux articles 150-0 B, 150-0 B ter et 150 UB du code général des impôts bénéficiaient, avant le 1er janvier 2017, d'un sursis ou d'un report d'imposition des plus-values s'appliquant également sur la soulte, sous réserve qu'elle n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus. Cependant, ils sont dans une situation différente de celle des bénéficiaires des plus-values prévues par les dispositions du IV bis de l'article 151 nonies du même code. En outre, pour les motifs mentionnés au point 4, cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
6. Enfin, la disposition contestée ne fait pas peser sur les assujettis, qui notamment en raison de la valeur nominale des parts échangées auraient été contraints de prévoir le versement d'une soulte, une charge excessive au regard de leurs facultés contributives.
7. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée ne peut être regardée comme présentant un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat.
O R D O N N E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme F... et autres.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B...C...épouse F...et autres, et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Fait à Marseille, le 14 septembre 2018.
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N° 18MA03552QPC